28 avr 2022

Who is Zineb Sedira, special mention of the jury for the French pavilion at the Venice Biennale?

Ce samedi 23 avril, la Biennale d’art de Venise donne le coup d’envoi de sa 59e édition, reportée d’un an en raison de la pandémie. Outre l’exposition principale “The Milk of Dreams” déployée à l’Arsenale et au pavillon central des Giardini, les expositions présentées dans les pavillons nationaux sont, comme de coutume, parmi des événements les plus attendus. Focus sur l’artiste Zineb Sedira, dont l’exposition au pavillon français célèbre l’avant-garde cinématographique des années 60-70 entre Venise, Alger et Paris à travers un film, une performance, décors en miniature et installations recréant un studio de tournage. Une véritable mise en abyme autant qu’un hommage sincère à la puissance émancipatrice du cinéma.

Reconnue sur la scène artistique internationale, Zineb Sedira est la quatrième femme et la première artiste française issue de l’immigration à représenter la France à la Biennale de Venise. Née en France de parents algériens, en 1963, elle grandit à Gennevilliers, en région parisienne, avant de s’installer à Londres où elle vit depuis 1986. France, Algérie, Angleterre : trois pays situés sur un même axe géographique, chacun séparé par la mer, qui composent l’identité plurielle à partir de laquelle l’artiste développe, depuis les années 90, une œuvre polyphonique, sensible et engagée où la fiction documentaire se mêle au lyrisme poétique. L’enseignement reçu au Central Saint Martins College of Art and Design et à la Slade School of Fine Art de Londres a été déterminant dans la construction de sa pensée et de sa démarche artistique. Tout en se formant à la vidéo, qui deviendra son médium de prédilection, elle découvre les études postcoloniales, à l’époque en plein essor au Royaume-Uni, qui lui font prendre conscience de son africanité, de son appartenance à un continent et à un pays.

 

Ses parents ayant quitté l’Algérie pour la France au lendemain de la guerre d’indépendance, un an avant sa naissance, sa relation à son pays d’origine s’est construite à distance, essentiellement à travers le sentiment familial et le souvenir de ses voyages d’enfance. Dès lors, Zineb Sedira cherche à se réapproprier un héritage familial et à se reconnecter avec un territoire qu’elle méconnaît pour ne pas l’avoir habité. L’Algérie devient ainsi le fil conducteur de l’ensemble de son œuvre, une source d’inspiration fertile et l’objet d’une réflexion continue que l’artiste explore selon une multiplicité d’approches et de formes plastiques – vidéo, photographie, film, installation et, plus récemment, objets et sculptures. C’est dans le récit familial et son parcours intime que l’artiste puise la matière de ses premières vidéos explorant les paradoxes et les intersections de son identité en tant qu’Algérienne et Française résidant en Angleterre. Elle commence par se mettre en scène, seule, avant d’intégrer des membres de sa famille, sa mère, son père ou sa fille, puis, plus tard, des protagonistes extérieurs. Ce principe de collaboration, de partage et de dialogue, que l’artiste ne va avoir de cesse de développer, est caractéristique de son processus créatif et trouve une expression privilégiée avec la fondation d’Aria, un programme de résidence développé avec la commissaire d’exposition Yasmina Reggad depuis 2012 à Alger, qui favorise les échanges entre l’Algérie et le reste du monde.

Zineb Zedira, Les rêves n’ont pas de titre, 2022.
© Thierry Bal et © Zineb Sedira

En 2004-2005, après plus de dix ans d’absence imposée par la “décennie noire”, le voyage que Zineb Sedira entreprend en Algérie marque une étape majeure dans son développement artistique. Alors que l’artiste sillonne le pays à la rencontre de ses habitants et de ses paysages, qu’elle découvre son architecture, sa musique, sa littérature ou son cinéma, elle développe une nouvelle approche qui s’émancipe du récit familial et fait basculer son œuvre dans une dimension plus universelle. Pour la première fois, elle produit des images sur place, plus complexes et moins dépouillées. Dans la nouvelle méthode de travail que Zineb Sedira met en place, la recherche, les archives et la collecte de documents, de textes, de témoignages, de photographies ou encore d’objets s’inscrivent au cœur de son processus de création, l’artiste pouvant y passer parfois de longues périodes. Interpréter au présent les traces du passé, conserver la mémoire pour la transmettre aux générations futures, faire revivre des événements que l’on n’a pas vécus, exhumer les non-dits, les zones d’ombre et les amnésies historiques, tels sont les enjeux auxquels répondent les narrations de cette conteuse moderne.

Zineb Zedira, Les rêves n’ont pas de titre, 2022. 
© Thierry Bal et © Zineb Sedira

Si le côté personnel continue d’innerver ses récits, l’artiste élargit son champ d’investigation à l’histoire politique, culturelle et sociale de l’Algérie, à ses événements récents, à son héritage colonial, à ses flux migratoires ou encore à ses mutations sociopolitiques. Elle développe un intérêt particulier pour la décennie 1960-1970, une période d’utopies marquée par les mouvements de libération africains et une effervescence créatrice qui constitue par ailleurs un âge d’or du militantisme, notamment dans le cinéma. Au travers de ce nouveau domaine de prédilection dont l’influence se fait de plus en plus prégnante, Zineb Sedira, qui nourrit depuis l’enfance une passion pour le septième art – son père l’emmenait découvrir des péplums et des westerns spaghettis au cinéma de Gennevilliers –, s’intéresse aux notions d’altérité, de solidarité et d’hospitalité, autant de valeurs cardinales qui traversent son projet pour le pavillon français. Dans Les rêves n’ont pas de titre (2022), Zineb Sedira met en avant les liens qui unissent l’histoire de trois centres de l’avant-garde cinématographique des années 60-70 à Venise, Alger et Paris, d’où sont nées de nombreuses et fructueuses coproductions.

 

 

Zineb Zedira, “Les rêves n’ont pas de titre”, du 23 avril au 27 novembre au pavillon français de la Biennale de Venise.

Zineb Zedira, Les rêves n’ont pas de titre, 2022.
 © Thierry Bal et © Zineb Sedira