7 fév 2022

Fondation d’entreprise Hermès : 5 œuvres d’art qui célèbrent des savoir-faire d’exception

En 2010, Hermès inaugure son programme de résidences, ouvrant à des plasticiens de tous horizons les portes de ses manufactures. Au fil de ces expériences, des jeunes talents comme Oliver Beer, Io Burgard ou Clarissa Baumann rencontrent les savoir-faire de la maison parisienne tels que la maroquinerie, la cristallerie, le textile ou encore l’argenterie. Dix années de collaboration entre des artistes et les artisans Hermès sont désormais réunies dans l’exposition anniversaire “Formes du transfert”, présentée jusqu’au 13 mars aux Magasins généraux, à Pantin. Focus sur cinq projets marquants qui donnent à ces techniques d’exception une portée nouvelle.

Benoît Piéron. Vue de l’exposition “Formes du transfert”, 10 ans de Résidences d’artistes de la Fondation d’entreprise Hermès, Magasins généraux (Pantin), 2022 © Origins Studio / Fondation d’entreprise Hermès

2. Le lit-cabane multicolore de Benoît Piéron

 

 

Si de nombreuses œuvres présentées aux Magasins Généraux installent, par leurs matériaux et leur savoir-faire exceptionnel, une certaine distance avec le spectateur, on est surpris de trouver au cœur de l’exposition une installation très chaleureuse et domestique : un lit multicolore chapeauté d’une tente, de fanions et guirlandes lumineuses, dont les baldaquins sont faits de bobines de fil empilées. C’est à l’issue de sa résidence dans la Holding Textile Hermès, en région lyonnaise, que Benoît Piéron a réalisé ce couchage aux airs de cabane. Habitué à travailler aussi bien la broderie et la céramique que le papier-peint, l’artiste français passionné par le craft a mis ici à profit la technique du patchwork à partir de soies puisées dans la manufacture dont les couleurs et motifs foisonnent. Souffrant d’une maladie depuis sa jeunesse, le trentenaire habitué des lits hospitaliers s’est ainsi construit un abri rassurant et enfantin, légèrement nostalgique, pour se protéger du monde extérieur. Un espace capable, selon ses mots, “de fertiliser les rêves jusqu’à les rendre réels”.

 

 

5. Les machines anti-confortables d’Anne-Charlotte Yver

 

 

Depuis le début de sa carrière, les matériaux industriels sont le noyau de la pratique d’Anne-Charlotte Yver. Inspirée par l’architecture brutaliste comme le post-minimalisme, la plasticienne française manipule béton armé, acier et plexiglas pour en faire des sculptures abstraites jouant sur les suspensions, la répartition des poids et les points de tension. Lorsqu’elle découvre le travail des artisans du cuir derrière les chaussures Hermès, l’artiste est fascinée par la capacité de la matière à maintenir les pieds et accompagner le mouvement, et décide de l’intégrer à ses structures solides. Sous forme de bandes ou de revêtements, le cuir noir maintient et recouvre des sculptures abstraites rappelant des divans d’examen, machines de musculation ou encore des rateliers à foin des écuries, un clin d’œil à l’univers équestre et ancré dans l’histoire de la maison et de son fondateur Thierry Hermès, artisan sellier-harnacheur. Convoquant une structure et une esthétiques d’apparence pratiques, ces œuvres sont en réalité foncièrement inconfortables et anti-fonctionnelles.

 

 

”Formes du transfert. 10 ans de résidences d’artistes de la Fondation d’entreprise Hermès”, jusqu’au 13 mars aux Magasins Généraux, Pantin.

Sébastien Gouju, “Contre-jour” (2019) © Tadzio. Fondation d’entreprise Hermès

4. Les plantes tropicales effrayantes de Sébastien Gouju

 

 

D’immenses plantes noires se dressent au milieu des Magasins Généraux. Dans cet ensemble de six sculptures de hauteurs et d’envergures diverses semblables à des ailes de chauve-souris, l’artiste Sébastien Gouju compose un jardin tropical des ténèbres un rien menaçant. C’est en parcourant entre 2018 et 2019 les réserves des ateliers de maroquinerie d’Hermès que le plasticien français, habitué à détourner les objets du quotidien et autres bibelots qui peuplent nos intérieurs, a trouvé la matière première de cette installation : un cuir d’agneau couleur ébène, dont les chutes avaient été mises de côté par la maison car inexploitables dans leur production habituelle. Maintenues par une structure en métal fixée sur un socle circulaire, les “feuilles de cuir” obscures sont délibérément effilochées pour s’opposer au fini luxueux du cuir. L’artiste donne ainsi à leurs ombres végétales un aspect fantomatique.

3. Les sculptures auditives d’Oliver Beer

 

 

Oliver Beer a aussi bien étudié les beaux-arts que la musique. Un double cursus très clairement traduit par l’œuvre de l’artiste britannique, explorant sans cesse les rapports entre le son, l’objet et l’être humain. Après avoir joué sur l’acoustique de diverses architectures lors de performances vocales ou composé des morceaux à partir de sculptures existantes, le plasticien s’est intéressé aux propriétés auditives du cristal, une fois immergé pendant quatre mois dans la Cristallerie Saint-Louis. Résulte de cette résidence une série de fenêtres à carreaux dont le cristal et verre ont été soufflés pour former un entonnoir, à travers lequel le bruit environnant est condensé et transformé. En complément, l’artiste a sculpté dans l’or dix précieux osselets d’oreilles, par la suite enfermés dans des globes de cristal posés sur des tas de feuilles comme des presse-papiers. Tels des bijoux, ces créations opposent aux fenêtres musicales un emprisonnement du son dans un écrin luxueux.

Chloé Quenum, “La Grande Place” (2020) © Tadzio Fondation d(entreprise Hermes

1. Les fruits de cristal de Chloé Quenum

 

 

Lors d’un séjour à l’autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande, Chloé Quenum s’étonne de découvrir sur les étals des marchands locaux les mêmes fruits qu’elle trouve régulièrement chez les marchés et primeurs français. L’artiste parisienne, qui s’était auparavant intéressée à l’histoire géographique de l’ananas et avait déjà utilisé des fleurs et fruits frais dans ses installations, a décidé lors de sa résidence à la Cristallerie Saint-Louis de transformer ces végétaux juteux en objets cristallins traversés par la lumière. Figue, poire, pêche, pomme, banane ou encore grappe de raisins… au total, quarante-et-un fruits se voient transformés en pièces précieuses dont l’aspect témoigne de différents traitements du matériau, tantôt mat et opaque en rouge, bordeaux ou doré, tantôt complètement translucide, gravé ou bosselé. Présentée sur une étagère en verre, l’installation appétissante de l’artiste joue sur le contenant et le contenu et crée l’ambiguïté entre vaisselle et nourriture dans un remarquable renversement des valeurs.

Chloé Quenum, “La Grande Place” (2020) © Tadzio Fondation d(entreprise Hermes