16 oct 2018

Avec “Getting Lite”, la photographe Martine Barrat nous embarque dans le South Bronx des années 70

Jusqu’au 24 novembre, le centre culturel La Place (Paris Ier) donne carte blanche à la photographe et vidéaste Martine Barrat pour une plongée au cœur du South Bronx de la fin des années 70. Gros plan sur le hip-hop du métro new-yorkais. 

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Vêtue d’une jupe noire Xuly Bët, d’une veste sobre et d’une banane rose achetée aux puces de New York, Martine Barrat raconte l’histoire de son projet "Getting Lite". En 1971, la photographe excentrique décide de passer huit ans auprès de deux gangs majeurs du South Bronx [un quartier sud de la ville de New York] : les Roman Kings et les Ghetto Brothers. Par hasard, elle rencontre un jeune membre du gang qui l’infiltre dans cet univers qui ne l’effraiera jamais. Ses souvenirs, elle a souhaité les partager dans une exposition au centre culturel La Place (Paris Ier). Au programme : des hommes, de femmes et des enfants photographiés à l’argentique dans les quartiers délabrés du New York des années 1970. Avec sa caméra, Martine Barrat capture, enregistre, documente et, finalement, survit avec ce besoin permanent de dépeindre la réalité. Dans cet environnement précaire, les habitants dansent, chantent, travaillent dans des business souterrains, s’amusent et combattent l’ennui : “On me demande ce que je veux faire. Moi ? Rien. Ce n’est pas à moi de le faire. Je suis quelqu’un qui a écouté ces gens. Quelqu’un qui a vu où pissaient les junkies et à quel point les blessures du désespoir apparaisent vite, raconte-t-elle. Dans cette atrocité où les gens devaient vivre, entourés de familles de rats, d’espaces non chauffés, le hip-hop est né”.

 

 

“Ce que j’aime, c’est photographier la mode et les projets artistiques qui émanent de la rue.”

 

 

C’est aussi en tant que membre du jury de l’Urban Films Festival – le premier festival du film consacré à la ville, aux pratiques et aux modes de vie qui en émanent – que la photographe de 85 ans a présenté son documentaire “Getting Lite”, lancé comme un “Regardez-moi danser !” : entre 2017 et 2018, elle a suivi de jeunes danseurs de rue dans les wagons du métro new-yorkais. Sur une musique propre au mouvement hip-hop, torses nus, tee-shirts sur la tête et shorts en bas des genoux, les danseurs afro-américains effectuent des figures à l’aide des barres du métro ou jonglent avec leurs casquettes entre deux banquettes. “On danse pour s’en sortir ou pour le plaisir, racontent ces acrobates, danser nous équilibre et nous sort de la rue. Au moins on ne vend pas de drogue.” Des profils lumineux et parfois plus opaques d’une jeunesse défavorisée qui inspire Martine Barrat : “Ce que j’aime, c’est photographier la mode et les projets artistiques émanant de l'esprit de la rue.”

La photographe a longtemps navigué entre deux mondes. Logée au mythique Chelsea Hotel à New York, lieu de séjour de  l’écrivain Jean-Paul Sartre, du réalisateur Stanley Kubrick, des actrices Uma Thurman et Jane Fonda ou encore de la chanteuse Patti Smith. Elle côtoyait aussi bien l’univers misérable de certaines zones new-yorkaises délaissées que le microcosme luxueux en travaillant pour les plus grands : un film pour Yves Saint Laurent intitulé Woman is sweeter ou des photographies réalisées pour l’ouvrage My friends publié par le créateur Yohji Yamamoto en 1987. En 1993, elle sort son livre sur les enfants boxeurs intitulé Do or Die préfacé par le réalisateur Martin Scorsese. Depuis, la photographe travaille tous les jours à Harlem sur plusieurs projets de livres : La Goutte-d’Or à Paris, le quartier de Harlem et le Japon.