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Paris Hilton aime-t-elle vraiment être une icône ?
Aujourd’hui égérie de la maison Karl Lagerfeld, Paris Hilton revient sur la relation qui l’a unie au mythique couturier, et sur la manière dont elle a façonné son statut d’icône contemporaine.
Propos recueillis par Léa Zetlaoui,
Portraits Matt Easton.

Révélée en 2003 par une émission de téléréalité, Paris Hilton a su s’imposer comme une véritable figure de la pop culture. Longtemps réduite à son personnage d’héritière mondaine, elle dévoile une tout autre facette d’elle-même dans le documentaire This Is Paris, diffusé en 2020 sur YouTube. On y découvre une femme à la fois sensible et lucide, dotée d’une intelligence stratégique, qui maîtrise à la perfection les codes du marketing et du succès. Rencontre.
Paris Hilton et sa rencontre avec Karl Lagerfeld
Numéro : Quand avez-vous rencontré Karl Lagerfeld pour la première fois ?
Paris Hilton : J’ai fait sa connaissance lorsque j’étais adolescente, à Paris, au moment de la Fashion Week, chez M. Valentino. Il m’a dit : “J’aimerais faire quelques photos de vous et de votre sœur.” Les clichés étaient incroyables. Plus tard, il nous a encore photographiées au milieu d’une fête foraine avec des manèges et un carrousel. Encore une fois, le résultat était extrêmement réussi.
Pourquoi, selon vous, Karl Lagerfeld était-il un créateur si particulier ?
C’était quelqu’un d’unique. Il a façonné la mode et la culture comme personne. Tout ce qu’il faisait était tellement… cool. Dès le départ, il m’a profondément inspirée. Malgré sa stature, il restait simple, drôle, doux. Un homme extraordinaire.
Avez-vous souvent eu l’occasion de le côtoyer ?
Absolument ! J’ai été DJ à l’un de ses anniversaires à New York, sur un yacht, et nous nous croisions aussi très souvent au Château Marmont, à Los Angeles.

Veste, chemise, pantalon et mitaines, Karl Lagerfeld.

Veste, Elisabetta Franchi. Mitaines, Karl Lagerfeld.
Nouvelle égérie de la marque Karl Lagerfeld
Aujourd’hui, vous incarnez Karl Lagerfeld lui-même dans la nouvelle campagne de sa marque. À quel moment êtes-vous entrée dans le personnage ?
Quand j’ai enfilé des gants… un détail que j’ai repris de lui. C’était l’une de ses marques de fabrique.
Qu’avez-vous ressenti en entrant dans sa peau ?
Un immense honneur. Ce style diffère totalement du mien, mais j’adore les clichés en noir et blanc. Ils sont intemporels et iconiques. Et aussi, travailler avec Jon [Kortajarena, ndlr.], un ami de longue date, a été un vrai plaisir.
Vous êtes décrite comme une pionnière et une icône pop. Comment définissez-vous ce mot ?
Une icône façonne la culture, traverse le temps, inspire les autres et utilise sa notoriété pour changer les choses.
Qui étaient vos icônes quand vous étiez jeune ?
Marilyn Monroe, pour sa grâce et sa vulnérabilité, Madonna, pour sa capacité à se réinventer, et la princesse Diana, pour sa bonté et son engagement. Elles m’ont vraiment façonnée.
Êtes-vous à l’aise avec le fait d’être considérée comme une icône ?
Oui, je pense que c’est quelque chose avec lequel on naît, et non un statut que l’on peut s’approprier. Petite, je rêvais d’en devenir une. Aujourd’hui, mes fans me le rappellent chaque jour, et c’est un rêve. Mais c’est aussi une responsabilité.
Être en permanence sous le regard du public ne vous gêne-t-il pas ?
Non, j’y suis habituée. Les épreuves que j’ai traversées dans ma vie m’ont rendue forte ; je suis capable d’affronter n’importe quoi.

