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Pourquoi il faut voir Un simple accident, la Palme d’or 2025
Chez le cinéaste iranien Jafar Panahi, l’accident devient métaphore. Celle d’un pays fracturé, d’une société épuisée, d’un quotidien où la tragédie se mêle au grotesque. Son onzième long-métrage, Un simple accident, Palme d’or au Festival de Cannes 2025 est actuellement en salle. Notre chronique.
par Alexis Thibault.
Un simple accident, la Palme d’or du dernier Festival de Cannes
Palme d’or au Festival de Cannes 2025, Un simple accident marque le retour du réalisateur iranien Jafar Panahi (Taxi Téhéran, Aucun ours) sur la Croisette après quatorze ans d’interdiction de quitter l’Iran. Alors qu’il lui est interdit de tourner, le cinéaste filme encore. Condamné en 2010 à six ans de prison pour “propagande contre le régime”, le cinéaste n’a jamais cessé d’être un homme sous surveillance. Arrêté de nouveau en 2022, le sexagénaire ne retrouve la liberté qu’en 2023, à l’issue d’une grève de la faim et de la soif. Libre, mais jamais délivré, il annonce pourtant son intention de rentrer. Et revoir ce pays qui l’étouffe et le nourrit tout à la fois.
Le synopsis de son nouveau film ? Un garagiste, ancien prisonnier politique, croit reconnaître l’un de ses tortionnaires à la démarche caractéristique d’une prothèse de jambe… Mais le personnage principal du onzième long-métrage de l’Iranien reste sans aucun doute l’humour noir. Il ponctue le récit dans cette quête de vengeance, où la frontière entre victime et bourreau devient floue.

Le cinéma clandestin de Jafar Panahi
Le dernier acte, d’une noirceur saisissante, vient rappeler l’oppression tangible que le film ne cesse de mettre en lumière. Cette Palme d’or est plus qu’une récompense esthétique. Elle s’impose comme un manifeste en faveur de la liberté d’expression. Tourné dans l’ombre de la clandestinité avec une poignée de fidèles, le film de Jafar Panahi est marqué par quarante-cinq ans de dictature religieuse.
On y croise des personnages cabossés, figures de ce que le pouvoir s’acharne à annihiler : la possibilité même de réparer. On y lit l’usure, la fatigue, et pourtant circule une énergie souterraine, celle de la vitalité paradoxale d’un pays qui refuse de s’éteindre.
Derrière la rugosité, Un simple accident trace une ligne claire : un cinéma sans séduction, sans consolation, qui persiste comme un acte de survie. C’est une tragédie mais aussi une farce. Une parabole politique et, surtout, une œuvre qui interroge. Peut-on pardonner ? Et si oui, à quel prix ?
Un simple accident (2025) de Jafar Panahi, actuellement au cinéma.