À l’occasion du lancement de la collection mixte de parfums Trudon, rencontre avec Julien Pruvost, directeur de création de la maison
La maison de bougies et parfums d'intérieur Trudon lance, sous l’impulsion de Julien Pruvost, cinq eaux de parfum de peau délicieuses.
Par La rédaction Beauté.
Numéro : Jusqu’à cette nouvelle collection de parfums de peau que vous lancez, Cire Trudon était une marque de parfums d’intérieur… Comment avez-vous procédé ?
Julien Pruvost : Trudon explore des périodes historiques, au travers de personnages et de lieux dans lesquels ils ont vécu ou qu'ils auraient pu fréquenter. Pour exemple, la bougie Joséphine, dont les effluves sont inspirés par Joséphine de Beauharnais et la fin de sa vie dans le château de Malmaison. On a composé le sillage de la bougie à partir de documents historiques qui évoquaient et décrivaient les plantes dont elle s’entourait. Avec cette nouvelle collection, je voulais garder un lien fort avec Cire Trudon au travers de trois thèmes de prédilection : la royauté, la religion et la Révolution. Je voulais transmettre aux parfumeurs qui allaient composer les fragrances, des histoires qu’ils pourraient traduire en parfums. Très vite, cinq narrations puis fragrances se sont imposées.
Parlez nous du premier parfum que vous avez crée, Bruma, avec le nez Antoine Lie
J.P. : A l’origine de Bruma, il y a eu une expérience longuement préparée au Musée de la Chasse. Assise avec Antoine, dans la salle du cerf, une thérapeute lui a transmis l’histoire du parfum en utilisant la sophrologie pour méthode. La narration était simple, un personnage royal et féminin quittait à cheval un château en traversant un domaine pour atteindre une forêt de nuit. Elle évoquait les contes que nous portons dans notre mémoire collective. Cela impliquait toutes sortes d'impressions sensorielles et visuelles. Antoine a ensuite composé son parfum comme un clair-obscur charnel, avec du poivre, de l’iris du jasmin, du cuir et du labdanum.
Vous avez aussi travaillé avec Lyn Harris …
J.P. : A l'époque où Lyn était chez Miller Harris, nous fabriquions ses bougies. J'étais fan de cette marque anglaise. Lorsque j’ai revu Lyn Harris, j’étais à un moment de doute sur la structure de la collection. A la différence des autres parfumeurs, Lyn travaille dans son propre laboratoire, un lieu à son image. Tout y est très simple, très beau. On est, dans son univers, enveloppé et rassuré. Je suis venu à elle avec mes idées et des inquiétudes précises. Elle m’a écouté et regardé avec des yeux grands ouverts, et deux semaines après, elle me faisait des propositions extraordinaires. Lyn a su à la fois comprendre où j’en étais dans la structuration de la collection, sans pour autant chercher à cocher des cases qui auraient été manquantes. Elle a tout simplement su traduire une part de l’essence de Trudon, au-delà des cadres que je lui proposais.
Elle a crée pour Trudon trois parfums Olim, II et Révolution. Olim, "autrefois" en latin, est construit autour d’un accord poudré riche ponctué de résines et d’épices. La composition associe bergamote, lavande et anis à un cœur de baies roses et de clou de girofle. En fond, on trouve du patchouli, de l’absolu de benjoin, de la myrhe et des muscs.
L'eau de parfum II, a contrario, est une fragrance très verte
J.P. : Oui, Lyn Harris s’inspire d’une Cologne extrêmement verte. Cette création suit un sous-thème au thème de la religion : l’Amour, celui qui est recherché dans la religion et parfois vécu dans le couple. Il dit l’égalité, la paire, l’intime…Son départ est vif avec des feuilles et de l’orange bigarade, il laisse vite la place à un cœur boisé élaboré autour du pin, du poivre et du genévrier et libère en fond des nuances presque terreuses avec cèdre, encens, ambroxan et cashmeran. Ce fond boisé porte la promesse de la note verte qui demeure sur la peau.
Le parfum Révolution semble afficher une écriture plus littérale
J.P. : Révolution comporte, de manière assez évidente, les notes évoquées par son nom. Pour Lyn Harris, la Révolution, c'était les barricades, les chevaux, le pavé souillé et les vêtements de cuir. J'ai dû un peu m'écarter et la laisser prendre les rênes sur cette composition. J'étais assez déstabilisé car cela participait d'une certaine vision littérale de ce thème. C'est finalement le parfum que je préfère. On a cette note très fumée au départ donné par le bois de cade. Au bout d’un moment, la fumée s’estompe et laisse place à une succession de bois comme le cèdre, le papyrus, le patchouli et l’encens.
Dans le thème révolutionnaire, vous avez aussi le parfum Mortel créé par Yann Vasnier
J.P. : On a ici un style différent, très intéressant, ultra contemporain, avec une facette encens extrêmement présente et un départ poivré qui m'attire. Le parfum a un aspect métallique. Il a quelque chose de tranchant et de froid. Je voulais que Yann réfléchisse à un parfum qui parle d’une révolution artistique et intériorisée. L’atelier Brancusi était mon premier lieu d’inspiration. J'ai toujours été très attiré par cet endroit joliment mort et figé. Si on y va et qu'on ferme les yeux en imaginant l’artiste vivant, toutes sortes de choses très puissantes viennent à l’esprit. Ce parfum emprunte de nombreux détours, mais il en est une lecture.
Pourriez-vous nous parler de votre flacon ?
J.P. : Le choix a été fait d'un flacon identique pour tous les jus, tout en verre comme son capot. Ce détail a représenté un véritable tour de force technique et nous en sommes très fiers. Le dessin a été confié à Pauline Deltour. Il y a eu tout un travail d'adaptation de l’intention à la réalisation. Au départ, il était difficile d’imaginer que cela représenterait tant d’échanges et de modifications. Cela a été très long et très impliquant. Il a fallu passer du temps, redessiner des aspects du flacons, déterminer des panoplies de qualité. C'est un processus fascinant et très précis. La fabrication dure quelques jours. C'est très rythmé. Il n’y a pas de place pour l'erreur. Ce sont les traditionnelles Verreries Brosse qui ont réalisé notre flacon.
Comment signez-vous cette collection ?
J.P. : Nous parlons de Parfums Trudon. Le mot Cire est conservé pour la parfumerie d’intérieur et particulièrement pour les bougies. Le mot ne disparaît pas mais il est laissé là où il est cohérent. Cire Trudon, en tant que marque, est une invention relativement récente. Cire Trudon est le fruit de l’histoire séculaire de l’entreprise combinée à un savoir-faire qui a évolué sans interruption.
Où allez vous vendre ces parfums ?
J.P. : Nous venons de les lancer en boutique dans notre réseau et nous avons noué des partenariats selon les pays (Barneys aux US, Harvey Nichols à Londres…). De façon générale, une partie seulement de nos revendeurs présenteront les parfums.
“Bruma, Olim, II, Révolution, Mortel”, Eaux de Parfum, PARFUMS TRUDON. 180 euros, 100 ml.