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Norman foster
Norman Robert Foster, né en 1935 près de Manchester, a réinventé le paysage des villes modernes. Derrière ses tours de verre, ses coupoles translucides et ses ponts suspendus, se dessine une pensée humaniste : une architecture où la technologie devient poésie, où la lumière devient matière, où l’avenir dialogue avec l’histoire.
Publié le 17 septembre 2025. Modifié le 6 octobre 2025.

Les débuts de Norman foster
Dans l’Angleterre industrielle de l’après-guerre, Foster grandit loin des cercles privilégiés. Son père travaille dans une usine, sa mère dans une boulangerie. L’enfant observe la rigueur des machines, les cadences des ouvriers, et en garde le goût des structures nettes. À seize ans, il quitte l’école pour multiplier les petits boulots tout en poursuivant une idée tenace : devenir architecte.
Le soir, il dessine, rêve de bâtiments transparents et cherche dans les livres les lignes qui lui manquent. L’université de Manchester lui ouvre ses portes, mais c’est Yale qui bouleverse sa trajectoire. Aux États-Unis, il rencontre Richard Rogers et découvre la modernité américaine, ses tours, ses vastes espaces, ses ambitions démesurées. Le voyage devient révélation : l’architecture sera son langage.
Naissance d’un regard
De retour en Angleterre au milieu des années 1960, Foster cofonde Team 4 avec Rogers et leurs femmes. L’expérience est brève, mais fondatrice. Rapidement, il crée son propre atelier : Foster Associates, bientôt renommé Foster + Partners.
Ses premiers projets séduisent par leur clarté. Le bâtiment Willis Faber à Ipswich, inauguré en 1975, offre une façade de verre fluide et des espaces intérieurs pensés pour le bien-être des employés. Plus qu’un simple bureau, c’est un manifeste : l’architecture doit être vécue, non subie. L’humain occupe déjà le centre de sa démarche.
La révolution high-tech

Dans les années 1970 et 1980, Foster impose un vocabulaire architectural qui deviendra emblématique : structures apparentes, verre expansif, acier visible. La technologie n’est pas dissimulée mais célébrée.
L’aéroport de Stansted, ouvert en 1991, illustre cette approche. Plutôt qu’un terminal saturé, il imagine un vaste espace lumineux, traversé de transparences et de rythmes. Chaque détail est conçu pour alléger l’expérience du voyageur.
Le siège de la HSBC à Hong Kong, inauguré en 1985, marque une autre étape. Sa conception modulaire, pensée pour s’adapter au climat et aux usages, incarne une architecture mouvante, capable de dialoguer avec son environnement. Foster devient ainsi le chef de file d’un mouvement que l’on nomme « high-tech », mais qu’il préfère appeler architecture de la clarté.
Les icônes mondiales
Avec le temps, ses projets gagnent en ampleur et en symbolisme. À Berlin, il réinvente le Reichstag, siège du Parlement. Sur les ruines de l’histoire, il pose une coupole de verre, ouverte au public. Le geste est politique autant qu’architectural : la démocratie doit être transparente. À Londres, il dessine le 30 St Mary Axe, surnommé le « Gherkin ». Cette tour ronde et élancée, à la fois futuriste et douce, devient un emblème de la capitale.
Au British Museum, il couvre la cour centrale d’une verrière légère qui unit passé et présent. En France, il imagine avec Michel Virlogeux le Viaduc de Millau, pont aérien qui défie la gravité. Enfin, en Californie, il collabore avec Apple pour créer l’Apple Park, un anneau de verre et d’acier où la technologie épouse la nature.
Reconnaissance et distinctions

La carrière de Foster se compose de toutes les distinctions majeures. En 1990, il est anobli par la reine Elizabeth II. En 1999, il reçoit le prix Pritzker, l’équivalent du Nobel d’architecture. Suivront le Praemium Imperiale et le Prix Princesse des Asturies. Ces honneurs, pourtant, ne l’éloignent jamais de sa vision initiale : penser des espaces qui élèvent la vie quotidienne.
Philosophie et engagement
L’obsession de Foster se résume en un mot : lumière. Chaque bâtiment cherche à capter, filtrer, réfléchir la clarté naturelle. Il refuse l’opacité, l’enfermement, l’oubli de l’humain. Il défend également une approche durable avant l’heure. Ses projets privilégient les matériaux efficaces, la ventilation naturelle, la modularité. L’écologie n’est pas un argument marketing, mais une nécessité structurelle. À travers ses réalisations, il répète que l’architecture n’est pas décor, mais outil de civilisation. Elle façonne le rapport des hommes à la communauté, au paysage, au temps.
La Norman Foster Foundation
En 2017, il fonde à Madrid la Norman Foster Foundation, dédiée à la recherche, à l’innovation et à la formation. L’objectif est clair : transmettre aux nouvelles générations un savoir qui ne sépare pas art, technologie et société. Ce lieu fonctionne comme un laboratoire interdisciplinaire, où se croisent architectes, ingénieurs, urbanistes et artistes. Pour Foster, l’avenir se construit dans la collaboration et non dans la spécialisation.
Héritage vivant
Aujourd’hui, Foster reste actif, supervisant les projets de son agence implantée dans le monde entier. Son héritage est déjà visible dans les skylines des grandes métropoles, dans les débats sur l’urbanisme, dans les écoles d’architecture.
Il a prouvé que l’audace technique peut être belle, que la modernité peut être humaine, que l’élégance peut être fonctionnelle. Ses œuvres ne sont pas seulement des bâtiments : ce sont des récits. Elles racontent l’histoire d’une société qui cherche la transparence, la fluidité, l’ouverture. À 89 ans, Norman Foster demeure le grand poète de l’architecture contemporaine. Ses bâtiments respirent la lumière, embrassent l’avenir et rappellent que l’innovation n’a de sens que si elle sert l’humain.