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Charlotte Le Bon
Actrice, réalisatrice et artiste visuelle, Charlotte Le Bon compose depuis plus de dix ans une œuvre sensible et plurielle, où l’image devient un territoire de liberté.

Les débuts de Charlotte Le Bon
Charlotte Le Bon naît le 4 septembre 1986 à Montréal. Elle grandit dans un environnement déjà tourné vers la scène : sa mère, Brigitte Paquette, est comédienne, et son beau-père, Frank Schorpion, travaille pour le cinéma anglophone. Très tôt, elle s’oriente naturellement vers les arts visuels. Elle suit ainsi une formation en arts plastiques et obtient un DEC au Québec.
Puis, à seize ans, elle entre dans le monde du mannequinat. Ce premier métier, qu’elle exerce entre Montréal, Tokyo et New York, lui offre une connaissance pratique de l’image et du corps mis en scène. Cependant, malgré l’apparente facilité de cette voie, elle éprouve vite ses limites : répétitions, contraintes physiques, absence de parole. Progressivement, elle ressent la nécessité d’un espace plus large, où elle pourrait exprimer autre chose que la posture.
C’est donc presque logiquement qu’elle quitte le mannequinat pour s’installer à Paris au début des années 2010. Ce déplacement devient un tournant déterminant, puisqu’il ouvre les portes d’une visibilité nouvelle et, finalement, d’un autre métier.
Une révélation sur le petit écran

En 2010, Charlotte Le Bon rejoint Le Grand Journal sur Canal+. Elle y présente la météo, exercice anodin en apparence mais qui, dans son cas, se transforme rapidement en performance pleine d’humour et de fantaisie. Grâce à cette exposition quotidienne, elle se fait connaître du grand public.
À partir de là, les propositions de cinéma arrivent progressivement. Dès 2011, elle tourne dans Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté. Ensuite, en 2014, elle incarne Victoire Doutreleau dans le film Yves Saint Laurent. Ce rôle, central dans la narration, lui vaut une nomination aux César dans la catégorie révélation féminine.
La même année, elle joue dans le film américain The Hundred-Foot Journey, avant de rejoindre le casting de The Walk : Rêver plus haut de Robert Zemeckis en 2015. Grâce à ces projets, elle passe d’une présence télévisuelle légère à des rôles exigeants, parfois physiquement contraignants. Peu à peu, elle affirme une identité singulière, entre précision du jeu, douceur et intensité retenue.
L’art sa passion
Parallèlement à sa carrière d’actrice, elle poursuit un travail artistique personnel. Le dessin, la photographie argentique et la sculpture constituent pour elle un territoire intime. En 2016, elle expose à Paris une série intitulée One Bedroom Hotel on the Moon, qui mêle installations et images. À travers ces travaux, elle explore la fragilité, le rêve, les tensions du quotidien.
Falcon Lake : l’éclosion d’une réalisatrice
En 2018, Charlotte Le Bon réalise un premier court-métrage, Judith Hôtel, présenté à Cannes. Cette première expérience derrière la caméra confirme une intuition ancienne : elle a besoin de construire des récits, pas seulement d’y participer.
Quatre ans plus tard, en 2022, elle signe son premier long-métrage, Falcon Lake, adapté de la bande dessinée Une sœur de Bastien Vivès. Le film, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, reçoit de nombreuses distinctions, dont le prix Louis-Delluc du premier film.
Ce passage à la réalisation n’est pas un simple prolongement de sa carrière d’actrice ; c’est une véritable conquête. Elle y affirme une écriture visuelle personnelle, à la fois atmosphérique et pudique. Falcon Lake, film de seuils, d’entre-deux et d’émotions silencieuses, révèle une cinéaste attentive aux nuances, aux failles, aux zones d’ombre qui structurent l’adolescence.
Une artiste totale

La trajectoire de Charlotte Le Bon échappe aux catégories traditionnelles. Elle n’est ni uniquement actrice, ni simplement réalisatrice, ni seulement artiste visuelle. Au contraire, elle revendique une pluralité qui reflète sa curiosité et sa volonté d’expérimenter.
Par ailleurs, elle refuse les rôles trop lisses. Elle le formule clairement : elle ne souhaite pas apparaître comme une figure sage, douce et interchangeable. Elle cherche plutôt des personnages qui possèdent un grain, un quelque chose qui dévie légèrement de la surface.
Cette volonté se retrouve également dans sa manière de travailler. Elle avance par cycles, par projets, sans se précipiter. Elle alterne ainsi entre cinéma et arts plastiques, entre liens internationaux et ancrages plus personnels. Grâce à cette approche, elle incarne une génération d’artistes qui revendiquent le droit de dériver, de se transformer, de prendre des chemins inattendus.
Et après ?
Aujourd’hui, Charlotte Le Bon occupe une position singulière dans le paysage culturel franco-canadien. Elle appartient à cette catégorie rare d’artistes qui se réinventent sans renoncer à leur cohérence. À l’aube de ses quarante ans, elle poursuit son exploration du récit, de l’image et du corps. Elle prépare de nouveaux projets de mise en scène, tout en continuant à dessiner et à photographier. Charlotte Le Bon avance donc avec constance et liberté, en construisant une œuvre où se rencontrent cinéma, art et poésie.