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Que réserve la nouvelle édition du salon du PAD London ?
En plein quartier de Mayfair, le célèbre salon du design accueille une dizaine de nouvelles galeries internationales. Parmi les propositions des nouveaux venus, Numéro a sélectionné une exposition de pièces de Gaetano Pesce, un dialogue entre le peintre Jean Degottex et Carlo Bugatti, et un stand conçu par la designer Faye Toogood.
Par Thibaut Wychowanok.
Publié le 14 octobre 2025. Modifié le 16 octobre 2025.

Le designer star Gaetano Pesce au PAD London
On avait vu réapparaître Gaetano Pesce sur le devant de la scène mode en 2022, à peine deux ans avant sa mort. Matthieu Blazy, alors directeur artistique de Bottega Veneta, l’invitait à réaliser 400 chaises pour son défilé, aussitôt mises en vente à Design Miami. Figure éminente du design italien et mondial, Pesce se singularise rapidement par son usage de couleurs inattendues et par un design volontairement imparfait, aléatoire et incertain, prenant le contre-pied d’une uniformisation en marche.
Pour sa première participation au PAD London, la parisienne Pulp Galerie offre une exposition monographique à celui qui avait marqué les esprits avec les formes voluptueuses et le coloris rouge vif de son fauteuil Big Mama en 1969, de son vrai nom Up (5 et 6), ou encore avec les formes anthropomorphes de sa série Nobody’s Perfect de 2002 (reprise comme titre de son exposition la même année au musée des Arts décoratifs à Paris, faisant suite à celle de 1975).
La Pulp Galerie présente ainsi de très belles pièces historiques à l’instar du Sick (ou Sikh) Cabinet réalisé en 1995 pour l’exposition “Le temps des questions” au Centre Pompidou ; la bibliothèque modulable Luigi de 1982, composée de six éléments verticaux en hêtre noir agrémentés de panneaux peints à la main transformables en étagères ; ou un buffet Nobody’s Perfect de 2002, entre autres.
![Horsphère Bois (III) [1967] de Jean Degottex (provenance : Galerie Jean Fournier, Paris). Huile et grattage sur panneau, 120 x 80,4 cm. En bas : console-table (1902) de Carlo Bugatti. Bois laqué noir, cuir, métal et incrustations d’os, 70 x 116 x 70 cm. Ensemble présenté sur le stand de Sceners Gallery. © Courtesy of Sceners Gallery.](https://numero.com/wp-content/uploads/2025/10/20270717-ScenersGallery-92922-copie.jpg)
La Sceners Gallery participe à l’édition 2025
Autre nouvelle venue, la jeune galerie parisienne Sceners Gallery s’aventure dans un dialogue fructueux entre le peintre Jean Degottex (1918-1988) et le designer Carlo Bugatti (1856-1940). “Dans cette installation, explique
la galerie, les gestes fluides de Jean Degottex rencontrent l’immobilité minutieuse des formes façonnées par Carlo Bugatti. Les traces de Degottex suggèrent un mouvement comme une pensée, ou peut-être un silence modelé par la main. Bugatti, à l’inverse, compose la pesanteur : métal, bois, marqueterie ou l’ornement comme architecture, la forme comme rituel. Ce qui les relie n’est pas le style mais l’intention – le désir de distiller, de s’approcher de l’essence, qu’il s’agisse d’une ligne ou d’un objet. Ce n’est pas une rencontre d’opposés, mais de deux précisions distinctes poursuivant une recherche en parallèle. Une gravité partagée, exprimée différemment.”
Faye Toogood au cœur du stand de Friedman Benda
Enfin, les Américains de Friedman Benda invitent quant à eux la designer britannique Faye Toogood (sacrée Designer of the year 2025 par Maison&Objet) à concevoir un stand qui mêle ses nouvelles pièces (relief mural en chêne sculpté à la main, tapisseries en laine…) à des œuvres ludiques et provocantes de Misha Kahn (la chaise Miss Fishy en bronze de 2016), d’Andrea Branzi (la lampe Maple Leaves de 2022 en papier de riz japonais et bambou noir), ainsi que de Fernando et Humberto Campana (le banc Paisagem en adobe et aluminium de 2023). Toogood présente surtout The Magpie’s Nest (“le nid de la pie”), un hommage à la curiosité, à la collection et à la “curation” réunissant bâtons, pierres et os brisés glanés ici ou là.
“Mon père était un grand passionné d’ornithologie, confie-t-elle. Nous étions donc toujours en promenade ou en train de glaner des choses. Je n’avais pas beaucoup de jouets, à la place, on m’encourageait à collectionner ce que je trouvais dans la nature. Un jour, c’étaient des bâtons : nous rentrions à la maison avec une brassée de morceaux de bois, nous les attachions et nous en faisions quelque chose de nouveau. Un autre jour, c’étaient des galets ramassés sur la plage, toujours avec l’idée d’en faire autre chose. Dans mon cas, cela signifiait organiser ma collection, ou essayer d’y trouver des modèles. Ce rituel, qui consiste à collectionner et à se passionner pour des objets naturels, à les transformer et à essayer de comprendre le monde à travers eux, a eu une influence durable sur ma pratique.”
PAD London, du 14 au 19 octobre 2025, Berkeley Square, Londres.