Man Ray, Txema Yeste… les temps forts du festival de photo InCadaqués

par Ambra Flora, 

et Nathan Merchadier.

Le festival InCadaqués, rendez-vous incontournable de la photographie

C’est devenu une véritable tradition. Chaque automne, le village de Cadaqués, niché au cœur du parc naturel du Cap de Creus, se transforme en lieu de rendez-vous pour les passionnés de l’image grâce au festival international de photographie InCadaqués. Après avoir mis à l’honneur le réalisateur américain David Lynch en 2023, puis l’immense photographe britannique Martin Parr en 2024, l’événement revient, pour sa 9e édition, avec une programmation foisonnante.

Du 9 au 26 octobre 2025, 40 photographes originaires de 20 pays exposeront leurs œuvres à travers des lieux emblématiques de Cadaqués. Soit vingt galeries d’art, huit espaces en plein air, ainsi que trois expositions sous-marines inédites dans la baie du village.

Un hommage au maître surréaliste Man Ray chez Dalí

Après Martin Parr en 2024, le festival met cette année à l’honneur l’Américain Man Ray (1890–1976), l’une des figures emblématiques du surréalisme et du dadaïsme. Ce peintre et photographe né à Philadelphie, a marqué durablement l’histoire de la photographie avec des œuvres mythiques, comme Le Violon d’Ingres (1924). Entre jeux d’ombres et de lumière, formes énigmatiques et sensibilité onirique, ses photographies en noir et blanc révèlent une vision libre et subversive du réel.

L’exposition dédiée à Man Ray se déploie dans les jardins de la pittoresque et fascinante maison de Salvador Dalí, lieu chargé d’histoire. Cette scénographie poétique rend hommage aux liens d’amitié et à la complicité entre les deux artistes. Man Ray avait notamment tiré le portrait du peintre à la célèbre moustache…

Txema Yeste : l’alchimiste de la lumière

Figure incontournable de la photographie contemporaine, le photographe Txema Yeste est mis à l’honneur de cette neuvième édition du festival avec une exposition d’envergure présentée au Casino de Cadaqués. À travers une sélection de près de quarante œuvres, pour la plupart présentées pour la première fois en Espagne, le photographe catalan invite le public à plonger dans son onirique, où la mode et la lumière se rencontrent pour donner vie à une véritable symphonie de couleurs.

Collaborateur fidèle du magazine Numéro, récemment exposé au Reiffers Art Center, Txema Yeste s’impose depuis plus de quinze ans comme un maître de la mise en scène photographique, capable de conjuguer la rigueur du réel et la fulgurance du rêve. D’une précision extrême, ses compositions explorent la tension entre ombre et éclat, corps et architecture, puissance et sensualité, et continuent à redéfinir les contours de la photographie de mode contemporaine.

Les artistes en résidence et la jeune création à l’honneur

Cette année, le festival InCadaqués met une fois de plus à l’honneur trois artistes en résidence, dont les œuvres prolongent l’esprit contemplatif de l’événement. Julien Mignot (notamment connu pour ses sublimes portraits de célébrités) capte, à la chambre, la lente métamorphose du ciel et la poésie chromatique des paysages de Cadaqués. Avec In Memoriam Terrae, la photographe Cloé Harent, lauréate du prix Jeunes Talents 2024 du festival Planches Contact à Deauville, explore de son côté la mémoire géologique et la fragilité du vivant à travers une approche sensorielle et lumineuse. Enfin, le Belge Antoine De Winter, mêle photographie, sculpture et expérimentation au sein d’œuvres réalisées selon le procédé rare de l’orotype, où la lumière devient matière.

Dans l’œil des photographes documentaires

La photographie documentaire est aussi mise à l’honneur à travers trois regards singuliers qui interrogent les réalités sociales, politiques et intimes de notre époque. Premièrement avec la série de photos Gaza : Mode d’emploi, Eduardo Soteras Jalil livre une cartographie sensible du quotidien à Gaza. Réalisé il y a dix ans comme une forme d’archéologie préventive, ce projet capture des gestes simples et des paysages familiers, faisant de la photographie un acte de mémoire et de résistance.

Dans son projet Were Afghan Women to Unveil Their Tales Valentina Sinis donne quant à elle à voir la vie des femmes afghanes, entre luttes invisibles, beauté du quotidien et gestes discrets de liberté. Enfin, la mémoire de la photographe espagnole Isabel Steva Hernández, dite Colita (1940–2023), est célébrée à travers l’exposition Portraits divins, présentée au musée de Cadaqués en collaboration avec la Fondation Joan Vehí. Artiste engagée et figure majeure de la vie culturelle barcelonaise, Colita a documenté avec une sensibilité à la fois tendre et incisive les grandes mutations sociales de l’Espagne, notamment le mouvement féministe dans les années 1970.

Les clichés de Jinyong Lian dans une exposition sous-marine

Pour cette neuvième édition, deux expositions sous-marines plongent enfin les visiteurs au cœur de la baie de Cadaqués. Txema Yeste y déploie une fois encore sa maîtrise de la lumière et de la composition, tandis que la photographe chinoise Jinyong Lian, récemment diplômée des Beaux-Arts de Paris et lauréate du prix Jeunes Talents 2025 des Agents Associés, présente une série poétique intitulée Trust Me. Ces clichés revisitent le conte Les Habits neufs de l’empereur (de Hans Christian Andersen), en mêlant humour et étrangeté… Dans le but d’interroger les normes sociales et les dynamiques de pouvoir, tout en offrant un dialogue passionnant entre l’art et la nature.

Le Festival InCadaqués, jusqu’au 26 octobre 2025, à Cadaqués, Espagne. Retrouvez la programmation complète ici.