19 mar 2021

L’artiste Stan Douglas recrée la plus grande gare du monde

Le 27 novembre 1910, New York inaugurait un bijou architectural : la plus grande gare du monde. L’artiste Stan Douglas a recréé ce bâtiment iconique, chef-d’œuvre du style Beaux-Arts, dans une magistrale série photographique.

“20 June 1957” (2021), Stan Douglas. Courtesy of the artist and David Zwirner.

Le 27 novembre 1910, la plus grande gare du monde ouvrait ses portes. Ralliant New York au sud du pays, la Pennsylvania Station, chef-d’œuvre du style Beaux-Arts, formait un monumental hall, comparable à la nef de la basilique Saint-Pierre, abrité par une structure d’acier recouverte de travertin avant de se transformer en une impressionnante verrière au-dessus des quais. Les architectes McKim, Mead et White se seraient inspirés des thermes de Caracalla, luxueux ensemble du iiie siècle après Jésus-Christ, sans doute le mieux conservé de l’Empire romain. Bordée de colonnades de style dorique et de granit rose, ornées de sculptures (anges, aigles, caryatides) et de bas-reliefs d’Adolph Weinman, la Penn Station fut néanmoins démolie dans les années 60. Il fallait faire place nette pour la construction de Madison Square Garden. Mais la destruction de sa bâtisse principale déclencha une prise de conscience qui marqua l’histoire. À partir de cette date, la préservation du patrimoine architectural s’imposa en effet comme un enjeu politique et social dans l’État de New York. L’autre grande gare de Manhattan, Grand Central Terminal, fut ainsi déclarée monument historique.

 

 

Aujourd’hui, plus de 600 000 personnes arpentent chaque semaine une Penn Station qui n’a plus grand-chose à voir avec le trésor de style Beaux-Arts. Jusqu’à ce que le Canadien Stan Douglas ne décide de lui redonner vie dans sa forme d’origine. L’artiste contemporain, dont le travail photographique est célébré depuis les années 80, réalise ici son projet le plus ambitieux. Neuf monumentales photographies représentant des moments de vie décisifs de la gare, de sa création à sa destruction. Pour cette superproduction, il a fait appel à pas moins de 400 acteurs et 500 costumes d’époque. Après avoir scanné leur image, il les a ensuite replacés digitalement au sein de décors créés avec l’aide d’un des plus prestigieux studios d’effets visuels.

“20 June 1930” (2021). Stan Douglas. Courtesy of the artist and David Zwirner.

Le dimanche 1er mars 1914, une tempête de neige paralyse la ville. La foule s’entasse dans la gare. Des acteurs de vaudeville improvisent une scène pour distraire les voyageurs, un groupe de saxophonistes joue en haut des escaliers, tandis que des acrobates effectuent quelques gestes… “Mon modèle visuel est Bruegel l’Ancien, dont les peintures représentent souvent des scènes se produisant simultanément en un même lieu”, explique Stan Douglas à l’occasion de la présentation online du projet par la galerie David Zwirner. “En réalité, elles ne se produiraient pas forcément en même temps, mais en les représentant ainsi, Bruegel mettait en exergue tout un entrelacs de relations sociales en une seule image.” Pour le solstice d’été de 1930, un avion trimoteur installé en plein cœur du bâtiment crée l’événement. La TWA fait la promotion de sa nouvelle ligne reliant New York et Los Angeles. Puis, en 1957, une autre innovation électrise les lieux : la nouvelle et ultramoderne billetterie inspirée de l’esthétique de l’aéroport de La Guardia se dévoile. “La gare elle-même a eu un effet profond sur la psychogéographie de New York, tout comme sur sa géographie physique”, conclut l’artiste.

 

 

 

Le projet artistique de Stan Douglas reconstituant la Pennsylvania Station d’origine est à retrouver sur www.davidzwirner.com