Rencontre avec Sou Fujimoto, figure de l’architecture contemporaine
Ce discret Japonais a installé à l’invitation de COS une fascinante forêt de lumières dans un ancien cinéma de Milan. Rencontre.
Propos recueillis par Thibaut Wychowanok.
De Sou Fujimoto, on connaît surtout la fameuse House NA, réservée aux exhibitionnistes. Érigée en plein quartier résidentiel de Tokyo, la maison n’est constituée que de baies vitrées, ce qui la rend entièrement transparente. On connaît encore l’impressionnant projet de L’Arbre Blanc, à Montpellier, qui prend corps autour d’un immeuble-tronc, ponctué de terrasses saillantes rappelant des feuilles. C’est que le discret Japonais de 45 ans sait ménager ses effets. Au point de s’imposer parmi une nouvelle génération d’architectes. En 2012, il prenait ainsi possession du pavillon japonais à la Biennale de Venise. En 2013, il était le plus jeune architecte à réaliser un pavillon pour la Serpentine Gallery de Londres, à la suite de Herzog & de Meuron, Jean Nouvel ou Frank Gehry. Invité ce printemps par COS, le label haut de gamme du géant suédois H&M, à s’emparer d’un ancien cinéma de Milan, Sou Fujimoto a délaissé les installations classiques pour proposer une extraordinaire forêt de lumières.
Numéro : Comment avez-vous conçu cette forêt de lumières, plutôt inattendue au milieu d’un ancien cinéma de Milan ?
Sou Fujimoto : J’ai imaginé une forêt composée d’une infinité de cônes lumineux projetés depuis le haut. Je voulais qu’elle interagisse avec les visiteurs, que les lumières pulsent et changent en permanence d’état et de forme, selon les déambulations du public. Au cœur de mes projets, on trouve toujours cette idée que l’espace peut évoluer selon le comportement de ses occupants, qu’il peut s’adapter à leur manière d’être.
Comment travaillez-vous un élément aussi immatériel que la lumière ?
La lumière n’est pas un matériau, pourtant elle structure totalement l’espace. Dans ce projet, vous avez même l’impression de pouvoir la toucher. L’architecture est par définition figée. Elle se construit à partir du bois, ou du béton… Mais si vous usez de la lumière de la bonne façon, cette architecture figée se met alors à se mouvoir. L’espace vous semble plus grand. Une salle prend une apparence totalement différente à la lumière du matin ou du soir…
La forêt est un motif très présent dans votre travail. Pourquoi vous passionne-t-elle ?
Ma fascination pour la forêt vient de mon enfance à la campagne. Elle représentait un lieu où l’on se sent libre de faire ce que l’on veut. À Tokyo, j’ai pris conscience qu’une ville aussi peuplée pouvait procurer le même type de sentiment de protection… et donc qu’une architecture humaine de ce genre était possible. J’ai alors imaginé des projets comme des forêts, des lieux où l’on est libre d’user des espaces selon ses envies et ses besoins, d’expérimenter. L’espace ne doit pas dicter une utilisation ou une fonction à la personne qui l’habite.
Pourquoi avoir accepté l’invitation de COS ?
Nous partageons une conviction forte : être simple et intemporel est la meilleure manière de répondre à la complexité de la vie.