3 choses à savoir sur Peter Doig, l’immense peintre exposé au musée d’Orsay
Actuellement à l’affiche d’une exposition personnelle au musée d’Orsay, Peter Doig y présente une sélection de grands paysages sur toile à l’image de ceux qui ont fait sa notoriété. Découvrez trois choses à savoir sur l’artiste écossais, figure consacrée bien que discrète de la peinture figurative.
Par Matthieu Jacquet.
1. Il a vécu vingt ans sur l’île de la Trinité
Né à Edimbourg en 1959, Peter Doig possède des origines écossaises mais passera très peu de temps dans sa région de naissance. Suivant les déplacements de son père, employé d’une compagnie de transport maritime, l’homme grandit entre l’île de la Trinité, dans les Caraïbes, et le Canada, avant de retourner à Londres pour étudier à la prestigieuse Central Saint Martins. Après une dizaine d’années dans la capitale britannique, le peintre quitte l’Europe en 2002 avec sa famille pour rejoindre le décor insulaire qui l’aura tant bercé. Une année qui marque, selon ses mots, un véritable tournant dans son œuvre : à la Trinité, Doig établit son studio et se plonge dans ce cadre idyllique, qu’il explore régulièrement au fil de randonnées dans la jungle et promenades en kayak.
Cette proximité directe avec la nature transparaît dans l’ensemble de son œuvre. Nombre de ses larges paysages horizontaux dépeignent en effet des environnements rencontrés au gré de ses pérégrinations diurnes et nocturnes sur l’île : on y retrouve son soleil et ses pluies abondantes, sa végétation et ses couleurs foisonnantes, ses étendues d’eau et ses pirogues ou encore ses ciels noirs étoilés. Si les personnages représentés par Peter Doig paraissent souvent esseulés dans ses fascinants décors, l’artiste y injecte régulièrement des références à la culture trinidadienne, représentant par exemple des musiciens de calypso, le chanteur Winston Bailey – alias Mighty Shadow –, ou encore les détenus d’une prison voisine. Il y a quelques mois, vingt ans après avoir posé ses valises sur l’île caribéenne, le peintre a finalement fait son grand retour à Londres, l’esprit toujours nourri par ce cadre onirique.
2. Il est l’un des peintres vivants les plus chers du monde
Lorsqu’il débute dans l’Angleterre du début des années 90, Peter Doig est loin d’être promis au succès qu’il connaît aujourd’hui. Alors que les Young British Artists, mouvement dans lequel on trouve les artistes provocateurs Damien Hirst et Tracey Emin, défrayent la chronique, l’Écossais bien plus discret nage complètement à contre-courant des tendances de l’époque. Notamment parce qu’il s’illustre dans un médium alors particulièrement rejeté : la peinture figurative. Au fil des vingt années suivantes, pourtant, le peintre – finaliste du Turner Prize en 1994 – connaîtra une notoriété grandissante. Très tôt, il compte d’ailleurs parmi ses fidèles soutiens Charles Saatchi, collectionneur très influent qui contribuera grandement à la notoriété des jeunes artistes britanniques dans les années 90.
Mais ce sont les maisons de vente aux enchères qui acteront sa consécration : en 2007, White Canoe (1991), l’une de ses plus célèbres peintures représentant un canoë d’un blanc éclatant au cœur d’un lac et une jungle onirique, est adjugée 11,3 millions de dollars chez Sotheby’s, devenant alors la peinture la plus chère de l’histoire pour un artiste européen vivant. Les collectionneurs s’affolent et la cote de l’Écossais monte en flèche. Coïncidence heureuse, la Tate Britain lui consacre l’année suivante sa première grande rétrospective, qui tournera à Paris, Munich, Francfort, Dallas ou encore Maastricht. En 2017, en vente chez la maison Phillips à New York, l’œuvre Rosedale (1991) triple presque son record avec une adjudication à 28,81 millions de dollars. Un montant qui s’explique à la fois par son succès auprès des grands collectionneurs et des institutions, par le large format de ses toiles mais aussi, et surtout, par leur rareté. L’artiste ne peint en effet que trois à six tableaux par an.
3. Il a empoché 2,5 millions dollars en prouvant qu’une œuvre n’était pas la sienne
En 1976, Robert Fletcher, un gardien d’un centre pénitentiaire de l’Ontario, observe l’un de ses détenus peindre une toile pendant des mois. Lorsque ce dernier est relâché, le surveillant lui offre cent dollars pour acheter l’œuvre et l’aider dans sa réinsertion. Dans l’angle du tableau apparaît une signature, celle du détenu : Pete Doige. En 2011, près de quatre décennies plus tard, Robert Fletcher découvre l’existence du célèbre Peter Doig et, lorsqu’il se plonge dans son travail, découvre les prix impressionnants de ses peintures. Un doute – sincère ou savamment calculé – naît alors en lui : l’artiste écossais ne serait-il pas celui dont il avait jadis acheté la toile ?
Avec le galeriste auquel il s’est associé pour vendre l’œuvre, Robert Fletcher demande alors à Peter Doig de confirmer la paternité de l’œuvre, que ce dernier réfute. S’ensuivra une bataille judiciaire de dix ans où les deux parties se disputeront l’identité de l’auteur de la peinture. Fletcher et le galeriste mettent en avant les similitudes formelles entre ledit tableau — un paysage coloré et dépeuplé peint en grand format – et ceux de Doig ainsi que les concordances chronologiques et zones d’ombre de sa biographie, puisque le peintre écossais vivait bien au Canada lors de la réalisation de l’œuvre. De l’autre côté, l’avocat de Peter Doig confirme l’existence d’un Pete Doige, bel et bien détenu dans le centre correctionnel à l’époque et décédé depuis. Peter Doig gagne le premier procès en 2016. En janvier 2023, il remporte également le procès en appel au tribunal de l’Illinois et empoche 2,5 millions de dollars de dommages et intérêts.
“Peter Doig : Reflets du siècle”, jusqu’au 21 janvier 2024 au musée d’Orsay, Paris 7e.