Le festival Circulation(s) dévoile sa sélection de photographes européens
Le festival de la jeune photographie européenne annonce sa sélection. Pour la neuvième année consécutive, Circulation(s) fait émerger de nouveaux talents en réunissant 37 artistes au Centquatre-Paris, du 20 avril au 30 juin prochain.
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Pour la neuvième année consécutive, le festival Circulation(s) soutient les créations de 37 jeunes photographes européens. Sous la direction artistique du duo The Red Eye (Audrey Hoarau et François Cheval), l’événement fait émerger de nouveaux talents et présente des artistes roumains notamment des artistes roumains à l’occasion de la saison France-Roumanie. Focus sur 5 des photographes présentés.
1- Maksim Finogeev
Pour son projet baptisé Snapkins, l’Ukrainien de 31 ans a décidé de faire un gros plan sur l’absurdité du monde de la consommation, les vulnérabilités de chacun et le désir de faire partie des beautiful people – beaux, riches et célèbres – de la nouvelle génération hyper connectée. Pour illustrer cette incompréhension, Maksim Finogeev est parti d’une situation emblématique : celle des jeunes garçons désireux de se faire des contacts sur les réseaux sociaux en espérant devenir mannequin. Pour y parvenir, ils n’hésitent pas à réaliser des “snaps”, images en sous-vêtements et sans retouches prises avec leur portable, qu'ils partagent ensuite sur le groupe “Typical Man’s Modeling” du réseau social russe VK. La communauté se charge alors de juger le physique de ces jeunes hommes.
La Toile se transforme ainsi en un véritable tribunal où les seuls critères de validation sont purement corporels, avec, à la clé, pour certains, une sentence sans appel : pas de carrière possible dans le mannequinat ! À travers son œuvre, le photographe Maksim Finogeev met en lumière ceux qui sont exclus de ce système basé sur l’apparence. Pour dénoncer l'effet Kleenex et la superficialité de ce système, l’artiste est allé jusqu'à imprimer les snaps de ces garçons sur des serviettes, soulignant à quel point leurs corps sont assimilés à des produits jetables.
2- Sina Niemeyer
Associant divers médiums (photographie, écriture, vidéo) la photojournaliste berlinoise Sina Niemeyer mêle autoportraits, archives familiales et images détruites dans le cadre de son projet autobiographique baptisé Für mich. Celui-ci porte sur le thème de l’abus sexuel qu’elle a elle-même vécu à l’âge de 11 ans.
La jeune femme de 27 ans réalise un projet introspectif à portée plus générale puisqu’on estime que trois femmes sur cinq ont été victimes d’un abus sexuel au cours de leur vie. Avec Für mich, l’artiste aborde les émotions particulières éprouvées par ces femmes et qui ne peuvent s’expliquer avec des mots.
Avec ces photographies, la jeune femme aborde des thématiques profondes : la résilience, l’acceptation et le retour au quotidien lorsque les cicatrices sont invisibles mais pourtant bien présentes. Tel un exutoire, elle exprime son ressenti et l’impossibilité d’avoir une “vie normale” après avoir connu ce type d'agression, avec des clichés aussi emplis de mélancolie que d'apparente insouciance : sourires d’enfants ou jeux dans l’herbe dans une lumière claire et chaude.
3- Anastasia Mityukova
À travers sa série Project Iceworm, la photographe suisse Anastasia Mityukova décompose et pointe les conséquences néfastes de l’attitude des hommes pour l'avenir de la planète. Partant d’un fait historique de 1959, année durant laquelle l’armée américaine a construit une base militaire sous la calotte glaciaire du Groenland pour y déployer des missiles, l’artiste a élaboré des installations (assemblage de cyanotypes, collages, archives, vidéos et vues aériennes) pour exposer les transgressions humaines, de l’attitude coloniale à la destruction, en passant par la pollution.
C’est une réalité invisible et qui nous échappe que dénonce l’artiste de 26 ans, qui appréhende la limite infime entre le certain et l'incertain, le réel et l'imaginaire : “Les histoires mensongères, les fake news, les théories conspirationnistes ou les canulars sont aussi fascinantes pour moi que la manière dont les images sont utilisées pour que les gens y croient”, explique-t-elle.
4- Douglas Mandry
Avec son projet Unseen Sights, le photographe suisse Douglas Mandry se positionne en véritable “constructeur” de paysages. Le photographe ne présente pas de simples photos en noir et blanc issues de ses voyages sur des sites archéologiques de Turquie. Loin de se contenter du réel, il l’interprète en colorant ses clichés, s’inspirant de ses souvenirs ou puisant directement dans les textes laissés par des archéologues.
L’artiste de 29 ans détourne la fonction promotionnelle de la carte postale pour en faire un véritable objet d’art. Il retouche à sa façon des monuments ou des paysages qu’il a lui-même visité.
5- Łukasz Rusznica
Le photographe polonais Łukasz Rusznica nous propulse entre les dieux et les monstres de la mythologie japonaise avec sa série Subterranean River. Épris des créatures surnaturelles le photographe de 39 ans imagine un nouveau territoire qu’il va jusqu’à cartographier intégralement. Dans ses photographies, l’homme a autant d’importance qu’une pierre, qu’un buisson ou qu’un chat : “J’explore la ‘nature’ qui représente tout ce qui est soumis à des processus biologiques, chimiques et physiques, tout ce qui est existe, vieillit et se décompose”, précise-t-il.
Avec cette série, Łukasz Rusznica souhaite comprendre à quel point nous sommes insatisfaits, en permanence à la recherche d’une issue. Ce n’est pas la première fois que le photographe présente un projet en lien avec le Japon. Très inspiré par le pays du soleil levant, il a d’ailleurs été sélectionné pour participer à l'“European Eyes on Japan” en 2016.
Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne du 20 avril au 30 juin au Centquatre-Paris.