5 sept 2023

Rencontre avec Louise Bourgoin : « Acteur n’est pas considéré comme un métier sérieux, pourtant il l’est et doit l’être »

Solaire, discrète et exigeante, l’ex-Miss Météo décalée de Canal+ Louise Bourgoin, 41 ans, n’a cessé de faire le beau temps du cinéma français. Cette rentrée, elle peaufine sa palette de personnages denses et attachants avec deux films sociaux : Anti-Squat, en salle le 6 septembre, et Un métier sérieux, au cinéma le 13 septembre. L’occasion d’une (belle) rencontre.

propos recueillis par Violaine Schütz.

Depuis qu’on l’a découverte, dans les années 2000, en Miss Météo décalée, drôle, solaire et audacieuse sur Canal+, Louise Bourgoin, 41 ans, n’a cessé de faire le beau temps du cinéma français. À la fois sexy, pleine de fantaisie et cérébrale, elle incarne aussi bien les cagoles affolantes (La Fille de Monaco face à Fabrice Luchini, en 2008) que les internes en médecine sous tension (la série Hippocrate), les femmes d’action badass (Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec de Luc Besson en 2010) et les héroïnes romantiques (L’amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder en 2012). Et la comédienne brille autant dans les films d’auteur (Un beau dimanche, Je suis un soldat) que dans les comédies populaires (Un heureux événement, Sous le même toit).

 

Interview de Louise Bourgoin, à l’affiche d’Anti-Squat et Un métier sérieux

 

Dessinatrice, diplômée des Beaux-Arts de Rennes et grande amatrice d’art (elle s’appelle Ariane et a changé son nom de scène en s’inspirant de Louise Bourgeois), Louise Bourgoin épate par ses choix judicieux, qui parlent pour elle, puisqu’elle préfère la discrétion aux mondanités. On l’a vue chez Guillaume Nicloux et Nicole Garcia mais aussi aux États-Unis dans le thriller Mojave (2016), avec Mark Wahlberg et Oscar Isaac. Cette rentrée, l’actrice peaufine sa palette de personnages denses et attachants, en incarnant deux mères célibataires en situation précaire dans deux (bons) films à la portée sociale. Dans Un métier sérieux, au cinéma le 13 septembre elle joue, aux côtés de Vincent Lacoste et d’Adèle Exarchopoulos, une prof de collège de banlieue dépassée par les événements, et dans Anti-Squat, en salle le 6 septembre, une femme menacée d’expulsion qui se bat pour la survie de son fils en acceptant un job dans un logement légal de squatteurs géré par une agence douteuse. L’occasion de rencontrer une actrice intense, lumineuse et sincère.

« J’aime que les personnages soient complexes, plein de strates et de secrets. » Louise Bourgoin

 

Numéro : Il existe des points communs entre les personnages que vous incarnez dans Anti-Squat et dans Un métier sérieux : deux mères qui élèvent seules un garçon adolescent et qui galèrent…
Louise Bourgoin : Ce sont des femmes modernes qui assument à peu près tout toutes seules. Ça ajoute une forme de virilité et d’autorité que l’on ne retrouverait pas forcément chez une femme mariée. En général, j’aime que les personnages soient complexes, plein de strates et de secrets. Comme tous les acteurs sûrement…
 
Avez-vous puisé dans votre expérience de mère pour ces deux films ? 
Marie Cassatt est selon beaucoup la peintre qui a le mieux décrit l’amour filial et elle n’a jamais eu d’enfants. On a pas besoin d’avoir eu des enfants pour comprendre une mère. J’ai joué des mères d’ado dès l’âge de 27 ans avant d’être mère moi-même. 
 
Anti-Squat et Un métier sérieux portent tous les deux un message sociétal : sur l’école et sur la précarité…
Cela compte bien sûr dans le choix d’un film. C’est important en tant que comédien ou comédienne de se sentir investi par une cause plus grande que les enjeux intrinsèques de son personnage. 

« J’ai encore aujourd’hui besoin de dessiner pour comprendre. » Louise Bourgoin

 

Vos parents étaient professeurs (de philosophie et de lettres). Cela vous-a-t-il aidée à préparer votre rôle d’enseignante dans Un métier sérieux ?
Énormément, mes deux parents étaient profs, leurs amis étaient profs et je me destinais à le devenir. J’ai vécu seule avec ma mère, agrégée de lettres modernes. J’avais l’impression d’avoir accès aux coulisses d’un acteur. Ses doutes, ses peines, sa fatigue, m’ont beaucoup inspirée pour jouer Sandrine dans Un métier sérieux. J’ai énormément de respect pour ce métier, c’est une vocation et il n’est pas assez reconnu en France. 
 
Vous avez aussi failli être professeur d’arts plastiques. Et vous dessinez…
L’art occupe énormément de place. Je dessine et je crée beaucoup avec mes enfants. J’ai encore aujourd’hui besoin de dessiner pour comprendre. Mon fils de 7 ans prend le même chemin. J’illustre actuellement une anthologie de poésies érotiques de l’écrivain et poète Marcel Béalu aux éditions Seghers qui paraîtra le 5 octobre prochain. 
 
Est-ce qu’acteur est, à vos yeux, un métier sérieux ?
C’est un métier que la plupart des gens pourraient ne pas considérer comme sérieux et pourtant il l’est et il doit l’être.

 

On ne vous croise pas beaucoup dans les mondanités. Le show business ne vous intéresse pas ?
C’est un plus dont je me passe, je préfère profiter le plus possible de mes enfants qui sont encore petits. 

« On me parle toujours, avec bienveillance et nostalgie, de mes sketchs de Miss Météo, ce qui me touche » Louise Bourgoin

 

Comment choisissez-vous vos rôles ? 
Je n’ai pas de critères. Lorsque je lis et que j’aime le scénario, je ressens, sans trop me l’expliquer, un besoin impérieux de jouer certains personnages. J’ai l’impression qu’ils sont pour moi, qu’ils m’attendent. 
 
Qu’est-ce que la série médicale Hippocrate vous a apporté ?
J’ai eu la chance de recevoir avant et après la série, de très beaux rôles, très diversifiés. Du film social au film d’aventure, de la comédie au film d’auteur. La série Hippocrate a bénéficié du succès du film du même nom, sorti en 2014, et c’est une série très populaire. Elle m’a apporté plus de visibilité car c’est l’un des gros succès de Canal+. 
 
Est-ce qu’on vous parle encore de vos sketchs comme Miss Météo chez Canal + ?
Oui souvent, avec bienveillance et nostalgie, ce qui me touche. J’écrivais mes textes, je choisissais mes personnages, je supervisais le montage… C’était en 2009, une période très libre, très insouciante. J’aimerais m’y remettre et les jouer à nouveau car ça me manque assez. 

 

Quels sont vos projets ?
Je suis actuellement en tournage sur un film de procès (Je le jure) réalisé par Samuel Theis avec Marina Foïs. C’est passionnant et il a une façon magnifique de travailler. Nous tournerons la fin d’Hippocrate, saison 3, en décembre puis je jouerai début 2024 dans un sublime film d’époque, qui se déroule en 1880. Mais je n’ai pas le droit d’en dire plus…

 

Anti-Squat (2023) de Nicolas Silhol, au cinéma le 6 septembre prochain. Un métier sérieux (2023) de Thomas Lilti, avec Louise Bourgoin, Vincent Lacoste, Adèle Exarchopoulos, au cinéma le 13 septembre prochain.