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Dior : ce qu’il faut retenir du premier défilé femme de Jonathan Anderson
Après un premier défilé homme présenté en juin dernier, Jonathan Anderson dévoile le versant féminin de sa vision artistique chez Dior. Numéro revient sur ce qu’il faut retenir de cette collection printemps-été 2026.
Par Camille Bois-Martin.
Publié le 1 octobre 2025. Modifié le 6 octobre 2025.


Pour Jonathan Anderson, le défi Dior
Christian Dior, Yves Saint Laurent, Marc Bohan, John Galliano, Raf Simons, Maria Grazia Chiuri… Toutes ces personnalités éminentes ont marqué le monde de la mode, mais surtout l’histoire de la maison Dior depuis sa création en 1946.
Difficile donc de s’inscrire dans leur sillage – même lorsque l’on s’appelle Jonathan Anderson. Créateur de génie à l’origine du renouveau de Loewe, l’Irlandais, également à la tête de sa marque JW Anderson, fait partie de cette nouvelle génération de directeurs artistiques en phase avec leur temps et adulés, tant par les professionnels que par le grand public.
Nommé à la tête de toutes les collections de l’illustre marque française en juin 2025, ce dernier se retrouve, depuis, au cœur de toutes les discussions. Allait-il imposer son imaginaire ludique dans l’héritage classique, quoique parfois subversif, de Dior ? Ou bien allait-il se faire ensevelir par le lourd patrimoine de la maison ?
Autant de questions auxquelles Jonathan Anderson avait en partie répondu en juin, lors de son premier défilé homme. Très réussie, sa collection témoignait déjà de sa maîtrise des codes de la marque, autant que de son envie d’y laisser son empreinte.
Mais, le fer de lance de Dior réside dans le vestiaire féminin, scruté et porté par toutes les plus grandes célébrités du moment. Déjà, au fil des dernières semaines, il préparait le terrain en nommant Greta Lee, Mikey Madison et Mia Goth en égéries, ou en parant quelques actrices de la Mostra de Venise de ses futures créations, d’Anya Taylor-Joy à Alba Rohrwacher.
“Do you dare enter the house of Dior ?”
Ainsi le défilé Dior femme printemps-été 2026, figurait-il parmi les rendez-vous les plus attendus de cette Fashion Week de Paris. Tout un chacun allait enfin découvrir la vision complète de Jonathan Anderson, qui semblait s’éloigner en tout point de celle façonnée par Maria Grazia Chirui au cours de la dernière décennie…
Une responsabilité immense, que le créateur irlandais semble lui-même avouer dans le décor du show : une large pyramide inversée orne le plafond, sa pointe frôlant le couvercle d’une boîte Dior à moitié ouverte. Renfermant toute la riche histoire de la maison, cette boîte fait écho au court-métrage diffusé sur cette même pyramide en début de défilé.
Sur ces écrans, les invités découvrent une multitude d’images d’archives de défilés, d’essayages et de campagnes publicitaires de la marque depuis plus d’un demi-siècle. Surtout, cette vidéo se lance sur une musique inquiétante avec, en introduction, une phrase : “Do you dare enter the house of Dior ?” (“Oserez-vous entrer dans la maison Dior ?”). Une question que Jonathan Anderson s’est sûrement lui-même posé et avec laquelle il a ainsi composé cette collection printemps-été 2026 riche en références à l’héritage Dior…


L’héritage des chapeaux Dior
Sous Maria Grazia Chiuri, les chapeaux sont restés quelque peu absents de la plupart des collections, si ce n’est un béret, un bob ou une casquette distillé ça et là au fil des saisons. Pourtant, ils font partie intégrante de l’histoire de la maison : avant même de lancer sa marque, Christian Dior se faisait un nom à Paris en vendant aux modistes ses dessins de chapeaux ! Impossible, donc, lorsqu’il se lance dans la couture en 1947, de ne pas intégrer de couvre-chefs à ses silhouettes.
Capeline, calot ; à fleurs ou à plumes… Dans les années 50, ses chapeaux sont indissociables de ses vêtements et reflètent le faste des tenues de la Belle Époque, dont le fondateur était nostalgique. Une esthétique ostentatrice également familière à John Galliano, qui se fit épauler, dès son arrivée en 1996, par les services du célèbre chapelier Stephen Jones. Extravagants ou un poil désuets, les chapeaux qui ornent alors les créations du Britannique renvoient systématiquement à une thématique.
Bref, un pan incontournable de l’histoire Dior, apparemment maîtrisé par Jonathan Anderson : sur la majeure partie des silhouettes de son défilé printemps-été 2026, on observe en effet de larges chapeaux noirs. Semblable à des bicornes, leur forme étrange évoque également le couvre-chef blanc de l’iconique look nonne de Diana Gärtner par John Galliano pour l’automne-hiver 2000-2001, tout autant que la visière pointue nous rappelle celui arboré par Céline Dion aux Oscars en 1999…


