Redécouvrir l’incroyable imagerie érotique de Nobuyoshi Araki
Reporter de l'érotisme et pourfendeur des tabous, le photographe star Nobuyoshi Araki est auteur de l’ouvrage Blue Period/Last Summer, Arakinema, souvenirs d’un Japon des eighties réédité aujourd'hui. Fascinante, sa photographie capture la poésie d’un quotidien provocant.
Par Alexis Thibault.
Portraits insouciants, nus idéalistes, imagerie bondage… Le photographe prolifique Nobuyoshi Araki est à nouveau à l'honneur avec l’ouvrage Blue Period/Last Summer, Arakinema qui mêle trois séries d’images issues des années 1980. D'abord, un assemblage de portraits, de nus et de paysages urbains, dans lesquels s’invite une imagerie florale, métaphore du désir, de l’érotisme et du sexe féminin. Araki photographie des femmes dénudées puis dissimule leur sexe avec les plus belles fleurs. En effaçant la couleur à l’aide d’une solution chimique, Blue Period convoque un passé glacial. Ensuite, Last Summer, au contraire, injecte des teintes vermeilles aux images et propose un futur potentiel. “Last Summer est l'avenir, on y trouve un certain sentiment de résignation. Blue Period renvoie au passé, car il s'agit de la façon dont nous nous souvenons. Malgré tout, nous n'avons pas de souvenir du futur.” explique l’artiste. L’ouvrage révèle enfin des œuvres cachées du maître japonais : des projections d’images photographique intimes et provocantes sur écran géant issues de ses performances Arakinema au Palais de Tokyo en 2005.
Auteur de plus de 500 ouvrages dont certains ne sont diffusés qu’à quelques centaines d’exemplaires et valent jusqu’à 3000 euros, l’artiste révèle des tabous électriques.
Héros de la contre-culture nippone, Nobuyoshi Araki naît à Tokyo en 1940. Il étudie la photographie à l’université de Chiba et obtient son diplôme en 1963. Photographe freelance, il intègre l’agence de publicité Dentsu en tant que caméraman et réalise son premier film en 1963 : “Les enfants des cités”. Inspiré du néoréalisme italien, mouvement cinématographique qui documente le quotidien et porte son regard sur le collectif, ce film donne lieu à une série de photographies un an plus tard : Satchin, qui lui vaut son premier prix artistique. Dès lors, le photographe d’après-guerre explore les spécificités de chaque médium : Polaroïd, collage, peinture ou cinéma. Nobuyoshi Araki écume alors les bars, les boîtes de strip-tease, rencontre les geishas et les prostituées, collabore avec des revues SM et s'autorise les poses les plus suggestives (Love Hotel en 1981, My Love and Sex en 1982).
Nobuyoshi Araki écume les bars, les boîtes de striptease, rencontre les geishas et les prostituées, collabore avec des revues SM et s'autorise les poses les plus suggestives.
Dans ce périple obscène Araki conte chacune de ses nombreuses rencontres. Amoureux des femmes, mais épris d’une seule, il publie en 1971 Sentimental Journey, récit de sa lune de miel avec Aoki Yoko. Gravement malade, sa muse le quitte en 1990. La photographie d’Araki se pare alors d’un filtre ébène : Winter Journey fait office d’hommage sombre et nostalgique. Auteur du visuel de l’album de remix Telegram (1996) de Björk, Nobuyoshi Araki propose en 2009 une série de Polaroïd aux côtés de Lady Gaga. Et puisqu’il a perdu l’usage de son œil droit, il publie avec humour Love on the left eye, hommage au Love on the left Bank d’Ed van der Elsken qu’il a toujours admiré.
>> Retrouvez notre portrait du maître japonais (réalisé à l'occasion de son exposition au musée Guimet) ici.
Blue Period / Last Summer, Arakinema, Nobuyoshi Araki, Session Press & Dashwood Books, NYC.
Disponible dès aujourd’hui.