23 oct 2019

L’artiste Banksy fait passer un test à ses collectionneurs

Provocateur engagé au visage caché, le street artist Banksy n'en est pas à son premier coup médiatique. La semaine dernière, celui-ci dévoilait un nouveau projet teinté d'une grande ironie allant à l'encontre du marché de l'art classique : une boutique en ligne baptisée “Gross Domestic Product”, où pour acquérir une œuvre les collectionneurs seront mis à rude épreuve. 

Banksy™ Thrower

En 1891, Oscar Wilde écrivait : “La vie imite l’art bien plus que l’art n’imite la vie”. En 2019, pour décrire sa toute nouvelle boutique en ligne, Banksy écrit quant à lui : “Là où l’art irrite la vie.” Le mot d’ordre est clair. Inaugurée ce mois-ci par le célèbre street artist, le e-shop Gross Domestic Product, traduction anglaise de “produit intérieur brut” – mais qui joue sur un second sens de“produit domestique grossier/dégoûtant” – se présente comme un projet très second degré, comme un pied de nez aux marchands d’art, qui propose tout de même un éventail varié des nombreuses créations de l’artiste.

 

Physiquement absent de la scène publique – à l’heure d’aujourd’hui, on ne connaît toujours pas son visage – mais paradoxalement très présent sur Instagram, où il compte près de 7 millions d’abonnés, Banksy a dévoilé la semaine passée la nouvelle sur son compte : l’ouverture de sa propre boutique en ligne. Sur celle-ci, l’œuvre d’art, le mobilier d’intérieur, l’accessoire et le vêtement se voient complètement mélangés dans une volonté manifeste d’abolir les frontières et de créer la confusion chez le collectionneur nanti. Une pierre tombale, une installation de caméras de vidéosurveillance pour surveiller les nourrissons, ou encore des personnages miniatures destinés à remplir un camion – référence cinglante au traitement des migrants en Europe – prennent notamment part à cette collection d’objets aussi absurdes qu’engagés.

Vue du site Gross Domestic Product.

Comble de l’ironie, Banksy propose dans ce fourre-tout une bombe aérosol estampillée à son nom au modique prix de 10 pounds. L’artiste tourne également en dérision la mode, en mettant en vente un tee-shirt à l’effigie de sa Girl with balloon dont la partie inférieure part en lambeaux – une référence explicite à l’œuvre qui avait agité la vente Sotheby’s il y a un an, lors de son autodestruction en public une fois l'acquéreur proclamé. La légende du vêtement s’amuse, là aussi, des descriptions d’articles de mode en ligne : “La même image vue et revue, cette fois-ci attaquée au couteau par l’artiste. Les fashionistas savent probablement déjà que Vogue a nommé les franges comme la tendance à suivre de cette saison. Dommage que l’on ne livre pas avant Noël.”

 

L’achat des pièces sur cet e-shop est lui aussi bien particulier. Première originalité : les clients ne peuvent pas commander plus d’un produit sur la boutique. Mais surtout, la validation de leur achat sera conditionnée par leur réponse par écrit à une question, d’envergure philosophique : “L’art est-il important ?”. Telle l’énigme du sphinx dans la mythologie grecque, posée à Œdipe pour le laisser poursuivre sa route vers Thèbes, cette étape mise en place par Banksy vise explicitement à trier sur le volet les potentiels clients en ne passant non plus seulement par l’argent mais aussi par l’esprit.

Banksy Gross Domestic annonce l’ouverture prochaine du site Bbay, dédié au marché d’occasion des œuvres de Banksy…

Lui-même très établi dans cette ère de la communication et de la consommation, Banksy en manipule une fois de plus les codes à son avantage. Sur le site, l’artiste annonce également l’ouverture prochaine de Bbay (là aussi, non sans ironie), une plateforme qui visera en vérité à mieux contrôler la circulation de ses œuvres sur le marché de seconde main. Compte tenu de l’actuelle cote de l’artiste à l’échelle internationale, reste à voir si ces nouveaux projets sauront initier un réel renversement des valeurs ou ne représenteront qu’un énième coup d’esbroufe.