13 nov 2025

Paris Photo : 5 photographes à suivre absolument

De retour jusqu’au 16 novembre sous la nef du Grand Palais pour sa 28e édition, la foire Paris Photo réunit cette année 222 exposants, dont 179 galeries 43 éditeurs. Comme de coutume, l’événement permet de découvrir de nombreux talents du monde entier, émergents comme plus confirmés. Focus sur 5 photographes à suivre.

  • Par Matthieu Jacquet.

  • Camila Falquez

    Drag-queens à Brooklyn, activistes transgenres en Colombie, mais aussi Bad Bunny ou encore Kamala Harris… Les sujets des portraits hauts en couleurs de Camila Falquez dégagent une aura saisissante, se trouvant presque élevés au rang de divinités contemporaines. Née au Mexique, élevée à Barcelone et désormais basée à New York, la Colombienne utilise depuis une dizaine d’années son appareil pour sublimer les personnes qui l’inspirent et présenter un éventail riche et varié de notre monde, allant souvent à la rencontre de communautés marginales. À l’instar de la Compañia Manuel Liñan, seule compagnie espagnole d’hommes danseurs de flamenco vêtus de tenues féminines, qu’elle photographie pour le New York Times.

    Très impliquée dans la mise en scène de ses images, des tenues et tissus arborés par ses modèles aux arrière-plans qu’elle peint elle-même en studio, la trentenaire se distingue par son goût pour le mariage de couleurs vives, qu’elle prolonge par l’ajout de soie dans les cadres de ses tirages. À Paris Photo, la galerie Hannah Traore réunit plusieurs de ses séries, dont Orisha, qui explore depuis deux ans la manière dont les cultures et croyances d’Afrique de l’Ouest s’incarnent chez sa diaspora basée à Porto Rico, Cuba ou encore au Brésil. Certaines de ses images ont aujourd’hui rejoint la collection du MoMA.

    Stand de la galerie Hannah Traore, H06. Secteur Emergence.

    Sibusiso Bheka

    Sibusiso Bheka n’a que 28 ans mais son intelligence du cadrage et de la couleur rappelle déjà de grands maîtres de la composition visuelle tels que le peintre Edward Hopper ou le photographe Harry Gruyaert. Les sujets photographiés par le jeune Sud-Africain se trouvent avant tout dans son environnement le plus familier : le township de Thokoza, situé dans le sud-est de Johannesburg, où il a grandi et vit encore aujourd’hui. Débutée en 2016 et toujours en cours, sa série Stop Nonsense en offre un panorama singulier, reposant presque exclusivement sur des vues nocturnes capturées depuis la cour du domicile de sa grand-mère. Le quartier se révèle ainsi par fragments, dépassant des clôtures, des toits de tôles et des angles de rues désertes, sans que les images jamais ne versent dans le voyeurisme intrusif, ni même le documentaire.

    Ici, une peluche abandonnée est éclairée par la lumière jaune d’un lampadaire, là, un enfant apparaît dans le bleu et le rouge des gyrophares des voitures de police que l’on devine hors cadre… Dans des portraits plus récents, diurnes cette fois-ci, le photographe part à la rencontre de la jeunesse qui peuple son township, dont il souhaite dévoiler un visage glorieux, aux antipodes des clichés stigmatisants qui persistent depuis la fin de l’apartheid. Bénéficiaire du programme d’éducation à la photographie initié en 2012 par Rubis Mécénat pour les résidents de Thokoza, Sibusiso Bheka désire rendre la pareille et enseigne désormais la photographie à travers des workshops dans sa région.

    Stand de la galerie Afronova, H05. Secteur Emergence.

