29 jan 2024

Tout savoir sur Alessandra Sanguinetti, photographe exposée à la Fondation Henri Cartier-Bresson

Chaque semaine, Numéro décrypte le travail d’un artiste contemporain exposé actuellement. Ici, focus sur Alessandra Sanguinetti, photographe américaine qui expose jusqu’au 19 mai 2024 une série au long cours, emplie d’émotion, à la Fondation Henri Cartier-Bresson.

La photographe Alessandra Sanguinetti, créatrices d’images emplies d’émotion

 

Américaine, Alessandra Sanguinetti est née à New York et habite aujourd’hui en Californie, mais c’est en Argentine, où elle vit et grandit de ses de 2 à ses 35 ans, qu’elle découvre véritablement sa vocation. Au milieu des années 90, inspirée par des photographes telles que Dorothea Lange, elle commence à capturer la jeunesse des campagnes de son pays d’adoption et réalise sa toute première série, centrée sur la vie d’une ferme à travers les animaux qui y sont élevés et exploités. Depuis, elle a pu au fil avec son appareil photo explorer aussi bien le Midwest américain, avec notamment un projet concentré sur Black River Falls –  petite ville du Wisconsin – que la France. 

 

Dans le cadre d’une commande de la Fondation d’entreprise Hermès et la Aperture Foundation, elle entame en effet en 2016 un tour de l’Hexagone à la rencontre de la diversité de populations qui habite le pays, des réfugiés vivant dans les camps à Calais et les gendarmes patrouillant autour, aux serveurs des bars de Marseille et aux jockeys de Chantilly, en passant par de simples badauds traversant les champs ou les routes départementales. 

 

Membre de l’agence Magnum depuis 2007, la photographe témoigne de notre époque à travers les personnes qui l’incarnent sans pour autant produire une œuvre purement documentaire. De façon tantôt spontanée, tantôt préparée, ses images capturent celles et ceux qu’elle croise sur sa route dans des situations inattendues, intimes et souvent émouvantes.

Les aventures de Guille et Belinda à la Fondation Henri Cartier-Bresson : le projet d’une vie

 

Au sous-sol de la Fondation Henri Cartier-Bresson, en parallèle de l’exposition consacrée au célèbre photographe américain Weegee, Alessandra Sanguinetti présente depuis janvier son plus célèbre projet  à ce jour : Les aventures de Guille et Belinda, série au long cours entamée en 1999 lorsqu’elle rencontre Guillermina Aranciaga et Belinda Stutz , deux jeunes cousines élevées dans une famille de métayers dont les personnalités la fascinent immédiatement, dénotant d’autant plus dans un milieu rural très masculin. Depuis, l’Américaine suit régulièrement ces deux jeunes files, devenues ensuite adolescentes puis femmes, les mettant en scène dans des clichés emplis d’humour et de tendresse. 

Alignées dans l’ordre chronologique sur les quatre murs de la salle du musée parisien, une cinquantaine de photographies au même format carré et quelques vidéos les dévoilent à la fois au naturel dans leur environnement familier, de leur foyer à la nature environnante, mais aussi dans des situations plus comiques ou poétiques : en train de flotter dans l’eau telles des sirènes, de mimer un enterrement, de faire mine de se tirer dessus ou de porter un faux ventre de femme enceinte… Jusqu’à ce que l’une des deux devienne mère à son tour. Une manière témoigner de leur évolution autant que de leur infaillible proximité. “Pour moi, ces deux gamines étaient exceptionnelles, confie la photographe au sujet de cette série, qui fit l’objet d’une première publication 2010. Et elles le sont encore aujourd’hui.”

L’œuvre choisie par l’artiste : un portrait du passage à l’âge adulte

 

Parmi les dizaines de clichés qui jalonnent la salle de la Fondation Henri Cartier-Bresson, l’un d’entre eux attire l’attention : The Cousins, portrait réalisé en 2005 qui montre les deux jeunes femmes côte-à-côte, cadré en plan américain. Immédiatement, leurs différences sautent aux yeux : l’une plus fine et menue, l’autre plus ronde, mais toute deux fixent l’objectif avec un regard neutre qui pourrait traduire aussi bien la lassitude que l’incertitude adolescentes. Bras dessus bras dessous, les cousines sont accompagnées d’un côté comme de l’autre d’autres personnes dont l’identité reste toutefois mystérieuse, hors du cadre, signifiant ici que Guille et Belinda sont toujours le sujet principal. D’ailleurs, un élément les unit : le rouge de leurs pulls, qui attrape immédiatement le regard du spectateur, comme un symbole de leur lien indéfectible.

 

 

Les mots d’Alessandra Sanguinetti

 

“L’année où j’ai réalisé ce portrait a marqué un tournant pour Guille et Belinda. C’est cette année-là qu’elles ont commencé à faire leur route chacune de leurs côtés, prenant chacune des décisions qui allaient définir la suite de leurs vies. Belinda, qui venait d’abandonner le lycée sous le regard vigilant d’une mère surprotectrice, était en train de se renfermer, passant son temps à regarder des soap opéras et à aider ses parents dans les tâches domestiques.
Parallèlement, Guille, tout en se libérant de la tristesse causée par le divorce de ses parents, était en train de s’ouvrir au monde, partagée entre un travail à mi-temps et ses études au lycée, où elle visait une carrière d’avocate.
Cette image, où l’on voit à la fois leurs boutons d’adolescentes, leurs lèvres encore maquillées maladroitement comme des fillettes, leurs corps nouvellement adultes et leurs bras et mains accrochés les uns aux autres avec ceux de deux filles anonymes, évoque les changements à venir dans leur vie, mais aussi les nouveaux liens et alliances qui s’apprêtaient à se reformer.”

 

“Alessandra Sanguinetti. Les aventures de Guille et Belinda”, jusqu’au 19 mai 2024 à la Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris 1er.

 

 

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