2 juin 2021

À la Fondation Martell, une exposition-manifeste prône le retour du beau dans l’art et le design

La passionnante fondation Martell, installée à Cognac, invite jusqu’au 2 février 2022 le designer culte Stefan Sagmeister et sa consœur Jessica Walsh à prendre possession de ses espaces pour une exposition immersive et interactive autour de la notion de beauté, trop longtemps méprisée ou délaissée par l’art et le design. 

Partant du constat que, depuis le siècle dernier, la beauté a été à la fois remplacée par la notion de fonctionnalité, notamment dans le design et l’architecture, et rendue désuète par un art contemporain qui ne la considère plus comme une valeur positive et universelle, Sagmeister et Walsh organisent à la Fondation Martell une magnifique entreprise de réhabilitation. “La beauté est un mélange de lignes, de formes, de couleurs, de compositions, de matériaux et de textures qui ravit nos sens esthétiques, tout particulièrement la vue, explique le designer. Elle n’impacte pas seulement la façon dont nous nous sentons, mais aussi la manière dont nous nous comportons.” 

 

Le visiteur est ainsi invité à faire l’expérience d’objets, d’aménagements urbains, d’architectures et de designs graphiques qui stimulent la perception humaine, et dont la beauté, loin d’être purement ornementale, participe à leur meilleur usage en les rendant plus attractifs. Le studio de Sagmeister a ainsi réinventé un passage souterrain délabré entre Brooklyn et le Queens, qui servait principalement de toilettes la nuit pour les clients des bars du quartier. Un simple – mais énorme –  “YES” tagué sur le mur a suffi à  transformer le lieu en passage obligé pour les futurs mariés, qui s’y pressent désormais pour se prendre en photo devant.

Sagmeister & Walsh, “Logo SAGMEISTER & WALSH: Beauty” (2018) © Sagmeister & Walsh, New York

Sagmeister & Walsh identifient en particulier la symétrie comme un composant universel de ce que nous considérons comme beau. On peut en effet repérer de remarquables similitudes au sein de cultures et de périodes éloignées. Sagmeister & Walsh multiplient ainsi les exemples, jusqu’à remonter à l’âge de pierre. Il y a un million d’années commençaient à être fabriquées des haches, parfaitement symétriques. Pourtant, d’un point de vue fonctionnel, rien ne le justifie. Défendant une conception universelle de la beauté, l’exposition s’appuie, entre autres, sur les résultats des recherches de Chris McManus, psychologue à l’University College of London (UCL) : 85% des participants à cette étude peuvent instantanément faire la différence entre une œuvre originale de Piet Mondrian et une imitation, légèrement modifiée. Ils préfèrent bien sûr la peinture abstraite originale dont la composition et l’harmonie des formes et des couleurs subjugue le regard. 

 

Va-et-vient permanent entre questions posées au public (amené à donner son avis et à jouer au jeu du beau et du laid) et interrogations sur l’histoire du XXe siècle, qui a délaissé le beau au profit du fonctionnel, l’exposition réussit le pari d’affronter une notion complexe par des exemples concrets, accessibles à tous, et invitant le visiteur à expérimenter et à juger la beauté plutôt qu’à en être un simple spectateur passif. Une réussite.

 

 

“Sagmeister & Walsh : Beauty”, jusqu’au 2 février 2022 à la Fondation Martell, Cognac.