8 jan 2024

Tout savoir sur Alex Foxton, le peintre qui déconstruit les masculinités

Chaque semaine, Numéro décrypte le travail d’un artiste contemporain exposé actuellement. Ici, focus sur l’artiste britannique Alex Foxton, peintre des masculinités contemporaines, qui présente jusqu’au 24 février une exposition personnelle à la galerie Derouillon.

L’artiste Alex Foxton, peintre des masculinités contemporaines

 

Anciennement designer de mode, Alex Foxton utilise la peinture et le dessin pour s’emparer des archétypes séculaires de la masculinités et les déconstruire en y laissant poindre, à travers son geste et sa palette chromatique, la grâce et la rondeur du désir. Marins en vareuse rayée, princes coiffés de couronnes, guerriers protégés par leur casque et leur cuirasse, ou encore matadors et leurs emblématiques chaquetillas brodées et leur chapeau montera… Si les éléments caractéristiques de ces figures sont toujours présents et immédiatement reconnaissables, l’artiste britannique transforme leur virilité parfois autoritaire en les représentant lascifs ou cambrés, avec des membres aux proportions exagérées, dans des scènes où triomphe une forme de sensualité et d’onirisme appuyés par des couleurs douces mais non moins puissantes – du bleu Klein au rose fuchsia. Après une collection de toiles consacrée au martyr Saint-Georges, chevalier terrassant un dragon changé en icône homoérotique, le quadragénaire s’est intéressé récemment à la communauté homosexuelle et aux flâneurs des Piers new-yorkaises, hauts lieux de rencontres pour les hommes gays sur les bords de Manhattan, dans une série de peintures dévoilée il y a près d’un an à la galerie Kapp Kapp.

 

 

Alex Foxton : une nouvelle exposition personnelle à la galerie Derouillon

 

À l’affiche jusqu’au 24 février d’une nouvelle exposition à la galerie Derouillon, Alex Foxton prolonge dans une série d’œuvres inédites les grands thèmes qui animent sa pratique. La figure masculine et ses diverses expressions, l’érotisme et le désir, mais aussi une forme de solitude et de mélancolie contemporaine tissent le fil rouge de cette quinzaine de toiles réalisées, comme de coutume, à l’huile, parfois rehaussé de quelques paillettes. Alanguis ou assoupis, le visage impassible ou émettant un cri silencieux, ces personnages voient là aussi leurs corps souples se fondre dans une forme de liquidité picturale qui n’est pas sans rappeler les figures peintes par Francis Bacon ou Edvard Munch. S’écartant des formats très verticaux qui ont fait sa notoriété, l’artiste investit ici différents types de surfaces, divisant plusieurs de ses œuvres en deux panneaux de tailles diverses, et jouant davantage avec le format horizontal. Une nouveauté qui s’aligne sur un travail plus récent du Britannique consacré au paysage : dans quelques unes de ces scènes, on découvre en arrière-plan des hommes un horizon mystérieux, parfois agrémenté d’une forêt ou bien d’un astre fascinant. Au milieu de la galerie, encerclée par des voiles blancs, une sculpture complète ce corpus par quelques fragments de corps en plâtre rassemblés au sol, tels les ruines de canons déchus.

L’œuvre choisie par l’artiste : le mythe d’Apollon et Marsyas

 

Sur une toile haute de plus de deux mètres, un homme semble surgir d’un étang sombre. Son visage paisible se dessine à travers le bleu roi de ses traits, tandis que des lignes rouges cernent les contours de son corps, partiellement immergé dans les eaux verdâtres. Déployée sur deux panneaux, celui du bas étant plus large et long que celui du haut, l’œuvre décompose cette figure masculine par leur ligne de séparation. En regardant de plus près le bas de son corps, on découvre la présence d’un autre homme, plus discret, dont le visage effrayant apparaît à l’envers, comme le miroir ténébreux de cette figure apaisée. Le titre de la toile l’induit : ici se rencontrent le dieu Apollon et le satyre Marsyas. D’après la mythologie grecque, le second aurait défié le premier afin de savoir qui des deux jouerait le mieux de la flûte. Déclaré vainqueur, Apollon punit Marsyas en l’écorchant vif et en clouant son corps au tronc d’un pin, corps dont on semble ici voir apparaître les membres morcelés…

 

 

Les mots d’Alex Foxton

 

“La séduction et le plaisir me viennent naturellement quand je peins. J’ai donc voulu travailler à la fois avec et contre cet instinct, en créant un bel objet d’après un sujet violent. Le Supplice de Marsyas de José de Ribera (1637) était exposé au Louvre cet année : dès l’instant où j’ai découvert ce tableau, j’ai souhaité le reproduire. Ce qui m’a le plus choqué en le voyant, c’est le visage d’Apollon, étrangement calme voire heureux alors même qu’il déchire la peau de la jambe de Marsyas. 

 

Mon œuvre finale découle d’une précédente que j’avais ratée. Les motifs laissés sur la toile par cette peinture sont devenus le corps de Marsyas et ses membres partiellement révélés, ne laissant pas assez de place pour Apollon, que j’ai donc ajouté sur une deuxième toile au-dessus. Cet assemblage a donné à l’image une perspective étonnante et vertigineuse qui me convenait bien.

 

Le visage d’Apollon était la partie la plus dure à peindre car il fallait que son expression évoque le juste niveau de sérénité et lui donne l’esquisse d’un sourire. Finalement, il ressemble à un enfant, ce qui me plaît. Ma dernière étape a été l’ajout de paillettes pour le sang de Marsyas, que j’ai laissé couler hors de sa plaie ouverte, sur la toile. Cela semblait outrageux.”

 

“Alex Foxton. Swoon”, du 4 janvier au 24 février 2024 à la galerie Derouillon, Paris 2e.

 

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