PAD London 2019 : la galerie française Wa Design frappe fort
Le salon d’art et de design PAD London ouvre sa nouvelle édition à plusieurs galeries internationales. Focus sur la jeune française Wa Design, qui présente des œuvres de designers japonais et d’Harry Morgan, mention spéciale du Loewe Craft Prize.
Par Thibaut Wychowanok.
Les Années folles viennent de s’éteindre lorsque Junzo Sakakura arrive à Paris pour intégrer l’atelier de Le Corbusier. Il deviendra, à son retour au Japon, l’un des piliers du mouvement moderniste. Entre-temps, il a rencontré la jeune Charlotte Perriand, elle aussi disciple du maître français. Alors, quand le gouvernement japonais lui demande, à la fin des années 30, d’inviter un designer hexagonal, il pense immédiatement à la créatrice du célèbre Bar sous le toit, pionnière qui allie dans son mobilier le métal rutilant des voitures et la simplicité du bois. Surtout, Perriand, engagée socialement, a développé toute une réflexion architecturale sur l’unité d’habitation (elle n’est pas élève du “Corbu” pour rien). C’est qu’il faut répondre au bouleversement des villes. Elle a déjà imaginé, aussi, la préfabrication industrielle de logements (salle de bains et cuisine). Perriand influencera toute la modernité japonaise. Elle en sera elle-même transformée.
La galerie défend également au PAD un travail beaucoup plus contemporain, comme celui d’Harry Morgan qui emploie la technique du soufflage du verre à la vénitienne, appelée “murrine”, où chaque tige de verre est individuellement tirée du four.
C’est cette histoire qui a inspiré à Christophe Magnan et Philippe Brieallard la création de la Wa Design Gallery, (wa signifiant “harmonie” en japonais) lancée en 2017. “Ouvrir une nouvelle galerie sur le marché du design où, a priori, nous n’avions pas de légitimité représentait une véritable aventure. Le design japonais, dans le dialogue qu’il entretient avec le design français, était encore peu défendu, et d’ailleurs tout jouait contre : la distance, la langue, le protectionnisme nippon, mais aussi l’absence de galeristes et de marché structuré là-bas. Notre premier travail a été de former des marchands sur place pour repérer les pièces existantes. Notons également qu’en France, si on connaît les meubles phares, on ignore le plus souvent leur origine ou le nom du designer. Nous essayons de faire œuvre de pédagogie.” Parmi les designers défendus par la galerie, le sculpteur touche-à-tout Isamu Noguchi, Américain d’origine japonaise, dont les pièces organiques et lyriques suscitent autant l’émotion que le mystère. Créateur de décors pour Merce Cunningham et George Balanchine, mais aussi de la sculpture symbolisant la liberté de la presse au sein du Rockefeller Center, Noguchi conçoit des meubles touchant à l’abstraction pour Herman Miller (les tables IN-50 ou Rudder) et le célèbre canapé Freedom. Avec ses lampes Akari, il réinvente jusqu’aux luminaires traditionnels japonais.
Au PAD London, Wa présente surtout le fameux fauteuil en bambou d’Ubunji Kidokoro. “Au début des années 30, raconte Christophe Magnan, le Japon ne possédait pas le savoir-faire du bois plié [les machines nécessaires seront acquises auprès des Américains à la fin de la décennie]. Mais ils sont déjà fascinés par le travail d’Alvar Aalto qui maîtrisait parfaitement cette technique. À défaut de bois plié, Kidokoro crée son fauteuil en bambou à l’aide de couches successives, en les collant les unes aux autres. Au Japon, Charlotte Perriand découvre l’œuvre, l’étudie et en note les points de fragilité pour la réinterpréter avec son iconique chaise longue.”
La galerie défend également au PAD un travail beaucoup plus contemporain, comme celui d’Harry Morgan qui emploie la technique du soufflage du verre à la vénitienne, appelée “murrine”, où chaque tige de verre est individuellement tirée du four. Coulé dans du béton ou du métal précieux, le matériau le plus fragile se lie avec poésie au matériau le plus brut. Le Britannique, déjà présent dans les collections permanentes du Victoria and Albert Museum est récompensé en juin 2019 d’une mention spéciale pour une sculpture monolithique par le jury du Loewe Craft Prize qui commentait : “Le travail radical d’Harry Morgan découle d’une confrontation paradoxale de matériaux qui semblent ne pas fonctionner ensemble. Ce faisant, il insuffle un esprit artisanal aux éléments les plus communs.”
À seulement 29 ans, il s’impose ainsi comme le talent à suivre.
PAD London, du 30 septembre au 6 octobre, Berkeley Square, Mayfair, Londres.