30 nov 2023

Qui a été élue artiste la plus influente de l’année 2023 ?

Très attendue, la liste Power 100 du magazine ArtReview consacre chaque année les cent figures les plus influentes du monde de l’art. Cette année, c’est la célèbre photographe Nan Goldin qui arrive en tête du classement, nouvelle preuve de la pertinence de son œuvre mais aussi de la ténacité de son engagement.

Nan Goldin : une photographe engagée en tête du Power 100 d’ArtReview

 

“La photographie est comme un flash d’euphorie. Elle m’a donné une voix.” Ces mots, ce sont ceux de Nan Goldin, artiste qui, depuis ses débuts dans les années 70, n’a cessé d’utiliser l’image pour retranscrire l’énergie et la fragilité de sa vie, comme celle de ceux qui l’entourent. Considérée comme l’une des plus grandes photographes de son époque l’Américaine née en 1953 connaît aujourd’hui une nouvelle consécration : celle offerte par le très attendu classement Power 100 du magazine britannique ArtReview, qui dresse chaque année sa liste des cent personnes les plus influentes du monde de l’art, et qui la place en tête de liste pour l’année 2023. Révélée au monde entier par The Ballad of Sexuel Dependency (1979-1995), série au long cours prenant le pouls du New York underground de l’époque à travers plusieurs centaines de clichés, l’artiste a rendus visibles des espaces et personnalités encore souvent invisibilisés en photographie, de la fête à l’univers des drag-queens, mais aussi mis au jour des problématiques taboues telles que l’addiction à la drogue, la crise du sida et les violences conjugales. Une œuvre magistrale devenue culte, que l’on pouvait encore apprécier au Moderna Museet de Stockholm puis au Stedelijk Museum d’Amsterdam il y a quelques mois : pour l’occasion, la photographe de 70 ans avait présenté des séries de diapositives thématisées dans différentes black boxes, défilant au rythme de playlists composées par ses soins. 

 

Récemment, Nan Goldin était également au cœur du film Toute la beauté et le sang versé de Laure Poitras, sorti en début d’année et récompensé par le Lion d’or à la Mostra de Venise de 2022. Sur près de deux heures, ce documentaire émouvant parcourt la vie et l’œuvre de la photographe, revenant sur son enfance difficile et son combat plus récent contre la famille Sackler, milliardaires à la tête d’influents laboratoires pharmaceutiques, jugés grandement responsables de la crise des opiacés aux Etats-Unis. Anciennement dépendante à l’héroïne puis à l’oxycontine, drogue extrêmement addicitve produite et délivrée par lesdits laboratoires, l’artiste a manifesté devant plusieurs grands musées, du Metropolitan Museum à New York au Louvre à Paris, dont la famille était l’un des principaux mécènes. Suite à cette mobilisation majeure initiée par Nan Goldin, le Solomon R. Guggenheim Museum ou encore la Dia Art Foundation ont retiré le nom Sackler de leurs salles, témoignage de son engagement tenace mais aussi de sa manière, non sans risques, d’utiliser sa notoriété pour prendre position et faire bouger les lignes. Il y a quelques mois, l’artiste entrait à la méga-galerie Gagosian, confirmant son ancrage dans le monde de l’art international et son marché, et n’a pas hésité à affirmer en octobre son soutien à la population palestienne bombardée à Gaza.

 

De Hito Steyerl à Theaster Gates, un classement qui consacre les grands artistes de notre époque

 

Dévoilée ce vendredi 1er décembre, la liste élective du magazine ArtReview consacre également plusieurs dizaines d’artistes contemporains à la renommée internationale. En première position du Power 100 en 2017, Hito Steyerl entre cette année en deuxième place : figure de l’art post-internet, l’artiste et vidéaste allemande exprime à travers son œuvre son regard critique sur le capitalisme et les médias, les nouvelles technologies mais aussi l’évolutions des institutions artistiques, ne masquant pas ses commentaires à l’égard de son milieu – on se souvient du retrait de son œuvre à la Documenta en 2022, suite au scandale lié à l’œuvre du collectif Taring Padi, jugée antisémite. Dans le top 10 se trouvent également Rikrit Tiravanija, Simone Leigh, représentante du pavillon américain à la Biennale de Venise de 2022, Theaster GatesSteve McQueen ou encore Cao Fei. Autant d’artistes très ancrés dans leur époque, dont les pratiques reflètent l’engagement, abordant de front des enjeux éminemment contemporains, de la relecture de l’histoire au prisme des études post-coloniales à l’hybridation des identités à l’aune des évolutions numériques. 

 

Depuis son lancement en 2002, le Power 100 du magazine britannique a consacré de nombreux artistes, commissaires d’exposition, directeurs de musée, chercheurs et critiques, mais aussi galeristes, collectionneurs, philanthropes et même collectifs influents dans le secteur. Parmi les noms qui ont atteint la première place, on trouve les artistes Damien Hirst (2002 et 2008) et Ai Weiwei (2011), les galeristes Larry Gagosian (2003 et 2010), Iwan et Manuel Wirth (2015) et David Zwirner en 2018, le directeur du MoMA Glenn D. Lowry (2019) ou encore le commissaire d’exposition star Hans Ulrich Obrist (2009, 2016). Ces dernières années ont vu la sélection s’étendre à des collectifs et associations engagés : après l’entrée du mouvement #MeToo en troisième position, en 2017, le Power 100 a élu Black Lives Matter en premier du classement de 2020. Revenu sur le devant de la scène suite aux meurtres de George Floyd et Breonna Taylor par la police américaine, le mouvement a pris une grande ampleur au point d’amener de nombreuses institutions à faire l’état des lieux de problématiques raciales internes, voire à réorganiser leur équipe et leurs collections. En 2021, ArtReview faisait date en nommant les NFT comme le phénomène le plus influent du monde de l’art : technique permettant la propriété des créations virtuelles qui promettait une révolution dans la création numérique et son marché. Un phénomène qui, depuis sa percée avec une vente record de la maison Christie’s il y a deux ans, a pris du plomb dans l’aile…

 

Retrouvez l’intégralité du classement Power 100 2023 du magazine ArtReview ici.