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Farida Khelfa
Mannequin-icône des années 1980, actrice, réalisatrice documentaire et voix singulière de la culture française, Farida Khelfa incarne une métamorphose constante, où l’image se fait mémoire, audace et signature personnelle.

Les débuts de Frida Khelfa
Farida Khelfa naît le 23 mai 1960 à Lyon. À seize ans à peine, animée par un profond désir d’indépendance, elle quitte sa ville natale et rejoint Paris.
Dans la capitale, tout s’accélère. Grâce à sa sœur aînée, elle découvre un univers qu’elle n’avait jusqu’alors qu’entrevu : celui des nuits parisiennes, où se croisent créateurs, photographes, stylistes et jeunes artistes. Le club des Bains-Douches, déjà légendaire, devient son premier tremplin. C’est là que Jean-Paul Gaultier la remarque. Impressionné par son allure — un mélange d’assurance, de naturel et de singularité — il l’invite à défiler pour lui dès 1979.
Un visage qui change la mode

À partir du début des années 1980, Farida Khelfa s’impose dans la mode avec une aisance rare. Grâce à sa silhouette longiligne, son port de tête fier et son regard direct, elle tranche avec l’esthétique dominante. Très vite, elle devient l’une des égéries du mouvement qui bouleverse alors les codes parisiens.
Elle collabore avec Thierry Mugler, puis avec Azzedine Alaïa, dont elle devient l’une des muses. Parallèlement, elle pose régulièrement pour Jean-Paul Goude, ce qui lui confère une visibilité internationale. Grâce à ces rencontres, elle passe du statut de figure de la nuit à celui d’icône de mode.
Pourtant, malgré ce succès fulgurant, Farida Khelfa ne s’enferme pas dans la maison de couture ni dans le podium. Elle joue dans quelques films, notamment La Nuit porte-jarretelles de Virginie Thévenet en 1985, ce qui élargit son champ d’expression. Toutefois, après plus d’une décennie passée dans ce tourbillon, elle ressent le besoin de se retirer peu à peu des défilés afin de retrouver une forme de respiration.
Transition progressive vers la caméra

À la fin des années 1990, Farida Khelfa s’oriente vers d’autres territoires artistiques. Elle travaille d’abord pour la télévision, puis s’intéresse à la réalisation. Cette transition, loin d’être un renoncement, s’avère un prolongement naturel de son rapport à l’image.
En 2010, elle signe un premier documentaire consacré à Jean-Paul Gaultier. Ensuite, elle poursuit avec plusieurs films qui mêlent portrait et exploration des ateliers. Elle suit notamment Christian Louboutin, puis réalise des œuvres plus personnelles, axées sur l’identité, l’exil ou le processus créatif. Grâce à cette activité nouvelle, elle renoue avec une forme d’introspection tout en continuant de transmettre.
En 2024, elle publie son autobiographie Une enfance française, où elle revient sur les non-dits, les violences, mais aussi sur la solidité qui l’a guidée. Ce livre, très remarqué, lui permet de prendre la parole autrement, cette fois sans caméra.
Une vente aux enchères comme geste de transmission
Icône de mode et figure inspiratrice, Farida Khelfa ouvre un nouveau chapitre en organisant, aux côtés de Maurice Auction, une vente aux enchères exceptionnelle consacrée à ses archives personnelles. Près de deux cents pièces d’exception, réunies au fil de plusieurs décennies de mode, seront proposées à l’acquisition du 20 novembre au 11 décembre 2025. On y retrouve des silhouettes signées Azzedine Alaïa, Jean-Paul Gaultier, Schiaparelli ou encore des créations issues de maisons avec lesquelles elle a entretenu un dialogue intime tout au long de sa carrière.
Fidèle à sa vision généreuse de la mode, Farida Khelfa décide qu’une partie des bénéfices sera reversée au Fonds Riace, qui œuvre pour l’insertion et l’autonomie des jeunes réfugiés. Ce geste dit beaucoup de la femme derrière la muse : quelqu’un pour qui le vêtement n’est jamais qu’un ornement, mais une histoire, un lien, une manière d’aider.
Elle confie d’ailleurs vouloir « rompre avec l’attachement trop intime » qu’elle entretenait avec ces pièces, préférant les voir vivre sur d’autres corps plutôt que dormir dans des archives. Ce n’est donc pas seulement une vente, mais une transmission, une façon de prolonger la mémoire de ces vêtements et de leur offrir un avenir. Ainsi, cette mise aux enchères devient un acte à la fois intime et public : un adieu élégant et un nouveau départ pour des pièces chargées de vie.
Entre héritage et réinvention
Farida Khelfa occupe une place singulière car elle navigue entre plusieurs mondes. D’un côté, elle incarne une figure centrale des années Palace et des défilés spectaculaires ; de l’autre, elle s’est imposée comme une réalisatrice attentive, capable de filmer les gestes silencieux et la patience des artisans. Cette dualité constitue d’ailleurs l’une des forces de son parcours.
Farida Khelfa : Une présence
Si Farida Khelfa ne défile plus régulièrement, elle revient parfois pour des moments symboliques. En 2020, elle participe au dernier défilé haute couture de Jean-Paul Gaultier, comme une boucle refermée entre eux. Cette présence souligne l’attachement réciproque entre la créatrice et celle qui fut l’un de ses visages les plus libres.
Par ailleurs, elle continue d’être invitée dans les festivals, les défilés ou les plateaux. Non pour représenter une époque révolue, mais parce qu’elle incarne une parole rare. Aujourd’hui, elle poursuit ses projets documentaires, participe à des conférences, et accompagne des jeunes créateurs. Elle s’affirme désormais comme une figure qui relie plusieurs générations.
Farida Khelfa : Une icone
Farida Khelfa rappelle également que l’image peut être un outil d’affirmation, tout autant qu’un lieu d’interrogation. Ainsi, son parcours raconte autre chose que la mode ou le cinéma : il affirme qu’un destin peut se réécrire plusieurs fois.