Ugo Rondinone et Tarek Lakhrissi à Reiffers Art Initiatives : visite guidée de l’exposition
Voyage immersif à travers la couleur, l’exposition « who is afraid of red blue and yellow? » d’Ugo Rondinone et Tarek Lakhrissi à Reiffers Art Initiatives est l’un des évènements marquants d’Art Basel Paris. L’évènement accueille le public jusqu’au 1 décembre au 30 rue des Acacias à Paris.
Par Éric Troncy.
La nouvelle exposition du programme de mentorat Reiffers Art Initiatives
“Who is afraid or red blue and yellow?”, le titre de l’exposition qu’ont imaginé les deux artistes – Tarek Lakhrissi agissant sous le ”mentorat” de Ugo Rondinone – chez Reiffers Art Initiatives évoque, dans le désordre sans lequel l’exercice serait trop littéral, Who’s Afraid of Red Yellow and Blue, célèbre ensemble de quatre peintures peintes par Barnett Newman entre 1966 et 1970. Elles étaient, à l’époque, un renvoi à la pièce de théâtre Who’s Afraid of Virginia Woolf ?, créée par Edward Albee en 1962, elle-même renvoyant à la chanson Who’s Afraid of the Big Bad Wolf ? des studios Disney en 1933.
Ugo Rondinone et Tarek Lakhrissi, deux générations d’artistes
Ainsi vont les œuvres : parfois elles se répondent, prennent appui les unes sur les autres, entament une conversation que séparent à l’occasion plusieurs décennies. Les trente années qui séparent les premières œuvres de Tarek Lakhrissi et de Ugo Rondinone n’occultent pas leurs points communs : elles ont un vocabulaire pareillement transdisciplinaire, tantôt film, tantôt sculptures, dessins… – c’est aujourd’hui assez banal – et aussi la poésie – ce qui est moins banal.
Un opéra en trois actes et trois couleurs
L’exposition offre l’expérience d’un parcours, à la manière d’un opéra en trois actes, matérialisé par trois salles respectivement intégralement rouge, bleue et jaune, où se fabrique un récit. Elle est conçue comme un “moment” d’appréhension de ce récit – un récit ouvert, coloré par la mélancolie qui surplombe l’œuvre de l’un et de l’autre, un récit comme une boucle temporelle : les trois nouvelles horloges en vitrail de Rondinone sont, comme celles qui les précèdent, dépourvues d’aiguilles, et la parole est sans cesse recommencée dans la vidéo Hard to Love (2017) de Lakhrissi.
Installée dans la première salle de l’exposition, elle en donne le ton, faisant de la difficulté d’exprimer les choses par le langage l’occasion d’inventer un langage alternatif – l’exposition – qui s’adresse plutôt aux sentiments et aux émotions.
Inspiré de l’espace intime de la chambre d’une personne adolescente, Sick Sad World (2020), présentée dans la seconde salle (bleue) se transforme pour l’occasion, faisant du lit de rochers et de draps en satin qui la composent une scène pour des lectures publiques qui insuffleront à l’exposition d’autres soubresauts temporels.
C’est que toute une population doit habiter ces trois espaces, que leur intense colorimétrie semble séparer du monde réel : les acteurs des films de Lakhrissi, (dont la voix fait office de bande son à toute l’exposition) et le personnage multicolore de Rondinone, nouvelle itération des Nudes en cire (série commencée en 2010 sur le mode monochrome anthracite et qui ne connaissait jusqu’alors que deux exemplaires multicolores), les intervenant·e·s qui ponctueront la durée de l’exposition, et les spectateurs, dont les corps et les identités devront trouver leur place symbolique parmi ces personnages fictifs.
Balisée par son design et sa scénarisation, l’exposition s’offre à nous comme un lieu et un moment où s’abandonner à la possibilité d’une autre forme de communication dont la conjugaison de la lecture, du son et des voix, du regard et des objets, sont des composants : leur réunion en excède la somme et compose un dispositif dans lequel l’introspection semble la seule issue. Il est probablement un peu vain d’avoir peur des couleurs, mais il nous appartient d’embrasser les mondes et les sentiments dont elles colorent la gravité.
“Ugo Rondinone & Tarek Lakhrissi. who is afraid or red blue and yellow?”, exposition du programme de mentorat du 16 octobre au 1er décembre à Reiffers Art Initiatives, Paris 17e.