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L’acteur Antoine Simony nous dévoile les dessous de la série Culte sur les 2Be3
Après une première saison dédiée à Loft Story, la série Culte consacre ses nouveaux épisodes – disponibles le 24 octobre 2025 – au boys band qui a séduit la France des années 90, les 2Be3. L’acteur et rappeur Antoine Simony, qui incarne le séducteur et torturé Filip Nikolic, nous dévoile les coulisses de ce show scintillant et réussi.
propos recueillis par Violaine Schütz.
Publié le 24 octobre 2025. Modifié le 27 octobre 2025.
Après s’être attaquée, en 2024, dans sa première saison, au programme de télé-réalité Loft Story, l’excellente série Culte s’intéresse à un autre phénomène qui a marqué la pop culture. En effet, les épisodes nostalgiques, subtils et scintillants de Culte : 2Be3, qui seront diffusés sur Prime Video le 24 octobre 2025, racontent la naissance du boys band français 2Be3.
Formé en 1996 par trois amis d’enfance originaires de Longjumeau – Filip Nikolic, Adel Kachermi et Frank Delay -, le groupe a connu un immense succès auprès des jeunes filles de l’époque. Encore aujourd’hui, des productions comme le film Partir un jour (2025) dans lequel on entend Juliette Armanet reprendre l’un des tubes de la formation, prouve que leur aura, kitsch et queer, a encore de belles heures devant elle. Et qu’il ne s’agissait pas d’un groupe marqueté et jetable.
Après Loft Story, la série Culte s’attaque aux 2Be3
Mais l’histoire des 2Be3 est beaucoup tragique qu’on ne le croit notamment en raison de la descente aux enfers de son leader, Filip Nikolic, décédé en 2009 après un arrêt cardiaque lié à une grande absorption de somnifères (il souffrait également d’épilepsie et d’une addiction à l’alcool). Celui qui l’incarne avec brio et sensibilité à l’écran, le rappeur et acteur prometteur Antoine Simony (Été 85, La Cage) nous parle de l’imagerie queer de la série et de l’industrie musicale de l’époque.
L’interview de l’acteur Antoine Simony
Numéro : Comment avez-vous rejoint le casting de la série Culte : 2Be3 ?
Pour être honnête, à la base, j’ai refusé de passer le casting. Parce que je viens du rap, et les 2Be3, ce n’était pas spécialement ma tasse de thé artistiquement parlant. En plus, quand on me parle de ce projet, je suis en tournée ou en studio pour enregistrer des morceaux. Donc, je n’ai pas trop la tête à ça et je décline l’offre de manière un peu de manière presque arrogante. Puis, un mois et demi après, mon agent insiste en me disant qu’ils cherchent encore celui qui incarnera le rôle de Filip Nikolic et qu’il pense que je lui corresponds vraiment. Je lis alors le scénario et je me prends une claque face à la justesse d’écriture.
Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ?
Il y a énormément de choses à défendre dans cette série. J’adore cette histoire d’amitié entre les trois membres du groupe. On se demande : “Jusqu’à où une amitié peut aller ? Que se passera-t-il quand la gloire arrivera ? Et s’arrêtera ? Est-ce qu’ils vont réussir à maintenir ce lien qui les a tant soudés durant leur adolescence ?”. Et puis, il y avait ce désir inéluctable d’extraction sociale, de s’échapper de sa condition de la part de ces garçons venus de banlieue. Bref, énormément de sujets qui me parlent. Et puis, tout le côté industrie du disque qui peut écraser les personnalités ultra-sensibles comme celle de Filip. Ça me touche aussi. Comme je suis dans la musique depuis quelques années, j’arrive à faire un parallèle avec ma propre vie. Et puis j’ai aimé la façon d’aborder la personnalité de Filip sous différentes facettes, avec beaucoup de densité.

“Je savais vraiment très peu de choses sur les 2Be3 avant de rejoindre la série.” Antoine Simony
Que saviez-vous de Filip Nikolic et des 2Be3 avant de jouer dans la série ?
Je savais vraiment très peu de choses. Je connaissais des clips des 2Be3 et des parodies. Donc, j’avais une image biaisée de qui ils étaient. Ce n’est pas quelque chose que j’ai connu dans mon enfance parce que j’étais trop jeune, pour prendre en compte leur succès. Ils ont existé de 1996 à 2001 (Antoine Simony est né en 1997, ndlr). Quand leur succès commence à décliner, je suis encore enfant. Donc, j’avais surtout en tête l’image de leur déclin et des critiques qu’ils ont pu recevoir. Soit que les boys bands n’étaient juste qu’un phénomène de mode. Je ne connaissais pas bien la vie de Filip non plus. Mais je savais qu’il était mort jeune.
Comment vous êtes vous documenté sur les 2Be3 ?
Je suis renseigné avec toute l’humilité qu’il faut avoir pour découvrir la personnalité de gens qui ont marqué l’histoire culturelle. Comme un journaliste, je découvrais et creusais en regardant notamment des interviews d’eux. Et je me suis alors vite rendu compte qu’il y avait beaucoup de personnes de la génération de mon oncle et de ma mère, qui étaient très au fait de l’histoire de Filip. Et je leur ai posé plein de questions. Aussi, nous avons eu la chance de travailler avec des gens qui ont côtoyé le groupe de près et surtout, avec les deux membres restants de la formation, Adel Kachermi et Frank Delay. Ils ont participé au projet en tant que consultants et m’ont donné plein d’informations sur la personnalité de Filip, me parlant à la fois de ses nombreuses qualités, mais aussi de ses défauts. Frank joue d’ailleurs un petit rôle dans la série : il entraîne Marin Judas qui joue son rôle dans le show.

