Artist Fabrice Hyber deciphers his huge frieze exhibited at Fondation Cartier
À l’occasion de son exposition personnelle “La Vallée” présentée jusqu’au 30 avril à la Fondation Cartier, l’artiste français Fabrice Hyber révèle sa fascination pour les mutations du vivant et décrypte l’une des œuvres phares de cette nouvelle proposition : Error, une immense toile aux airs de fresque inspirée par l’histoire de la graine, de sa germination qui donnera naissance au monde végétal à l’arrivée de l’être humain.
Propos recueillis par Matthieu Jacquet.
Intrerview by Matthieu Jacquet.
En collaboration avec Paris+ par Art Basel.
Pour commencer, quelle est l’histoire derrière cette immense toile intitulée Error, que vous présentez actuellement au sein de votre exposition personnelle à la Fondation Cartier ?
Fabrice Hyber : J’ai réalisé Error (2022) l’été dernier dans le cadre d’une exposition collective au CENTQUATRE-PARIS, qui avait pour thème les graines. Comme dans tous mes tableaux, j’ai voulu y raconter une histoire : celle de la graine, depuis son arrivée sur notre planète jusqu’à son évolution dans le futur. J’ai imaginé la terre comme un amalgame de fluides qui se transforment petit à petit, alors que la vie apparaît à travers des bactéries qui fabriqueront notre oxygène. Les graines donnent ensuite naissance au monde végétal, et tout cet écosystème fabrique l’espèce humaine qui va décortiquer le monde à son tour.
Que traduit la présence de l’humain au sein de cette œuvre, et notamment à travers ce personnage vert récurrent dans vos œuvres?
Le personnage vert que l’on voit à droite de la toile, c’est “l’Homme de Bessines”, qui est apparu en 1991 dans mon travail. À l’époque, j’avais trente ans et je l’ai représenté à mon effigie, en m’imaginant à quoi je ressemblerais à soixante ans. Cet homme est devenu mon personnage principal. Il s’est transformé en adoptant plusieurs apparences – comme celle que j’ai dévoilée sous forme de sculptures, il y a quelques mois dans la fontaine du Palais Royal, pour ses trente ans. Sur cette peinture, il incarne l’être humain qui arrive pour structurer le monde en le hachant, pensant pouvoir le contrôler grâce au numérique, incarné par les lignes qui quadrillent l’extrémité droite. Mais même au sein de cette organisation froide et méthodique, la vie organique parvient à ressurgir parce que le corps du personnage a fini par fusionner avec le végétal. Cette image m’a été inspirée par les carrelages des sols et salles de bain domestiques, où en raison de l’humidité, la mousse et les champignons finissent toujours par s’inviter.
“Error transmet l’idée que la vie prendra toujours le dessus. Ainsi, si l’être humain souhaite rester dominant, il lui faudra apprendre de ses erreurs.” – Fabrice Hyber
“Je conçois toutes mes toiles comme les tableaux vierges d’une salle de classe, dont on apprend autant en les remplissant qu’en les montrant.” – Fabrice Hyber
Pensée comme une frise, cette peinture frappe notamment par ses dimensions exceptionnelles. Comment l’avez-vous réalisée ?
Avec ses 9 mètres de long et ses 2,20 mètres de haut, cette toile s’apparente en effet à une fresque. Ce qui me plaît dans ces formats très larges, c’est qu’ils permettent au public de marcher devant l’œuvre en suivant sa progression tout en restant à son échelle. Comme souvent, j’ai enduit ma toile de blanc de lithopone avant d’y ajouter de la peinture à l’huile très diluée pour conserver une transparence dans la matière et dans les formes, comme avec l’aquarelle. Pour le fond, qui semble décliner de gauche à droite les couleurs de l’arc-en-ciel, j’ai imaginé l’histoire chromatique du ciel, de ses origines rouges emplies de soufre à l’arrivée de l’oxygène pour le rendre bleuté, jusqu’au moment où il se salit et s’assombrit, pollué par l’action de l’être humain.
“Malgré l’évolution de mes sujets, je considère que je fais toujours la même peinture depuis mes débuts dans les années 80.” – Fabrice Hyber
Par leur composition et leurs thématiques, vos œuvres adoptent souvent une dimension pédagogique. En quoi cela a-t-il évolué en plus de trente ans de pratique ?
