Andy Warhol était-il mystique ?
Annoncée récemment pour le 19 novembre prochain, l’exposition “Andy Warhol: Revelation ” au Brooklyn Museum à New York relira l’œuvre du “pape du pop art” sous un angle inattendu : la place accordée à la foi chrétienne dans sa production artistique, à travers une sélection d’œuvres allant de sa plus jeune enfance aux périodes plus tardives de sa carrière.
Par Alexandre Parodi.
Quel est le point commun entre le Christ et le “pape du pop art” ? Un an avant sa mort, il y a 34 ans, Andy Warhol se réapproprie l’emblématique Cène de Léonard de Vinci. Confrontant au registre religieux le langage visuel publicitaire que l’artiste américain manipule si bien, ce dernier recouvre la peinture d’un filtre rose, déplaçant du sublime au kitsch le chef-d’œuvre de la Renaissance. Entre Andy Warhol et le Christ, des rapprochements peuvent être effectués dès sa plus tendre enfance : une figurine à l’effigie de Jésus, peinte de sa main lorsqu’il vivait encore au domicile familial. Depuis son jeune âge et jusqu’à la fin de sa vie, Andy Warhol aura nourri une discrète mais sincère foi chrétienne, visible – si l’on y prête bien attention – dans certaines de ses œuvres. L’exposition “Andy Warhol : Révélation ”, qui était présentée au musée Andy Warhol en 2020, à Pittsburgh, se déplacera l’automne prochain au Brooklyn Museum, s’attache à relire sa pratique à la lumière de cet angle inédit.
Car lorsque l’on évoque Andy Warhol, on pense moins à une peinture religieuse de la Renaissance passée au filtre rose qu’aux représentations matérialistes des Campbell’s Soup Cans, ces boîtes de conserves aux couleurs flashs décuplées par un procédé de sérigraphie, aux portraits colorés de Marilyn Monroe, Mao Zedong ou encore Prince, voire ses nombreux Polaroïds. Pourtant, chez les Warhola, famille catholique pratiquante de tradition byzantine, où grandit le jeune Andrew, les icônes abondent. Né de parents originaires de Slovaquie, celui qui se fera plus tard connaître sous le prénom Andy baigne dans la foi chrétienne. En 1968, la tentative d’assassinat marque un tournant dans l’évolution de sa foi : après avoir demandé à ce dernier qu’il produise le script de sa pièce de théâtre, l’intellectuelle féministe radicale Valerie Solanas, ne supportant pas son refus, tire trois balles en direction de l’artiste, dont deux perdues et une reçue au ventre. Comme l’explique à Artnet Carmen Hermo, commissaire associée de l’exposition, “c’est à ce moment décisif qu’il a commencé à fréquenter l’église de manière assidue. Il servait des repas aux sans-abris pendant les vacances. Il a aussi payé les études de prêtre de son neveu.”
Dans l’exposition “Andy Warhol: Révélation”, les œuvres présentées sont difficilement explicables autrement que par le mystère qui les empreint. On y (re)découvre par exemple dans sa version intégrale Four Stars, film inachevé d’une durée de 25 heures, et financé par l’Église catholique romaine : une “magnifique interprétation de la divinité sur terre sous la forme d’un couché de soleil”, précise Carmen Hermo à Artnet. La relation d’Andy Warhol avec sa mère Julie Warhola, avec qui l’artiste vécut à New York pendant prêt de deux décennies, sera aussi abordée à travers des dessins de cette dernière, représentant par exemple des anges et des chats. Tous viendront compléter le portrait intime d’un artiste dont la carrière et la vie, malgré sa célébrité, comportent toujours quelques zones d’ombre.
L’exposition “Andy Warhol: Revelation” sera visible du 19 novembre 2021 au 19 juin 2022, au Brooklyn Museum.
Un catalogue de la première exposition d’“Andy Warhol: Revelation”, publié en 2019 par le Musée Andy Warhol est également disponible.