Artiste

Sterling Ruby

Sterling Ruby, né le 21 janvier 1972 sur une base militaire américaine en Allemagne, est un artiste contemporain prolifique. Il vit et travaille à Los Angeles. Son œuvre, multiforme, explore le désordre visuel et la marge sociale avec puissance.

Les débuts de Sterling Ruby

Sterling Ruby naît dans une famille mixte : un père américain et une mère néerlandaise. Il grandit dans une Pennsylvanie rurale, après une enfance urbanisée à Baltimore. Cette géographie hybride forge son imaginaire. Dès l’adolescence, il équilibre un emploi dans la construction avec ses premières expérimentations artistiques. Plus tard, il entre à la Pennsylvania College of Art & Design, où il fait ses débuts lyriques en arts plastiques. Par la suite, il obtient un BFA en 2002 à l’Art Institute of Chicago, puis un MFA à l’Art Center College of Design (Pasadena) en 2005. Ces étapes académiques nourrissent sa maîtrise technique et la diversité de ses médiums.

Une œuvre plurielle défiant les genres

Sterling Ruby travaille dans des médias variés : peinture, collage, céramique, sculpture, vidéo, textiles. Il abandonne fréquemment le conventionnel pour explorer l’intensité matérielle. Par exemple, sa série BC (Bleach Collage) superpose denim, toile, tissus usés, tissant un hommage aux patchworks. De même, ses collages EXHM (exhumation) assemblent morceaux de carton, photographies de tombes, blisters de médicaments, créant une archéologie personnelle. Il produit également des sculptures en bronze dont les soudures, visibles, portent une patine arc-en-ciel.

Dans ses peintures « SP », il utilise souvent des bombes aérosol. Les champs de couleur deviennent hallucinatoires, évoquent les murs tagués et les conflits urbains. Grâce à ces formats bruts, il interroge les notions de territoire, de contrôle visuel et de dégradation sociale.

Installations monumentales et expression du vécu

Ruby présente des installations volumineuses, souvent entassées, chaotiques. L’exposition « SUPERMAX 2008 », visible au MOCA de Los Angeles, confrontait architecture muséale et cellules carcérales. Il y déploie sculptures en urethane, formes géométriques en formica, collages vifs et figures textiles sanglantes. Le tout établit un lien direct entre esthétique violente et structures de pouvoir.

Dans une série intitulée Stoves, il construit des poêles monumentaux en fer, bronze ou acier. Il les expose parfois allumés lors des vernissages, évoquant sa jeunesse dans une ferme chauffée au bois. Ces œuvres nourrissent la mémoire collective et la dimension utilitaire de l’art.

Textiles, quilts et politique du vestimentaire

Les quilts de Sterling Ruby constituent une part importante de son travail. Il coud de grandes pièces textiles semblables à des drapeaux, aux motifs abstraits ou symboliques. Il réutilise les restes de denim blanchis et usés, puis les assemble en œuvres murales ou sculptures souples. Ces réalisations rappellent le travail amateur, l’économie de moyens, mais aussi une critique silencieuse de la consommation.

En outre, il lance S.R. STUDIO. LA. CA., une ligne de prêt-à-porter qui transpose ses codes artistiques. Il collabore avec Raf Simons et participe à Paris Fashion Week. Les vêtements reprennent spray, taches, denim effiloché : l’art devient à la fois portable et politique.

Ruby produit des vidéos puissantes, comme Transient Trilogy, où il filme des espaces marginaux. Il filme l’artiste, vagabondant dans un paysage incertain, créant avec des déchets des œuvres improvisées. Cette œuvre trace le passage entre marginalité et création poétique.

Dans STATE (2019), il montre des vues aériennes de prisons de Californie. Le montage alterne images militaires et catastrophe humaine, révélant la violence ordinaire et l’architecture punitive. Ainsi, la sculpture rencontre la dénonciation sociale.

Expositions, reconnaissance et collections

Sterling Ruby expose dans des musées internationaux : le MoCA de Los Angeles, le Whitney, le Guggenheim, le SFMOMA, le Centre Pompidou. Ses œuvres apparaissent aussi bien dans des expositions solo que dans des biennales mondiales.

En 2018-2019, une exposition dédiée à ses céramiques permet d’explorer un pan intime de sa création. Ces œuvres très texturées, aux glaçures épaisses et surfaces brûlées, évoquent un geste physique et viscéral. Ses pièces entrent dans des collections permanentes prestigieuses à travers le monde. Elles confirment la puissance émotionnelle et intellectuelle de son œuvre.

Sterling Ruby s’inspire de nombreux univers : graffitis urbains, culture punk, gangs, architecture carcérale, globalisation, déchets, masculinité violente et oppose ainsi la tradition minimaliste à une esthétique craquelée, coupée, salie.

Il mélange craft et haute culture, réalisme cru et abstraction séduisante. Ruby interroge les tensions entre ordre social et expression individuelle. Il explore aussi la vulnérabilité dans une esthétique subversive.

Vie à Los Angeles et travail quotidien

Installé à Los Angeles avec son atelier à Vernon, Sterling Ruby travaille quotidiennement. Il gère une équipe et mène plusieurs projets simultanément. L’artiste se décrit comme prolifique, ayant des rythmes de travail rigoureux. Cette organisation lui permet de traverser les disciplines sans perdre en intensité.

Héritage et perspective

L’artiste incarne un art qui résiste à l’épuisement visuel de notre époque. Il impose une esthétique conflictuelle, mais profondément humaine. Il démontre qu’un travail brut, multiforme, peut produire une beauté radicale. Son influence irrigue bien au-delà du monde de l’art, jusqu’à la mode et le discours social.

En mélangeant artisanat, architecture, vestimentaire et critique sociale, il reconstruit un vocabulaire plastique neuf. Il reste aujourd’hui une voix incontournable du contemporain, capable de questionner nos repères visuels, politiques et esthétiques.