De jet-setteuse frivole à icône de la pop culture
Quel rapport entretenez-vous avec vos fans ?
Ils sont incroyables. Je les appelle mes “Little Hiltons”. Je les considère comme mes frères et sœurs partout dans le monde.
Vous êtes devenue célèbre à 22 ans. Comment percevez-vous cela aujourd’hui ?
C’est difficile de grandir sous les projecteurs quand on est aussi jeune, sans pouvoir contrôler la manière dont les gens parlent de vous. À cette époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux, donc je ne pouvais pas faire entendre ma propre voix.
Pensez-vous que les réseaux sociaux ont changé la notion d’icône aujourd’hui ?
Oui, j’en suis persuadée. Avant, toute la vie des célébrités passait par le biais des paparazzis et des magazines. Aujourd’hui, n’importe qui peut créer sa marque, mais beaucoup disparaissent vite. La véritable difficulté, c’est de durer. Il ne s’agit pas seulement de briller de façon éphémère grâce à une vidéo virale.
Quand estimez-vous avoir repris le contrôle de votre image ?
Cela s’est fait grâce au documentaire This Is Paris, pour YouTube. Je voulais montrer que j’avais été sous-estimée malgré mes réussites et l’empire que j’avais construit. On continuait de me voir comme une mondaine fêtarde. Exposer ma vulnérabilité a changé ma vie, et celle de beaucoup d’autres, je crois.
Ce personnage de mondaine frivole que vous affichiez était-il un bouclier ?
Oui, au départ, il l’était. Puis, il est devenu une marque, que le public a adorée.


Paris Hilton et l’art de la réinvention
Cette ancienne version de Paris Hilton existe-t-elle encore ?
Parfois ! Je m’en sers encore par jeu, pour faire de l’humour, ou simplement quand je crée du contenu, car je trouve plus amusant d’endosser ce rôle. Mais j’expose aussi l’autre facette de moi, celle qui se rend à Washington, qui prend la parole devant le Congrès et œuvre pour faire évoluer les lois. J’ai contribué à faire adopter des réformes dans dix-sept États, ainsi que deux projets de loi fédéraux pour la protection des enfants. C’est le travail dont je suis le plus fière. Alors oui, parfois je dois être sérieuse, et parfois je peux me permettre d’être légère et enjouée.
Vous êtes connue pour vous réinventer sans cesse. Quel est votre moteur ?
Tout ce que je fais reflète ce que je suis. Mais mon TDAH [trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, ndlr.] joue aussi certainement un rôle dans cette tendance. Je le considère, pour ma part, comme un super pouvoir. J’ai mille idées, mille rêves, mille passions. Cette énergie, combinée à ma volonté de travailler dur et à mon besoin de créer, me pousse sans cesse à avancer. Et j’ai le sentiment de grandir un peu plus à chaque projet.
Quels sont vos projets en cours, justement ?
Je termine mon troisième album, et un documentaire, Infinite Icon, sur ma carrière musicale, qui sera diffusé le 30 janvier prochain. J’ai aussi lancé ma nouvelle ligne de soins, Parívie, à New York.

Paris Hilton aussi iconique que Mickey Mouse ?
Être Paris Hilton est-il parfois un fardeau ?
Parfois. Par exemple lorsque l’envie vous prend d’aller à Disneyland. Là-bas, être Paris Hilton, c’est un peu comme être Mickey Mouse : je ne pourrai faire aucune attraction parce qu’un millier de personnes voudront me prendre en photo. Je ne veux pas les décevoir, donc je reste là pendant des heures à poser pour tout le monde. Alors, avec le temps, j’ai appris à y aller déguisée : perruque brune, sweat à capuche, chapeau, lunettes… je me cache complètement.
Quelle est la leçon de vie la plus importante que vous ayez apprise ?
La seule chose qui compte vraiment, c’est la famille, trouver le grand amour, avoir des enfants et construire une vraie vie. Avant, j’étais perdue, je ne savais pas ce qu’était l’amour ou l’amitié véritable. En révélant ma vraie nature, l’amour est venu à moi. J’ai eu mes enfants, et je me suis dit : “Voilà, c’est ça, la vie.” Ce qui me rend heureuse, ce sont eux, London et Phoenix. Et mon mari, mon meilleur ami, mon soutien le plus fidèle. J’adore aussi mes animaux et le plaisir simple d’être à la maison, sans maquillage, en survêtement et chaussettes, à cuisiner, peindre, faire de la musique, passer du temps en famille…
Avez-vous un rêve que vous n’avez pas encore réalisé ?
J’ai l’impression d’avoir déjà accompli tout ce que je pouvais souhaiter. Je vais continuer à faire de la musique, à défendre les autres et à utiliser ma voix pour faire changer les choses. Mais, honnêtement, je me sens comblée.
Auriez-vous un conseil à donner à la Paris Hilton de 20 ans ?
N’aie pas peur de montrer au monde qui tu es. En révélant ta vérité, tu peux inspirer des millions de personnes. Alors ne crains pas d’être toi-même et de le montrer. C’est là que réside la vraie force.
Réalisation : Anna Castan. Coiffure : Daniel Martin avec les produits Sam McKnight. Maquillage : Marion Robine avec les produits Hourglass chez Calliste Agency. Assistants photographe : Harry Burner et Paul-Antoine Goutal. Assistant réalisation : Barnabé White.