Art Basel Paris : les œuvres exceptionnelles à voir sur la foire
Ce vendredi 18 octobre, Art Basel Paris donne son coup d’envoi et investit pour la première fois le Grand Palais depuis sa réouverture. L’occasion pour les 195 galeries participant à la foire de sortir le grand jeu avec des œuvres exceptionnelles. De Pierre Soulages à Julie Mehretu en passant par Leonor Fini et Olga de Amaral, découvrez les pièces les plus convoitées, les plus rares – et souvent, les plus chères – de cette troisième édition.
Par Matthieu Jacquet.
Un paysage foisonnant de Julie Mehretu chez White Cube
Derrière les peintures denses et graphiques de Julie Mehretu se lisent souvent, en filigrane, les conflits qui traversent notre monde. Au début des années 2010, l’artiste américaine, actuellement à l’affiche d’une exposition majeure au Palazzo Grassi de la Collection Pinault à Venise, a notamment réalisé une série d’œuvres autour du Printemps arabe, dont fait partie cette toile de 2013 présentée par White Cube.
Sur près de 3 mètres de haut et près de 4 mètres de large, l’artiste offre une vue abstraite et foisonnante du Caire, épicentre de la révolution égyptienne. Une œuvre vendue 9,5 million de dollars (en second marché) ce mercredi par la galerie, qui présente également sur son stand un Fontana d’une valeur d’1 million de dollars, ainsi qu’une sculpture cinétique rare de Takis, issue de la collection de Daniel Cordier.
Un portrait désavoué de Leonor Fini chez Jeffrey Deitch
Figure du surréalisme pictural, Leonor Fini (1907-1996) est actuellement à l’honneur à Paris, à la fois dans l’exposition historique consacrée au mouvement par le Centre Pompidou, mais aussi dans plusieurs galeries célébrant son centenaire. Depuis plusieurs années déjà, la peintre française a vu sa cote augmenter considérablement : en 2021, son Autoportrait au scorpion était adjugé 2,3 millions de dollars à la maison de vente aux enchères Sotheby’s. L’an passé, à Art Basel Miami Beach, la galerie Minsky et la Weistein Gallery s’alliaient pour lui consacrer un stand mémorable, riche de plusieurs chefs-d’œuvre. Cette fois-ci, c’est à la galerie Jeffrey Deitch de célébrer la peintre en juxtaposant deux toiles, correspondant à deux périodes de sa carrière.
Sur la première, Portrait de Madame H (1942), le visage d’une femme dénudée entourée de feuillages intrigue : lorsque l’on s’en approche, on découvre une moitié gauche ridée, marquée par le passage du temps, et une moitié droite bien plus lisse et juvénile. Commandée à l’artiste par une joueuse de tennis à Monte Carlo, ce portrait a été rejetée par cette dernière, dérangée d’y voir une représentation si explicite de son âge. Quant à la deuxième peinture, où une étrange femme nue émerge de l’obscurité, elle témoigne de l’univers onirique et sombre caractéristique de l’artiste d’origine italienne.
Un Soulages noir et bleu chez Perrotin
Difficile de manquer la grande toile verticale de Pierre Soulages accrochée à l’entrée du stand de la galerie Perrotin, tant la bande d’un bleu saisissant – qui rappelle le bleu Klein –, en bas de l’œuvre, attire le regard. Réalisée suivant sa fameuse technique du raclage, où l’artiste fait émerger la lumière par soustraction de la peinture appliquée sur la surface, l’œuvre joue ici avec le relief mais aussi le contraste entre son noir signature et ce bleu, que l’on retrouve également sur une ligne plus fine et discrète dans la partie supérieure.
L’histoire de Perrotin avec le peintre français est récente, mais non moins importante : en 2017, Perrotin ouvrait sa première antenne à Tokyo avec une exposition du “maître de l’outrenoir”, témoignant du lien fort qui l’unit avec l’Asie et particulièrement le Japon. Nul doute que la peinture de cette star du marché comptera parmi les œuvres les plus chères de cette troisième édition d’Art Basel Paris : en 2021, l’une de ses œuvres était adjugée plus de 20 millions de dollars aux enchères, et ce avant même sa disparition l’année suivante, à l’âge de 102 ans.