    Nhu Xuan Hua

    En haut de l’imposant balcon d’honneur de la nef du Grand Palais, le Cnap (Centre national des arts plastiques) expose cette année sa sélection de cinq photographes articulée autour d’une même thématique : “faire famille”. Parmi les œuvres se démarque un grand tirage format portrait, monté sur chevalet, réunissant tous les codes de la fameuse “photo de famille”, des imposants rideaux en arrière-plan aux postures solennelles des modèles, méticuleusement positionnés pour rentrer dans le cadre. Seule particularité : de leurs têtes ne restent que les contours, leurs visages ayant été effacés par l’auteure de l’œuvre, Nhu Xuan Hua

    Cela fait des années que la photographe française explore son rapport avec ses origines vietnamiennes, notamment en transformant les images de ses archives familiales. Par l’effacement numérique de l’identité des sujets, ou le passage au négatif pour altérer leurs traits, l’artiste fait émerger de cette iconographie traditionnelle et universelle un sentiment d’inquiétante étrangeté, comme le montrent d’autres œuvres accrochées sur le stand de la galerie Anne-Laure Buffard, dans le secteur Principal. Aujourd’hui très reconnue, Nhu Xuan Hua a travaillé avec Gucci, Kenzo, et photographié des célébrités pour des magazines prestigieux comme le Time. En 2024, elle présentait notamment aux Rencontres d’Arles une exposition-expérience en duo avec l’artiste et actrice Vimala Pons.

    Stands de la galerie Anne-Laure Buffard, D09. Secteur principal. Stand du CNAP, balcon d’honneur.

    András Ladocsi

    De ses 4 à ses 18 ans, András Ladocsi a dédié sa vie à la natation puis à la plongée, qu’il a pratiquées à un niveau professionnel. Jusqu’au jour où l’athlète hongrois a choisi de s’éloigner du monde sportif pour se consacrer à la photographie, commençant à immortaliser les graffitis dans les rues et sur les trains de sa ville de Budapest. Depuis, l’artiste, qui a notamment travaillé pour Bottega Veneta et le chanteur Frank Ocean, braque davantage son objectif sur ceux qui l’entourent et l’inspirent, développant une photographie intime voire charnelle où le corps, l’expressivité de ses postures, ses muscles et ses lignes de tensions, se trouvent souvent au premier plan. 

    Présenté dans le secteur Emergence de la foire, le photographe y dévoile également son premier livre, en lice pour les Paris-Photo Aperture PhotoBook Awards. Réalisée entre la Hongrie, l’Australie et les États-Unis, sa dernière série y prend pour fil rouge l’eau et la manière dont celle-ci nous connecte tous. De ces images capturées à l’argentique, souvent baignées d’une chaleureuse lumière naturelle qui évoque celle de l’aube ou du crépuscule, se dégage un sentiment de grande douceur et complicité. Le point d’ancrage de ce projet se trouve d’ailleurs être une petite maison en bois, construite par le photographe et ses amis sur une minuscule île au cœur du Danube…

    Stand de la galerie Obsession, M02. Secteur Emergence.

    Emi Kusano

    Les débats sur l’intelligence artificielle générative n’ont jamais autant agité la société, et notamment le monde de la photographie, à l’heure où la propagation massive d’images d’un réalisme saisissant menace notre appréhension de l’information et de la vérité. Il y a trois ans, Paris Photo commençait à lui accorder plus de place avec la création de son secteur Digital dédié à l’image numérique, où l’on croisait des artistes s’emparant de ces nouveaux outils avec singularité et engagement, à l’instar du duo Holly Herndon & Mat Dryhurst.

    Chanteuse, musicienne et photographe, la Japonaise Emi Kusano embrasse depuis plusieurs années l’IA pour produire une œuvre rétrofuturiste, mêlant références à la publicité, à la science-fiction et à l’anime. À Paris, sur le stand de la galerie ArtVerse en partenariat avec la Fondation Tezos, l’artiste pluridisciplinaire présente sa série Office Ladies : des clichés volontairement anachroniques où des femmes en uniformes d’hôtesses vintage, générées d’après le propre visage de la trentenaire, apparaissent dans des décors dénaturés de bureaux des années 80, semblant prisonnières des piles de documents administratifs, téléphones et autre fax d’époque.

    Visiblement identiques, dupliquées parfois par dizaines dans ces scènes aux portes du réalisme, ces protagonistes artificielles incarnent et dénoncent la déshumanisation – déjà bien instituée par les codes de l’entreprise – de la femme dans un univers corporate aliénant, où celle-ci se trouve réduite à sa simple apparence, stoïque et complètement standardisée au point d’en perdre son identité propre.

    Stand de la galerie ArtVerse, F11. Secteur Digital.

    Paris Photo, du 13 au 16 novembre 2025 au Grand Palais, Paris 8e.