Did Leonardo da Vinci really paint the most expensive work in the world?
Après avoir été ajudgé 450 millions de dollars en 2017, et devenue à cette occasion l’œuvre d’art la plus chère de l’histoire, le “Salvator Mundi” suscite le doute. Dans un documentaire diffusé par France 5 ce mardi 13 avril, le journaliste Antoine Vitkine retrace l’itinéraire brumeux de ce portrait de la Renaissance, qui n’aurait en fait pas été peint par Léonard de Vinci mais certains de ses disciples…
Par Matthieu Jacquet.
Quatre ans après avoir battu les records de vente, le Salvator Mundi n’a pas fini de faire parler de lui. Ce portrait du Christ rédempteur, la main droite levée et les doigts rassemblés en signe de bénédiction, et dont le titre latin signifie “le sauveur du monde”, a été à plusieurs reprises attribué au grand maître de la Renaissance italienne Léonard de Vinci. Une filiation qui lui valut, le 15 novembre 2017, d’être adjugée au montant considérable de 381,8 millions d’euros (soit 450,3 millions de dollars) en seulement 19 minutes d’enchères chez Christie’s, New York. C’est à Alex Rotter, l’un des codirecteurs de la célèbre maison de vente, que l’on doit ce succès : pendant la vente, l’homme décroche son téléphone, découvre le montant final impressionnant et acte l’adjudication, faisant de ce tableau sur bois l’œuvre la plus chère de l’histoire. Pour autant, l’identité de l’acquéreur ne sera dévoilée que deux ans plus tard : il s’agit en fait du prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane, passé par un certain nombre d’intermédiaires lors de la vente. Jamais officialisée par son propriétaire, sa détention de l’œuvre laisse toutefois planer le mystère sur sa localisation exacte depuis cette vente. L’œuvre aurait été en effet aperçue par un spécialiste du marché de l’art en juillet 2019 sur un yacht du prince saoudien, mais depuis plus rien.
Juste avant la vente du Salvator Mundi, le catalogue de Christie’s était formel : le portrait était bien peint de la main de Léonard de Vinci, authentifié par plusieurs experts britanniques quelques années auparavant. Mais en octobre 2019, un événement suscite le doute. Alors que le musée du Louvre inaugure une grande rétrospective très attendue consacrée au grand maître italien, on s’étonne de ne pas y trouver ce tableau historique parmi les 140 œuvres exposées. Car malgré son authentification, plusieurs spécialistes ont émis des réserves quant à la part de l’Italien dans la conception de l’œuvre, peinte entre 1506 et 1513, qui pourrait en fait provenir d’un des ateliers du maestro de la Renaissance et aurait donc été réalisée par l’un de ses disciples. L’historien de l’art Jacques Franck confiait ainsi à France Info : “Je ne reconnais pas, dans l’intégralité de cette œuvre, la présence de la main de Léonard de Vinci […] Ce qui cloche, c’est le majeur dans la main droite du Christ. Sa représentation est fausse dans l’anatomie et dans la perspective. Ça, c’est rédhibitoire pour Léonard, qui est un fin perspecteur et un grand anatomiste.”
Ces différentes zones d’ombre entourant l’œuvre d’art la plus chère de l’histoire ont éveillé l’intérêt d’Antoine Vitkine. Pendant deux ans, ce journaliste et réalisateur a enquêté afin de de retracer son itinéraire : racheté pour à peine plus de mille dollars par un marchand d’art new-yorkais dans les années 2000, le tableau a été ensuite acquis par un milliardaire russe, qui l’a enfin mis en vente chez Christie’s avec une estimation initiale de 70 millions dollars. Dans son documentaire Salvator Mundi : la stupéfiante affaire du dernier Vinci, que la chaîne France 5 diffusera pour la première fois ce mardi 13 avril, Antoine Vitkine pointe notamment du doigt le fait que, malgré son coût extraordinaire, le tableau n’ait jamais été expertisé avec les moyens scientifiques disponibles aujourd’hui. Le film revient également sur les discussions réveillées par la rétrospective Léonard de Vinci au Louvre : à cette occasion, Mohamed Ben Salmane, dit “MBS”, aurait en effet proposé de prêter l’œuvre au musée parisien afin qu’elle y occupe une place de choix aux côtés de La Joconde, finalement elle aussi absente de l’exposition. L’institution ayant décliné l’offre après une contre-expertise, c’est finalement le président français Emmanuel Macron qui tranchera pour le refus de ce prêt. “[Le Salvator Mundi] raconte notre monde, raconte la mondialisation dans laquelle nous sommes, raconte notre rapport à la vérité, déclarait Antoine Vitkine à France Inter. Si le documentaire révèlera sans doute de nouveaux secrets dans l’histoire de cette œuvre bien mystérieuse, il prouve en effet une nouvelle fois combien les chefs-d’œuvre artistiques et les records du marché de l’art peuvent autant déchaîner les passions que faire parler les sceptiques. Le 28 janvier dernier, un portrait attribué à Sandro Botticelli et adjugé 76 millions d’euros suscitait lui aussi le doute quant à sa véritable filiation…