30 sept 2025

BookTok, Dua Lipa… Comment le livre est (re)devenu cool

Du hashtag BookTok aux book clubs initiés par Dua Lipa, Reese Witherspoon et Oprah Winfrey, le livre devenu ultra tendance. Un retour en force qui s’étend notamment au septième art avec une cascade de livres popularisés en ligne qui sont adaptés au cinéma. Comment la lecture est-elle (re)devenue hype ? Décryptage.

  • par Jordan Bako.

  • La bande-annonce du film Le Cercle des poètes disparus (1989).

    La lecture, une pratique désuète ?

    Dès le 19e siècle et ses salons littéraires souvent intiés par des femmes et fréquentés par Balzac, Hugo et Musset, les livres étaient des affaires collectives : des sujets de conversation souvent réservés aux élites. Mais la pratique du club de lecture s’est érodée avec le temps, passée de tendance érudite à un passe-temps légèrement suranné. Si dans la fiction, on garde le souvenir rêveur des protagonistes du film Le Cercle des poètes disparus (1989), la réalité est bien autre.

    Fréquenter un club de lecture est vu comme une activité majoritairement féminine. Peut-être parce que selon les statistiques de l‘Ipsos, les femmes lisent plus que les hommes et parce que le fait d’échanger autour de livres pourrait créer des brèches dans la sacro-sainte idée de la virilité. Mais surtout, le fait de lire en collectif passe souvent au second plan en matière de hobbies. Entre les affres de la vie active et les méandres du quotidien, il semble difficile de trouver le temps de se réunir autour de la lecture commune d’un livre. De nombreuses personnes lui préfèrent le cinéma, la musique, la sortie en discothèque ou la bonne vieille soirée apéro.

    Les Rendez-vous littéraires rue Cambon de Chanel (2024).

    Chanel, Dua Lipa, Kaia Gerber… Les clubs de lecture à la mode

    Cet engouement autour de la littérature prélude le retour à la mode du club de lecture, pourtant décrié pour son côté un peu désuet. Dans les grandes villes comme en ligne, les book clubs reprennent de l’allure. Si bien que les célébrités et les maisons de mode s’y mettent. La maison Chanel, Oprah Winfrey, Kaia Gerber ainsi que Dua Lipa créent leurs propres cercles où elles recommandent des livres à leurs abonnés.

    Souvent perçue comme la pratique solitaire par excellence, la lecture se conjugue de plus en plus au pluriel. La tendance prend davantage sur les réseaux sociaux pendant la pandémie du Covid-19. En effet, en période de confinement, nombreux sont ceux qui ont trouvé refuge dans les pages de romans et d’essai. Fleurissent alors les clubs de lecture en ligne pour essayer de tisser des liens à une heure où la sociabilité est mise à mal par les règles en vigueur.

    Selon un article d’Anne Jonchery et Philippe Lombardo dans une revue du ministère de la Culture en 2020, « les formes de sociabilités en ligne (groupe WhatsApp, club de lecture, club de visionnage de film, apéro en ligne, fête en ligne) intégrant donc certains réseaux sociaux numériques sans s’y limiter, ont recruté de très nombreux adeptes pendant le confinement : 48 % des 15 ans et plus ont déclaré y avoir participé alors qu’ils ne les pratiquaient pas précédemment. » 

    Plus encore, dans le sillon des mouvements #MeToo et Black Lives Matter, des book clubs engagés émergent, tentant de sortir des bastions de la littérature classique. Ils célèbrent alors des fictions plurielles, à l’intersection de diverses revendications sociales : féminisme, antiracisme, contre les queerphobies. En France, on pense par exemple à l’association Overbookées, au Feminist Book Club ainsi qu’au Noname Book Club, lancé en ligne par la rappeuse Noname, avant d’inaugurer une édition parisienne le 30 septembre 2025.

    #BookTok et le retour en grâce des auteures

    Alors comment expliquer que la lecture doit en plein regain de hype ? Au tournant des années 2010, les livres sortent de leur tour d’ivoire. En effet, les outils numériques où la littérature est reine pleuvent, de l’application GoodReads qui permet de référencer chaque livre relu et d’y apporter des commentaires au site WattPad qui connaît un boom chez les jeunes, qui peuvent écrire des fanfictions sur leurs univers fictionnels préférés…

    Mais surtout, les pages de romans, a fortiori ceux écrits par des femmes, deviennent des objets de conversation populaires sur les réseaux sociaux. La toile voit ainsi se déverser une cascade de comptes BookTok, BookTube et Bookstagram mettant en lumière de nombreux ouvrages.

    La bande-annonce du film Wild (2024).

    Une tendance qui s’étend au cinéma

    Le retour en force de la lecture est loin de s’arrêter uniquement au champ littéraire. En effet, dans le sillon de la création de son club de lecture en 2016, l’actrice Reese Witherspoon a fonde même sa propre boîte de production de cinéma, Hello Sunshine. Auparavant, elle avait été impliquée dans les coulisses de Wild (2014) et Gone Girl (2014). Une idée “née d’une frustration de ne pas voir les rôles que je voulais et de penser qu’il n’y avait pas assez de voix féminines dans l’industrie du divertissement”, selon les confessions de l’actrice au média américain Backstage.

    À la tête de cette société, la comédienne et femmde d’affaires américaine part à la conquête des auteures qui n’attendent que de voir leurs œuvres adptées au grand écran. Un élan d’intérêt pour les plumes féminines, qui permet à certains personnages, elles-mêmes écrivaines, d’arriver dans les salles obscures.

    La bande-annonce du film La Femme de ménage (2025).

    La Femme de ménage, Verity… Des livres populaires adaptés en films

    À travers l’exemple de Reese Witherspoon, transparaît une tendance : celle des livres révélés par Internet adaptés au cinéma. Si on connaît déjà la success story de Cinquante Nuances de Grey (2015) sur le grand écran, la cadence semble s’être accélérée ces dernières années. Une cascade d’œuvres littéraires populaires en ligne débarquent au cinéma : des romances de Colleen Hoover Verity et Regretting You, aux thrillers avec La Femme de ménage, écoulé à un million d’exemplaires en poche.

    Si selon le Syndicat national de l’édition (SNE), le marché du livre est en baisse en 2024, le nombre de films inspirés par des livres est loin de décroitre. Selon une étude du Centre national du livre en 2023, ces productions occuperait 17% du paysage cinématographique français. Et d’après une étude de Forbes en 2018, ces dernières généreraient 53% de plus de recettes que les scénarios originaux au box-office mondial. Si le livre est de nouveau à la mode, ce retour en force s’étend donc bien au-delà du marché du livre.

    La Femme de ménage de Paul Feig, au cinéma le 24 décembre 2025.