Pourquoi les œuvres de Dan Flavin sont-elles plus que de simples néons ?
Figure majeure du minimalisme américain, l’artiste Dan Flavin est devenu célèbre dès les années 60 pour ses installations lumineuses et colorées à base de tubes fluorescents. Un mois et demi après l’ouverture de son premier espace à Paris, la méga galerie David Zwirner lui consacre sa deuxième exposition.
Par Matthieu Jacquet.
Des néons colorés posés à l’oblique, assemblés en croix ou bien à la parallèle, des cadres lumineux et réguliers, des appliques circulaires accrochées au mur… Nous sommes bien face à des œuvres de Dan Flavin. À partir de 1963, cet artiste new-yorkais commence à expérimenter de manière presque exclusive avec un matériau qui devient rapidement son signe distinctif : le tube fluorescent acheté en magasin. Au fil des années, ces objets sont érigés sur mur, dans les angles ou simplement posés au sol, composant des grilles, des quadrillages ou des frises qui habillent les espaces de leurs couleurs éclatantes. Par son utilisation directe de ce matériau industriel, parfois laissé tel quel, l’artiste rejoint ansi le mouvement minimaliste aux États-Unis, dans lequel se retrouvent également un Donald Judd ou un Carl Andre.
Il y a 13 ans, l’œuvre de Dan Flavin était à l’honneur au musée d’Art moderne de la ville de Paris à travers une rétrospective d’ampleur. Cette fois-ci, c’est entre les murs plus étroits d’une galerie que son travail est à nouveau présenté en France, jusqu’au 1er février prochain. Pour sa deuxième exposition après l’ouverture de son premier espace à Paris, la méga-galerie américaine David Zwirner choisit donc de présenter sept de ses œuvres, réalisées entre 1964 et 1987. Réparties dans quatre salles, elles composent un parcours attestant à la fois de l’obsession de l’artiste pour son matériau et de la variété de ses utilisations.
Dans l’entrée de la galerie, trois néons de tailles différentes sont accolés et accrochés au mur : chacun émet l’une des trois couleurs primaires, accueillant le visiteur par une synthèse chromatique. Mais son regard est attiré par la salle suivante, d’où émane une lumière rouge et bleue. En y pénétrant, il découvre une frise de cadres lumineux réguliers qui s’étendent sur toute la profondeur de la pièce, chapeautés par la verrière. Les tubes qui les composent créent des jeux de perspective pour le visiteur qui se laisse envelopper par leur lumière onirique, porté vers l’infini. Au sein d’une autre salle, trois néons blancs se font face : si leur lumière semble identique à première vue, on remarque progressivement les légères variations dans leur qualité – l’une est plus chaude, l’autre plus froide ou plus douce. Car c’est bien en jouant sur les intensités et les teintes que Dan Flavin parvient à provoquer l’émotion, et même en appeler au spirituel.
En atteste cette exposition, les œuvres de Dan Flavin sont bien davantage que de vulgaires néons, plaçant toute leur force dans leur capacité à redéfinir l’espace. Au fil des quatre salles de la galerie David Zwirner, l’artiste donne corps à l’immatériel : les lumières s’infiltrent d’une pièce à l’autre, se croisent, se contrastent ou s’entremêlent, montrant à quel point l’œuvre peut dépasser de loin son objet concret. Une belle entrée en matière dans le travail de l’artiste dont l’esprit ingénieux brille encore, malgré sa disparition en 1996, derrière ses néons.
Dan Flavin, jusqu’au 1er février 2020 à la galerie David Zwirner, Paris 3e.