PAD Paris 2022 : Martin Laforêt, le jeune designer qui transforme des matériaux pauvres en pièces de luxe
Dans ses créations énigmatiques, le jeune designer français assemble avec brio béton et bois de coffrage, s’inspirant autant de l’art que des autoroutes. Du 5 au 10 avril, la Carpenters Workshop Gallery lui consacre son stand au jardin des Tuileries lors de l’incontournable salon PAD Paris.
Par Thibaut Wychowanok.
L’incontournable salon du design fait son grand retour à Paris, du 5 au 10 avril, avec 70 galeries internationales. Au programme : des pièces d’exception et le meilleur de la création contemporaine, comme les œuvres du Français Martin Laforêt présentées par la Carpenters Workshop Gallery. Chez ce designer de talent, la matière devient art. Sa “chaise à palabre”, par exemple, imaginée en 2021, explore son matériau de prédilection : le béton. Magnifié par des formes épurées, ce siège africain de prestige, léger, transportable, fait de deux planches de bois entrecroisées, se métamorphose ainsi en une forme immuable et imposante, qui, par la seule pureté de sa silhouette de béton nu, fait œuvre.
La démarche de Martin Laforêt rappelle immanquablement l’arte povera italien de la fin des années 60 dans sa façon d’user sans emphase de matériaux frustes.
Sa série des Mould Objects, initiée en 2019, travaille quant à elle sur l’assemblage de formes réalisées en béton ou en bronze avec les moules en bois qui ont permis de les créer. Le négatif (le moule) et le positif (l’objet massif) fusionnent ainsi en un seul objet portant leur double empreinte. Une manière pour le designer de valoriser la puissance du geste créateur, aussi important à ses yeux que l’objet fini. Dans cette série, ce geste s’inscrit littéralement dans la pièce, qui intègre dans sa chair la trace de la mutation créative. Les objets massifs semblent alors portés par un mouvement qui serait toujours à l’œuvre.
Dans le travail de Martin Laforêt, tout est question d’équilibre.
Autres manifestations de ce geste créateur, également présentées au PAD Paris : ses Low Chairs, toutes construites à partir d’un même moule. Sur une base en béton, l’artiste adjoint – instinctivement et selon ses envies – plusieurs éléments superposés afin d’imaginer une variation libre de formes et de couleurs. La démarche de Martin Laforêt rappelle immanquablement l’arte povera italien de la fin des années 60 dans sa façon d’user sans emphase de matériaux frustes. Et pourtant, ses pièces, par leur manière si particulière de s’assembler, évoquent assurément des références plus actuelles. Ainsi, dans sa chaise MCV2, le béton sépare deux pièces en bois, le tout étant maintenu par des sangles en Nylon.
Ce rapprochement de catégories ordinairement bien distinctes – l’univers urbain du béton, naturel du bois et technique du Nylon – est une façon habile de déjouer les oppositions habituelles entre nature et culture, mais surtout entre low et high culture. Le matériau se libère des jugements de valeur historiques et sociaux qui lui sont associés pour n’être plus considéré que pour lui-même, et dans ses interactions avec d’autres matières. La rencontre avec l’objet et son matériau, dégagée de toutes les idées préconçues, gagne en immédiateté et en évidence. Dans ce travail encore, tout est question d’équilibre : les matériaux se distinguent avec netteté, et, plutôt que de s’assembler pour ne faire qu’un, jouent aux équilibristes les uns avec les autres.
Enfin, Martin Laforêt présentera au PAD Paris, pour la première fois, une nouvelle table basse issue de sa série Highway. De fait, cette longue et étroite masse de béton de 2,70 m est directement inspirée des autoroutes. Un objet de fascination inattendu, mais pourtant révélateur du fabuleux pouvoir de l’homme de transformer la matière, à l’instar de deux autres passions du designer : l’architecture et les paysages artificiels, apothéoses du geste créateur.
Les créations de Martin Laforêt sont à retrouver du 5 au 10 avril sur le stand de la Carpenters Workshop Gallery au PAD Paris, Tuileries, Paris 1er.