Une sculpture écorchée vive de Kiki Smith chez Pace
Il faut faire attention où l’on marche sur le stand de la Pace Gallery : on risquerait de trébucher sur la sculpture de Kiki Smith allongée sur le sol. Recroquevillée, cette femme à taille humaine, en bronze peint, perturbe tant ses couleurs beiges et rouges évoquent celles d’un corps écorché vif, voire dépouillé de sa peau. D’une valeur de 950 000 dollars, l’œuvre provient de la série Blood Pool (1992) de l’artiste américaine, présentes dans la collection de l’Art Institute of Chicago : des sculptures féminines, souvent allongées ou au sol, qui révèlent leur chair et leurs os. Une douce violence caractéristique de l’œuvre de Kiki Smith, obsédée par la figure de la femme mais aussi par la représentation du corps à l’état brut, presque primaire, pour rappeler son lien viscéral avec la nature.
Parmi le stand, dont une partie a été curatée par l’artiste Paulina Olowska, on retrouve d’autres œuvres empreintes de poésie et de mysticisme signées Lucas Samaras et Louise Nevelson, avec une grande sculpture en bois peint dont le prix s’élève à 750 000 dollars.
Un assemblage poétique de Barbara Chase-Riboud chez Hauser & Wirth
Une toile rougeoyante de Mark Bradford, une grande araignée de Louise Bourgeois, une peinture historique de Philip Guston… Comme à son habitude, la galerie Hauser & Wirth a sorti l’artillerie lourde pour cette nouvelle édition. Mais devant son stand, le regard s’arrête également sur une sculpture de l’artiste Barbara Chase-Riboud, dont l’œuvre fait actuellement l’objet d’une manifestation d’ampleur à Paris. Non moins de huit musées – Louvre, Palais de Tokyo, musée d’Orsay… – rendent en effet hommage à l’artiste américaine cet automne, en exposant ses œuvres en leur sein.
Si l’octogénaire est aussi connue pour ses textes, ses œuvres en volume – souvent abstraites – traduisent comme eux son regard poétique sur le monde à l’instar de cette sculpture, où d’épais fils de laine et de soie noués se déroulent jusqu’au sol sur une structure en bronze. On y retrouve l’un de ses principes plastiques forts : la rencontre entre matériaux solides et matériaux souples. Datée de 2021, la pièce a été vendue 2,2 million de dollars.
Une toile méditative de Lee Ufan chez Mennour
On ne présente plus Lee Ufan. Star de l’art contemporain et grand francophile, qui possède d’ailleurs un pied-à-terre et une fondation dédiée dans l’Hexagone, le Sud-Coréen est connu depuis six décennies pour ses peintures et sculptures épurées reposant sur un équilibre ténu, entre les touches de peinture et la surface, ou entre des rochers et les plaques métalliques.
La galerie Mennour présente une nouvelle œuvre de sa fameuse série des Dialogue, où l’artiste applique en une fois, avec un large pinceau sur la toile au sol, un ou plusieurs traits pour dessiner un dégradé de couleur et d’intensité. Un geste d’une grande précision qui donne à l’œuvre sa puissance unique : ici, un dégradé de rouge et un dégradé de bleu se répondent au sein de l’espace laissé blanc et vide, jouant sur le contraste chromatique bien connu entre chaud et froid. Le prix de l’œuvre est fixé entre 900 000 et 1,8 million de dollars.
Une œuvre éblouissante d’Olga de Amaral à la Lisson Gallery
À 92 ans, Olga de Amaral semble enfin rencontrer en France le succès qu’elle mérite. La semaine passée, la Fondation Cartier inaugurait une grande exposition personnelle de cette figure majeure de l’art textile, réunissant près de quatre-vingt pièces pour montrer son savoir-faire unique et sa maîtrise épatante de la couleur et de la lumière. Un travail dont rend compte l’œuvre présentée à l’entrée du stand de la Lisson Gallery : une tenture verticale de plus de 2 mètres de haut, réalisée grâce au tissage complexe de fils de lin sur du papier japonais.
Mais la marque de fabrique de l’artiste colombienne réside surtout dans l’éblouissante couleur dorée qui recouvre sa surface, résultant de l’application de gesso, d’acrylique, et bien sûr, de feuilles d’or. Preuve du succès croissant de la plasticienne, le prix de l’œuvre est fixé à 800 000 dollars.
Art Basel Paris, du 18 au 20 octobre au Grand Palais, Paris 8e.