Réouverture du musée Carnavalet : 3 bonnes raisons de redécouvrir ce sublime lieu de mémoire
Après quatre ans de travaux, le musée Carnavalet, consacré à l’histoire de Paris, a retrouvé toute sa splendeur. Situé rue de Sévigné, cet hôtel particulier du 16e siècle, parmi les plus anciens de Paris, rouvre ses portes le 29 mai. Numéro vous donne trois bonnes raisons d’aller y faire une petite visite, à travers trois des plus beaux espaces du musée.
Par Alix Leridon.
Situé rue de Sévigné, au cœur du Marais, le musée Carnavalet, dédié à l’histoire de la ville, est installé depuis 1880 dans l’hôtel des Ligneris, hôtel particulier du XVIe siècle et l’un des rares vestiges de l’esthétique urbaine de la Renaissance, dans lequel vivait autrefois la célèbre marquise de Sévigné. Si les travaux ont permis de remettre en état une architecture abîmée par le temps, le musée a surtout profité de cette fermeture pour clarifier le parcours de visite dense et alambiqué qui résultait de ses nombreuses restructurations au fil des ans. Il propose désormais une promenade chronologique et immersive dans l’art de vivre parisien, de la Préhistoire à nos jours, à travers une collection riche et éclectique. À l’opposé du white cube, le musée s’attache à retranscrire les atmosphères particulières des différentes époques qu’il nous invite à traverser, à travers des “period room”, ces pièces qui combinent des éléments architecturaux, des meubles, œuvres et objets authentiques et représentatifs de périodes et de lieux précis. Au fil des salles, on voyage ainsi dans la vie des Parisiens et Parisiennes, du XVIe au XXe siècle. À la veille de la réouverture du musée, Numéro vous emmène à la découverte de trois de ces lieux de vie emblématiques, des rues commerçantes parisiennes à la chambre de Marcel Proust.
1. Plongez dans l’atmosphère pittoresques des rues commerçantes parisiennes
Dès l’entrée du musée, deux salles nous plongent dans l’atmosphère pittoresque des rues de la capitale, à travers la collection d’enseignes, témoins des échoppes qui animaient les rues de Paris du XVIe au XXe siècle. Ces anciens vestiges des commerces de la capitale sont agencés à la manière d’un poème surréaliste : au fond d’une salle, une immense paire de ciseaux, enseigne d’un coutelier de la fin du XIXe, semble vouloir s’attaquer à la paire d’yeux en tôle peinte d’un opticien du début du XXe. Oniriques et cocasses, les noms des enseignes se succèdent, titillant notre imaginaire : de l’enseigne de charcuterie du XVIIe “La truie qui file” et son bas relief représentant une truie allaitant ses pourceaux, à celle ouvragée de l’aubergiste “À la Rose”, datant du début du XIXe. Suspendues, les enseignes invitent le visiteur à commencer sa promenade la tête en l’air ; il ne faut pas pour autant négliger les cartels qui, à hauteur d’yeux, révèlent de petites anecdotes sur les lieux d’où proviennent ces enseignes, et nous font redécouvrir des métiers oubliés, comme celui du broyeur, qui fabriquait des couleurs à partir de matières naturelles pour les vendre aux artistes. Grâce aux travaux de rénovation, ces salles ont gagné en clarté. On est désormais loin de l’esprit cabinet de curiosités qui s’en dégageait autrefois : dans un décor épuré, les pièces sont baignées de lumières dans un espace qui semble élargi, facilitant la déambulation.
2. Infiltrez-vous dans la chambre de Marcel Proust
Dans le parcours de visite, à la jonction du XIXe et du XXe siècle, on pénètre dans une pièce sombre et intimiste qui ravira les passionnés de littérature : la chambre de Marcel Proust. Avec son imposant bureau de bois sombre, sa méridienne et son paravent en bois aux motifs orientaux mordorés, la pièce réunit différents meubles et objets ayant appartenu à l’écrivain. Au cœur de la pièce, le lit à barreaux en laiton, habillé de velours bleu, aurait été le berceau de La Recherche du Temps Perdu, chef-d’œuvre de l’auteur qui passait ses nuits à écrire, allongé dans son lit. On y découvre également la longue pelisse noire du romancier, doublée en fourrure de loutre, qu’il utilisait été comme hiver et jusque dans son lit pour se protéger du froid. Tous ces objets, provenant des trois appartements occupés par Marcel Proust lorsqu’il séjournait à Paris, viennent ainsi reconstituer ce lieu intime dans lequel il aurait vécu en reclus lors des dernières années de sa vie.
3. Baladez-vous de la Belle Époque aux Années folles, entre Art nouveau et Art déco
À quelques pas de la chambre de Marcel Proust, nous voici propulsés dans la petite boutique de la bijouterie Fouquet, entièrement réaménagée dans le musée. Ouverte au début du XXe siècle au numéro 6 de la rue Royale, et fermée en 1923, elle fut conçue et décorée par le célèbre affichiste Alfons Mucha (1860-1939), fer de lance du style Art nouveau, connu pour avoir réalisé de nombreuses affiches pour l’illustre comédienne Sarah Berhnardt, grande célébrité de l’époque dont la carrière dura de 1870 à 1912, à laquelle une autre salle entière du musée est d’ailleurs consacrée. Inspirée de la nature – source d’inspiration majeure de l’Art nouveau, la boutique est décorée de deux imposantes sculptures de paons et de vitraux colorés et fleuris, contribuant à son atmosphère fantaisiste et féérique. La plupart des éléments de décor, comme la devanture, les luminaires et les présentoirs, sont d’origine et ont été offerts au musée après la fermeture de la boutique ; seuls le sol en mosaïque et les cheminées ont été reconstitués à partir de photographies de l’époque.
En redescendant au rez-de-chaussée, on quitte l’Art nouveau pour plonger dans l’Art déco en atterrissant dans la salle de bal Wendel. Véritable joyau du musée, cette pièce est entièrement habillée d’une gigantesque fresque de José-Maria Sert (1874-1945), peintre catalan qui fut une grande figure du muralisme, courant artistique qui fut caractérisé par de grandes peintures murales d’inspiration populaire ou nationale. Issu d’un hôtel particulier parisien du 16e arrondissement, la peinture représente le cortège biblique de la reine de Saba. Des murs au plafond, de lourds rideaux rouges en trompe-l’œil viennent appuyer la théâtralité de la scène biblique peinte en noir et blanc. Dans un contraste bienvenu entre l’ancien et le contemporain, se dessinent derrière les larges ouvertures en arcade de la pièce l’un des trois nouveaux escaliers du musée, qui ondulent comme autant de serpents à travers les étages de l’hôtel particulier, invitant le visiteur à traverser le temps et les époques.
Le musée Carnavalet rouvre ses portes le 29 mai 2021.
23, rue de Sévigné, Paris IIIe. Accès gratuit. Fermé le lundi.