Depuis mes débuts dans les années 1980, la peinture m’apprend à trouver des formes pour répondre aux questions qui m’intéressent, dans les mathématiques, la physique quantique ou encore l’épigénétique. Durant les premières années de ma carrière, je me suis forcé à dessiner exactement ce que je pensais. Mes tableaux ont donné naissance à des paysages inventés de toutes pièces. Malgré tout, je considère que je fais toujours la même peinture depuis le début. Je conçois toutes mes toiles comme les tableaux vierges d’une salle de classe, dont on apprend autant en les remplissant qu’en les montrant. C’est pourquoi, à l’occasion de ma nouvelle exposition personnelle à la Fondation Cartier, j’ai prévu de transformer le bâtiment en école où Error sera l’une des clés pour comprendre le vivant. Elle sera accrochée au sous-sol dans ce que j’ai nommé la « salle polyvalente », aux côtés notamment de quatre peintures verticales représentant des êtres en mutation. Cette immense toile transmet l’idée que la vie prendra toujours le dessus. Ainsi, si l’être humain souhaite rester dominant, il lui faudra apprendre de ses erreurs.
Fabrice Hyber, “La Vallée”, jusqu’au 30 avril 2023 à la Fondation Cartier, Paris.
Fabrice Hyber est représenté par Galerie Nathalie Obadia (Paris, Bruxelles).
In collaboration with Paris+ par Art Basel.
What is the story behind Error, this huge painting that is currently displayed in your big solo exhibition at the Fondation Cartier?
Fabrice Hyber : I made Error (2022) this summer, for a group exhibition at the Centquatre in Paris, focusing on the theme of seeds. As in all my work, I wanted to tell a story: the story of seeds, from their arrival on our planet to how they’ll evolve in the future. I imagined the earth as an amalgamation of fluids that gradually transform, while life appears through bacteria that produce oxygen. The seeds give birth to the plant world and this whole ecosystem creates the human race, which in turn will dissect the world.
What does the human presence embody within this painting, especially this grey character that has been recurring in your works for decades?
The green person you can see on the right-hand side of the painting is « L’Homme de Bessines » [« Bessines Man« ], who first appeared in my work in 1991. At the time, I was 30 years old and I painted him to look like me, imagining what I would look like at 60. He’s now become my main character. He’s changed over time, taking on different appearances, like the one I gave him in the sculptures I made a few months ago for the Palais Royal fountain, for his 30th birthday. In this painting, he represents humans who come and impose their own structure on the world by breaking it up, thinking they can control it using digital technology, which is represented by the lines crisscrossing the far-right-hand side of the painting. But even in the middle of this cold and methodical setup, organic life manages to break through, because the character’s body ends up fusing with plant life. For this, I was inspired by floor tiles and home bathrooms, where, because of the humidity, you always end up getting mold.
“‘Error’ conveys the idea that life will always prevail. So, if humans want to stay dominant, they have to learn from their mistakes.” – Fabrice Hyber
“I see all of my paintings as empty whiteboards in a classroom, where you can learn as much by filling them in as you can by showing them to others.” – Fabrice Hyber
Thought like a frieze, this painting is specifically striking thanks to its exceptional size. How have you made it ?
With its nine metres wide and 2.2 metres high, the painting is indeed like a mural. What I really like about large formats is that it means people can walk the length of the canvas and follow its progress, while remaining on the same scale. As I often do, I coated my canvas with lithopone before painting it with very diluted oil paints. That helps to keep a sort of transparency in the material and in the shapes, like watercolor. For the background, which from left to right follows the colors of the rainbow, I recreated an imagined history of all the sky’s shades, from its red and sulfurous beginnings, through to when oxygen arrived, turning it blue, up until when it becomes dirtier and darker, polluted by what humans have done.
“Despite the fact my subjects can vary, I still feel like I’ve being doing the same paintings since my beginnings in the 80s.” – Fabrice Hyber
Through their subjects and their composition, your works often have also an educational dimension. How has your practice evolved over the past three decades?
Ever since I started working in the 1980s, painting has helped me find answers to the questions that intrigue me – in mathematics, quantum physics, or even epigenetics. In the first few years of my career, I forced myself to draw exactly what I was thinking. My art created totally invented landscapes. But despite that, I still feel like I’ve being doing the same paintings since the beginning. I see all of my paintings as empty whiteboards in a classroom, where you can learn as much by filling them in as you can by showing them to others. That’s why, for my new solo exhibition at Fondation Cartier, I’m planning on transforming the building into a school, where Error will be one of the keys to understanding the natural world. It will be hung in the basement in what I’ve called the “multipurpose room”, next to four vertical paintings representing things mutating. The enormous canvas conveys the idea that life will always prevail. So, if humans want to stay dominant, they have to learn from their mistakes.
Fabrice Hyber is represented by Galerie Nathalie Obadia (Paris, Brussels).