3 nov 2023

Qui était André Ostier, photographe des artistes et des stars du XXe siècle ?

À l’occasion de Paris Photo, l’élégante photothèque des stars et artistes capturés par André Ostier recouvre les murs de la galerie parisienne Jacques Lacoste. Numéro dresse le portrait du photographe français, aidé du commissaire-priseur François de Ricqlès.

André Ostier : un habitué des fêtes mondaines

 

Né en 1906 dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne, André Ostier (1906-1994) est un habitué des cercles mondains, qu’il fréquente assidument. Un bal masqué, un grand banquet, une fête huppée… Le photographe connaît tous les prestigieux invités qui s’y pressent, et maîtrise surtout tous les codes de ce beau petit monde. Ainsi immortalise-t-il l’effervescence qui s’empare de l’Europe après la Seconde guerre mondiale, participant aux nombreuses fêtes qui en animent les capitales autant pour le plaisir que pour le travail, dont il en publie les clichés dans la presse magazine de l’époque. 

 

C’était d’abord une manière de gagner sa vie en s’amusant” concédait-il avec humour (propos rapportés dans le catalogue d’exposition de la galerie Jacque Lacoste). Armé de son appareil à visée verticale (positionné sur le ventre), il capture des scènes naturelles et spontanées, qui semblent nous immerger de la frénésie de ces fêtes.

 

À l’image de sa célèbre photographie de l’artiste surréaliste Leonor Fini (1907-1996) en ange noir, accompagnée du peintre Fabricio Clerici (1913-1993) au bal masqué donné à Venise en septembre 1951 au Palais Labia. “Tout est là pour offrir au voyeur toute la féérie, l’extravaganza d’une arrivée à une grande fête” concède François de Ricqlès (commissaire de l’exposition dédiée au photographe) à propos de ce cliché culte. “C’était une grande amie d’André Ostier, qui l’a photographiée à de multiples reprises. Cette photo illustre une des activités photographiques pour laquelle il est particulièrement connu, celle des bals, des événements mondains, à travers lesquels il représente une élite sociale dont il ne reste au XXe siècle plus que des images…les siennes.” 

 

C’est d’ailleurs au cours de ces évènements très privés qu’André Ostier rencontre la plupart de ses futurs modèles, à commencer par l’artiste Salvador Dalí (1904-1989), qu’il croise à ce même bal vénitien… Ce dernier l’invitant par la suite chez lui, dans son antre fantasque à Portlligat.

Un infiltré dans les ateliers des couturiers et des artistes

 

Outre ses célèbres photographies de réceptions mondaines, André Ostier se fait en effet surtout connaître pour ses portraits d’artistes et de couturiers, qu’il capture au sein même de leurs ateliers. Prétexte pour rencontrer des personnalités qu’il admire, ces séances photos sont l’occasion de plonger dans leur intimité et de découvrir l’environnement au sein duquel ces derniers évoluent. 

 

Ainsi capture-t-il l’artiste Henri Matisse (1869-1954) en 1942, dans un portrait rapproché qui nous plonge dans le regard de cet artiste dont on connaît bien plus les peintures que le visage. “Henri Matisse fût l’un des tous premiers peintres qu’André Ostier photographia. Il lui fût présenté par Pierre Bonnard qu’il sollicita pour des photos en 1940, alors réfugié à Cannes.” explique François de Ricqlès. “Dans cette photographie; Matisse a 73 ans. Son visage est inondé de lumière, comme dans ses peintures et plus encore dans celles qu’il entreprend à cette époque, les fameux papiers découpés, hymne à la couleur, à la joie, à la lumière, à la vie – alors que l’artiste se sait malade et condamné à terme.

 

Cette intimité qu’André Ostier partage, le temps de quelques heures, avec de nombreux artistes, lui permet ainsi de les présenter sous une facette inédite. David Hockney (né en 1937) en train de peindre son Portrait de Shirley Goldfarb, tourné vers l’objectif les yeux écarquillés, comme surpris ; un jeune Yves Saint Laurent (1936-2008) accoudé sur un canapé ; Christian Dior (1905-1957) en train de repriser un tailleur… Ou encore Andy Warhol (1928-1987), debout contre un mur, les bras croisés et la moue boudeuse, contraint de se tenir à carreau le temps d’une photo, après avoir lui-même aveuglé André Ostier avec les flashs de son fameux polaroid.

Un intime des grandes personnalités du XXe siècle

 

Publiés dans la presse de l’époque ou exposés dans un salon privé, les clichés d’André Ostier mettent surtout en avant leur sujet. Naturelles ou solennelles, les poses adoptées par les grandes personnalités qu’il photographie en disent long sur leur statut. 

 

En effet, lorsqu’il ne s’infiltre pas dans un atelier ou au sein d’une soirée mondaine, le photographe français part à la rencontre des grandes têtes dirigeantes et pensantes de son époque, afin d’en tirer le portrait pour la presse. Mais, même là, il conserve son esthétique léchée et intimiste, qui offre à ses modèles une forme de proximité avec leur spectateur.

 

En témoigne le cliché d’Helena Rubinstein (1872-1965), fondatrice de l’entreprise de cosmétique du même nom : “André Ostier capture cette impératrice de la cosmétique dans un des salons de son fameux triplex du quai de Béthune, sur l’île Saint-Louis, où elle a installé une partie de son exceptionnelle collection d’Art Africain. On y ressent toute la force et le pouvoir de cette femme d’exception, posant comme un empereur romain, entourée d’attributs essentiellement masculins” considère en effet François de Ricqlès, dans un parallèle presque littéral avec la position puissante de cette industrielle et femme d’affaires polonaise dans un monde alors composé uniquement d’hommes.

 

 

Exposition “André Ostier. Intime”, jusqu’au 2 décembre à la Galerie Jacques Lacoste, Paris 8e.