Hommage au photographe Elliott Erwitt, portraitiste de la société américaine… et des chiens
Légende de son vivant, Elliott Erwitt capturait depuis les années 50 les visages qui ont peuplé les rues des États-Unis comme les chiens qui les ont foulées. Disparu ce mercredi 29 novembre à l’âge de 95 ans, le célèbre photographe franco-américain laisse derrière-lui un fonds de centaines de milliers d’images caustiques et teintées d’humanisme.
Par Camille Bois-Martin.
Le célèbre photographe Elliot Erwitt s’éteint à l’âge de 95 ans
Un petit chihuahua aux pieds des grandes bottes de sa maîtresse, l’actrice Marilyn Monroe en train de maintenir sa jupe soulevée par l’air d’une bouche de métro, un couple amoureux surpris dans le rétroviseur de leur voiture… Depuis les années 50, les clichés d’Elliott Erwitt livrent une vision teintée d’humour de la société américaine du milieu du 20e siècle. Pour capturer ces morceaux de vies, dont nombre sont devenus cultes, le photographe franco-américain arpentait de long en large les rues de Los Angeles et de New York armé de son appareil Leica, comme animé par la même urgence qui l’a conduit jusqu’aux États-Unis.
Né en 1928 à Paris d’une famille russe et juive ayant fui la Révolution de 1917, Elliott Erwitt a posé ses valises avec sa famille à Los Angeles au début des années 40, après plusieurs décennies d’itinérance, fuyant la France et l’Italie menacées par la montée du fascisme et l’arrivée de la guerre. À peine âgé de onze ans, l’artiste en herbe se prend de passion pour la photographie et achète son premier appareil, avant de travailler comme tireur dans un laboratoire de photo hollywoodien l’après-midi.
C’est le début d’une vocation qui l’occupera toute sa vie, dans son quotidien professionnel comme dans ses activités personnelles. Alors qu’il remporte en 1951 un concours photo du magazine Life, le jeune Elliott est repéré par le directeur du MoMA, Edward Steichen, qui propulse sa carrière. Deux ans plus tard, par l’entremise du célèbre photographe Robert Capa, il intègre la célèbre agence Magnum, dont il restera un membre jusqu’à sa disparition, ce mercredi 29 novembre.
Des chiens, des politiques et des célébrités : le regard mordant d’Elliott Erwitt
S’il figurait parmi les légendes de la photographie de son vivant, Elliott Erwit a toujours refusé de parler trop sérieusement de son travail. Des piques humoristiques en interview aux portraits canins qui composent une bonne partie de sa production montrent que le Franco-Américain n’a jamais intellectualisé sa production. Nul besoin pour l’artiste de se perdre dans des interprétations trop complexes, lui qui photographiait simplement ce que son œil remarquait, d’une troupe de danseurs en tutu en train de s’octroyer une pause devant un bar au portrait d’une femme dont le visage est éclipsé par celui de son chien, installé sur ses genoux… Des compositions souvent insolites qui illustrent avant tout l’humour de leur auteur et son regard amusé sur la société de son époque.
D’ailleurs, Elliott Erwitt ne s’est jamais lassé de tous les modèles velus à pattes qui ont croisé son chemin, les photographiant avec autant d’attention que des politiciens ou des stars de cinéma. Comme il aimait l’expliquer, les chiens ne sont que des “gens avec plus de poils”. Et peu importe s’ils dénotent entre ses clichés d’évènements historiques importants, tels que les funérailles de John F. Kennedy, la visite de Richard Nixon et Charles de Gaulle en URSS, sa rencontre avec Che Guevara ou l’investiture de Barack Obama : Elliot Erwitt capturait tout sans marquer les différences d’importance, ou de hiérarchies.
C’est en tout cas cette patte ancrée dans l’instant présent, fixant sa caméra autant sur un passant anonyme de la Grosse Pomme que sur une célébrité hollywoodienne, qui manquera à la photographie. Disparu à l’âge de 95 ans dans son appartement à Manhattan, Elliot Erwitt laisse derrière lui un fonds riche de plus de 600 000 photographies prises jusqu’au milieu des années 2010, à voir et à revoir sans modération… Une partie en est actuellement exposée à la Sucrière de Lyon, à la suite de sa dernière rétrospective au musée Maillol.
Exposition “Elliot Erwitt. Rétrospective”, jusqu’au 17 mars 2024 à la Sucrière de Lyon.