“Filip Nikolic était ultra dans tout ce qu’il faisait.” Antoine Simony
Quel regard portez-vous sur Filip Nikolic, qui avait l’air d’être quelqu’un d’assez fascinant, à la fois généreux, électrique et fougueux, mais aussi torturé, voire toxique envers sa compagne, Valérie Bourdin ?
Il était hyper tout. C’était un homme extrême qui était ultra dans tout ce qu’il faisait. C’est-à-dire ultra-sensible, ultra généreux, ultra séducteur, ultra investi et ultra possessif. Il avait besoin d’être dans la lumière, d’être en avant et cela pouvait être étouffant. Il voulait prendre de la place et avait besoin d’être au centre de l’attention. Et je pense même qu’il avait un penchant bipolaire. Mais à l’époque, on ne diagnostiquait pas autant les gens. En tout cas, c’était une personne fantastique, mais qui ne pouvait pas survivre à un tel succès. Encore plus à succès qui s’arrête. Il était dans l’addiction dans le sens littéral du terme : une addiction à la sensation d’adrénaline, à la gloire, pas seulement aux médocs.
La série aborde la bisexualité du chanteur, qui a souvent été invisibilisée jusqu’ici…
La sexualité de Filip n’est pas spécialement mise en avant dans la série. En tout cas pas en tant que telle. Ce qu’on a voulu montrer, c’est que c’était un gars qui était prêt à tout pour réussir et qui était tout le temps dans la séduction. Est-ce que Filip était réellement attiré par les hommes ? Je ne pense pas. Par contre, il savait que les gens étaient attirés par lui et il en jouait. Ensuite, c’était quelqu’un d’assez avant-gardiste et de libéré sur ces questions-là. Il ne s’est jamais défini comme bisexuel et il est décédé en emportant ça dans sa tombe. Personne n’a le droit de prendre la parole à sa place sur ce sujet-là. Un coming out, c’est quelque chose de personnel. Tout le monde a le droit d’aimer tout le monde, mais c’est à la personne concernée de faire – ou pas – son coming out. Si elle ne l’a pas fait publiquement de son vivant, ce n’est pas à nous de nous en mêler.

“Aujourd’hui, le sexy n’est pas simplement dans le corps et dans le muscle.” Antoine Simony
La série joue sur une imagerie queer et montre comment le rapport à la masculinité des 2Be3 était en avance sur leur temps. On voit aussi l’homophobie à laquelle les chanteurs sont confrontés au début de leur carrière, leur virilité étant jugée par certains comme étant trop féminine…
Je pense qu’il y avait une culture du corps qui avait pu être mal vu par la société à l’époque. Le sexy a évolué depuis. Aujourd’hui, le sexy n’est pas simplement dans le corps et dans le muscle. Mais les 2Be3 se sont autorisés à devenir des icônes masculines désirables, ce qui a choqué. C’était un groupe marqueté pour les jeunes femmes et ils ont été associés à une certaine féminité parce qu’ils mettaient des col V, prenaient soin d’eux et huilaient leurs corps. Et il y a eu beaucoup d’homophobie envers eux à l’époque. Les mentalités ont changé, mais on doit encore continuer de faire avancer cette liberté de choix à propos de sa masculinité.
Comment vous êtes-vous préparé pour jouer ce rôle de membre de boy band athlétique ?
Il y a eu une énorme préparation physique, avec un ancien danseur des 2Be3, qui est aujourd’hui coach sportif. Il a mis au point des entraînements pour nous trois. Cinq jours par semaine, on faisait en sorte de prendre du muscle. Moi, je devais prendre six kilos de muscle. Cela comprenait une diète (un régime sec) et beaucoup de sport. Ça a duré tout le tournage : on a aussi dû garder ce corps-là sur tout le projet, donc, durant des mois. Ce qui a été plus difficile qu’avant le démarrage du projet : nos journées étant prises par la répétition et le tournage de nos scènes, on faisait du sport à 22h. Et puis, j’ai aussi appris à danser avec Gladys Gambie, qui joue notre chorégraphe dans la série.

“Les 2Be3 se sont autorisés à devenir des icônes masculines désirables, ce qui a choqué.” Antoine Simony
La série dépeint une industrie musicale difficile, celle des années 90. On voit notamment combien les gens se parlent mal… Et on ne respecte pas les femmes qui y travaillent. Est-ce que ça correspond à votre expérience dans la musique ?
Il y a forcément des traits qui sont grossis pour les besoins du récit. Il y a plus de monde qui décident dans les maisons de disques. Normalement, il n’y a pas une seule personne qui prend les décisions, contrairement à ce que l’on voit dans la série. Et ça arrive que quelqu’un vienne et te tire vers le haut. Que quelqu’un se batte pour toi corps et âme, parfois aussi simplement pour sauver sa propre peau. Mais dans le show, une figure – le patron Yann, un personnage haut en couleur – représente la masculinité toxique de l’époque, l’emprise patriarcale dans le milieu de la musique face à la force et la sensibilité d’une femme, la manageuse des 2Be3, jouée par Daphné Bürki.
Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?
On parle beaucoup plus de santé mentale, d’émotions, de la dureté au travail, du harcèlement moral et, aussi, des harcèlements sexuels et des violences. Nous sommes beaucoup plus avertis sur ces sujets-là. Et les choses difficiles ne se passent pas aussi frontalement que dans la série. C’est plus pernicieux.
Culte : 2Be3, créée par Yaël Langmann, disponible sur Prime Video.