Loewe Foundation Craft Prize 2021 : découvrez les lauréats de la 4e édition
Depuis sa création en 2016, le Loewe Foundation Craft Prize récompense chaque année des créateurs contemporains qui mettent l’artisanat au cœur de la pratique. Décerné par Jonathan Anderson et la maison Loewe, dont il est directeur artistique, ainsi qu’un jury d’experts et professionnels, le prix vient de dévoiler les lauréats de sa quatrième édition, reportée d’un an en raison de la crise sanitaire.
Par Matthieu Jacquet.
En 2016, Jonathan Anderson a une idée : créer un prix international dédié à l’artisanat et décerné par Loewe, dont il est alors le directeur artistique depuis trois ans. Passionné par l’art et les savoir-faire, le créateur irlandais rejoint par ce projet l’identité de la maison espagnole, et part à la recherche d’artistes et de designers du monde entier dont la pratique témoigne d’un usage original et innovant d’une ou plusieurs techniques. La fondation Loewe est créée, et avec elle le Loewe Foundation Craft Prize, qui récompense, chaque édition, un lauréat de 50 000 euros pour une œuvre particulière, tandis que les travaux des finalistes sont réunis lors d’expositions présentées dans le monde entier. En trois années et trois éditions, le prix a récompensé Ernst Gamperl, Jennifer Lee et Genta Ishizuka, mais également plusieurs créateurs par des mentions spéciales. Si sa quatrième édition, en 2020, s’est vue en reportée end’un an en raison de la crise sanitaire, le jury du prix vient tout juste de piocher parmi les 30 finalistes la nouvelle lauréate : la jeune créatrice chinoise Fanglu Lin pour son œuvre SHE, tandis que les deux mentions spéciales reviennent au Chilien David Corvalán et au Japonais Takayuki Sakiyama. Devant la sélection de cette édition, Jonathan Anderson s’est montré impressionné par le niveau des pratiques présentées, qui selon ses mots ne cesse de s’accroître. En outre, là où les pratiques des finalistes des éditions précédentes faisaient la part belle au verre et à la céramique, le créateur a confié à Numéro avoir été frappé par la récurrence du textile dans les pièces proposées par les nommés.
La création de Fanglu Lin en est l’exemple : pour cette sculpture blanc crème faite exclusivement en tissu, la trentenaire a mobilisé des techniques traditionnelles chinoises de teinture qu’elle a apprises après des femmes bai, une population installée dans la région de Yunnan au sud-ouest du pays. “Il a fallu trois mois de travail intensif, de tricot, couture, pliage et plissage répétitif et scrupuleux, se remémore-t-elle. La partie délicate était de suivre les formes et motifs que j’avais dessinés sur un tissu vierge alors que le processus d’assemblage et de teinture avait déjà commencé.” En résulte un large assemblage aux volumes organiques, orné de mailles en cercles concentriques évoquant aussi bien le cœur d’une fleur de tournesol que le dessin d’un soleil rayonnant. Mais SHE, la création de Fanglu Lin est d’autant plus frappante lorsque l’on s’y confronte physiquement : “Face à son œuvre, l’échelle est si grande qu’elle vous englobe, précise Jonathan Anderson. Je n’ai jamais vu un tel travail. Elle amène les techniques du textile à un niveau différent.”
Au-delà de cette œuvre gagnante, le Loewe Foundation Craft Prize a également récompensé David Corvalán pour sa sculpture Desértico II en cuivre, fils de métal et résine dont les volumes intérieurs imitent le centre d’une souche d’arbre autant que la profondeur d’un canyon, ainsi que l’œuvre circulaire de Takayuki Sakiyama, figeant dans la terre par la poterie le mouvement sinueux des vagues qui polissent le sable et la pierre. “David Corvalán, c’est le don de créer un monde entier, tellurique, paysage escarpé, d’une poésie sans limite dans une oeuvre de cuivre d’une délicatesse absolue, commente Olivier Gabet, membre du jury de l’édition 2021 du prix et directeur du Musée des Arts Décoratifs de Paris. Chez Takayuki Sakiyama, c’est la maîtrise d’un des plus grands artistes céramistes de notre temps, une force et un humanisme total, où le tour de force réel laisse aussi la place au rêve, à la sensation de la mer et des rumeurs des vagues sur le sable, le côté Virginia Woolf de la chose.”
A l’image de ces trois créateurs, Jonathan Anderson et Olivier Gabet soulignent tous deux la singularité des pratiques et des travaux présentés et la manière originale qu’ont eu leurs auteurs de s’emparer de techniques traditionnelles pour en extraire des formes contemporaines. “Dans une époque hors norme, chacun donnait l’impression profonde, forte et sereine à la fois, d’ajouter quelque chose de plus, de nécessaire, de vital même au monde tel qu’il est”, ajoute Olivier Gabet, qui présente les œuvres des 30 finalistes dans l’enceinte de l’institution qu’il dirige. Si l’exposition n’est pour l’instant pas accessible au public, Loewe y a remédié en développant sa version virtuelle qui permet de parcourir l’ensemble des pièces, classées par techniques, et se rendre davantage compte de leur échelle. En parallèle, la maison espagnole a également créé “The Room”, une plateforme numérique dédiée à regrouper l’ensemble des participants au Loewe Foundation Craft Prize depuis 2016, permettant de retrouver directement leur propre site ou leurs galeries, ainsi que faciliter l’acquisition de leurs créations. Pour l’avenir du prix, Jonathan Anderson se montre optimiste : “Nous allons étendre davantage notre programme de discussions, ainsi que faire du répérage dans des pays plus éloignés pour encourager les artistes à postuler. Je constate tout de même que le prix a gagné une certaine notoriété en peu de temps et est devenu important dans le monde de l’artisanat. C’est bon signe, et nous voyons que cette visibilité a aidé plusieurs créateurs tels que Jennifer Lee à avoir des expositions en institutions. L’artisanat commence à être pris au sérieux, et il s’agit pour nous de maintenir ce niveau d’exigence.”