Le tailleur bar, une évidence
À l’image des chapeaux ou du logo Dior, Jonathan Anderson semble donc réintroduire des incontournables de l’histoire de la maison. Si le tailleur bar en fait assurément partie, celui-ci a déjà été, au fil des décennies, réinventé par tous les directeurs artistiques, de Galliano à Chiuri. Mais, sous la houlette du créateur irlandais, il adopte une allure ludique, voire surréaliste, empreinte de son univers caractéristique développé chez Loewe ou au sein de sa propre marque.
Pour le printemps-été 2026, il réactualise ainsi l’iconique New Look de façon quasi littérale, raccourcissant le jupon plissé comme la veste cintrée. Ses volumes deviennent plus rigides et les boutons, qui accompagnaient traditionnellement la ligne du buste au nombril, se réduisent au nombre de deux et se répartissent sous la poitrine.
Un positionnement loin d’être anodin, tant il imite celui des manteaux et des blazers de la ligne A imaginée par Christian Dior pour le printemps-été 1955 (haute couture) et qui façonnait alors une silhouette plus libre et évasée (à l’image de la lettre A). Un mix entre deux looks iconiques de l’histoire de la maison, que l’on retrouve notamment dans l’un des manteaux verts de ce défilé.


Un premier défilé femme paré de nœuds
Impossible, en observant cette première collection femme signée Jonathan Anderson, de passer à côté de la multitude de nœuds qui orne les silhouettes. Décorant le buste et le jupon d’une robe, ou dessiné de façon subtile sur une encolure, ce motif irrigue en effet le défilé.
Ce détail, important, fait lui aussi partie du vocabulaire Dior, évoquant la fascination de Christian Dior pour l’apparat de cour et le faste du 19e siècle. Marie-Antoinette, la Duchesse de Fontanges… Dès sa première collection, les nœuds ornent un décolleté, garnissent un chapeau, ferment une ceinture et parachèvent l’esthétique glamour et romantique du créateur. Jusqu’à même décorer la première bouteille du parfum Miss Dior ! Une vision baroque et quelque peu théâtrale, au sein de laquelle l’imaginaire de John Galliano s’inscrivait également.
C’est ainsi sans surprise que Jonathan Anderson mobilise ce motif pour le printemps-été 2026 – bien que parfois de façon trop littérale. Si on adore les tailleurs imitant la boucle d’un nœud, on reste quelque peu contemplatifs de ces robes bustiers et drapées, assez littérales.


La robe Junon réinventée par Jonathan Anderson
Voici encore un autre incontournable de l’héritage Dior : la robe Junon. Dévoilée par Christian Dior lors de la saison haute couture automne-hiver 1949, elle se compose de larges pétales en tulle rebrodé de sequins par René Bégué et évoque l’élégant plumage du paon. Somptueux, ce look émerveille autant aujourd’hui qu’il marquait les esprits d’alors. En 2023, Natalie Portman en portait une copie sur les marches du Festival de Cannes ; John Galliano la réinterprétait déjà de façon littérale en 2010 ; tandis que Maria Grazia Chiuri dédiait à la robe Junon sa première collection de haute couture en 2017.
Dans l’imaginaire de Jonathan Anderson, ce look somptueux et luxueux se réinvente néanmoins en version plus prêt-à-porter : la jupe est raccourcie, portée à mi-cuisses, et les pétales troquent leurs sequins contre de la dentelle brodée. Le traditionnel bustier est remplacé par un haut blanc simplifié et décoré d’un col assorti au jupon.
L’Irlandais se saisit donc des codes les plus célèbres de la maison et tente de se les approprier au sein de cette première collection. On pourrait également mentionner les références à la collection “Nude“ de Galliano, tout comme à la ligne Trapèze de Christian Dior… Mais cet article ne trouverait alors pas de fin et s’éloignerait peut-être de l’important – à l’image du créateur irlandais, qui semble s’évanouir dans le riche héritage de la maison, salué par une standing ovation à la fin de ce défilé.
Tous les looks du défilé Dior printemps-été 2026

































































