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Alessandro Michele
Alessandro Michele, directeur créatif d’exception, a réinventé l’élégance contemporaine. À travers une esthétique éclatante et érudite, il a redonné une voix à la haute couture baroque et au romantisme flamboyant, d’abord chez Gucci, puis à partir de 2024 au sein de Valentino.

Les débuts de Alessandro Michele
Alessandro Michele naît en 1972 à Rome. Son père, technicien chez Alitalia, et sa mère, assistante dans l’univers cinématographique, l’initient très tôt à la beauté et à la narration. L’enfant explore les musées de la capitale italienne, découvre les fresques antiques, les objets sacrés et l’univers théâtral. L’art devient une seconde langue. Il étudie ensuite le design de mode à l’Accademia di Costume e di Moda, où il envisage un temps une carrière de scénographe. Ces influences nourrissent déjà son regard de créateur et forgent sa passion pour l’histoire de l’art et du costume.
Premiers pas dans la mode
En 1994, Michele débute chez Les Copains, maison italienne spécialisée dans la maille. Peu après, il entre chez Fendi, travaillant sous la direction de Karl Lagerfeld. Cette expérience lui permet d’affiner son approche des matières et du luxe. En 2002, Tom Ford le repère et le recrute chez Gucci à Londres. Il commence par dessiner des accessoires, domaine dans lequel il excelle rapidement. Sa capacité à transformer un sac ou une chaussure en objet narratif l’impose comme une valeur montante.
L’ascension chez Gucci
La progression est rapide. En 2006, il devient senior designer. En 2011, il est nommé associé directeur de la création sous la direction de Frida Giannini. Son univers commence à se dessiner : un goût pour le mélange des genres, une fascination pour les symboles, une passion pour les références érudites. Il conçoit des sacs, bijoux et objets où l’ornement n’est jamais gratuit mais porteur de sens. Peu à peu, son regard s’impose comme singulier dans un environnement encore dominé par le minimalisme.
La renaissance Gucci

En janvier 2015, Marco Bizzarri, nouveau PDG de Gucci, lui confie la direction créative. Michele a une semaine pour présenter un défilé masculin. Il impose immédiatement sa vision : chemisiers fluides, motifs floraux, références historiques et touches androgynes. Le choc est immense. Gucci se transforme. Le glamour sexy de l’ère Ford cède la place à une esthétique baroque, foisonnante et poétique. Les accessoires deviennent des talismans. Les sacs emblématiques, tel le Dionysus, s’inscrivent dans une mythologie contemporaine. Le logo double G est revisité, assumé comme un signe identitaire.
Un langage baroque et inclusif
Le style de Michele est qualifié de maximaliste. Il accumule les références, du Moyen Âge au punk, de l’antique au pop. Chaque collection devient une fresque culturelle. Les genres se brouillent, les silhouettes masculines s’ornent de dentelles, les robes féminines s’arment d’armures décoratives. L’inclusivité s’impose sans slogan : casting diversifié, fluidité des genres, ouverture à la différence. La mode n’est plus simple vêtement mais langage politique et poétique.
Collaborations et extensions culturelles
Sous son impulsion, Gucci devient une plateforme culturelle. En 2016, il rénove le musée de la maison à Florence, y intégrant un hommage à Tom Ford. En 2018, il collabore avec l’artiste Maurizio Cattelan pour l’exposition The Artist is Present à Shanghai. Il ouvre des espaces hybrides comme le Gucci Wooster Bookstore à New York, fusion de littérature et de mode. Michele agit en architecte culturel, étendant l’identité Gucci au-delà du vêtement.
Départ et nouveau chapitre chez Valentino
Fin 2022, après sept ans de règne, il quitte Gucci. En mars 2024, il est nommé directeur créatif de Valentino. Cette nomination est saluée comme un mariage naturel entre l’élégance romaine de la maison et l’exubérance érudite du créateur. Il cite Valentino Garavani et Giancarlo Giammetti comme des figures tutélaires. Sa première collection, présentée à Paris en septembre 2024, marque une étape clé : un défilé printemps-été 2025 conçu comme un dialogue entre mémoire et baroque. Installé au siège romain de la maison, Michele promet une renaissance de Valentino dans un esprit théâtral et érudit.
Récompenses et reconnaissance

L’ascension de Michele s’accompagne d’une pluie de distinctions. Entre 2015 et 2017, il reçoit le prix International Fashion Designer of the Year du British Fashion Council, un CFDA Award, ainsi qu’une place dans le Time 100. Il figure régulièrement dans les sélections du magazine GQ et dans le classement HB100 de Hypebeast. Ces récompenses confirment sa place de figure majeure de la mode contemporaine et son aura culturelle bien au-delà du luxe.
Héritage et influence
Alessandro Michele a profondément transformé Gucci. Il a imposé une vision où la mode devient narration, où le vêtement raconte une histoire collective. Il a démocratisé le baroque, fait de l’inclusivité un langage visuel et brouillé les frontières entre masculin et féminin. Son influence dépasse les podiums. Nombre de créateurs jeunes s’inspirent de sa liberté et de son érudition visuelle. À travers son esthétique foisonnante, il a replacé la mode au centre de la culture populaire tout en lui restituant une profondeur historique.
Aujourd’hui, son arrivée chez Valentino ouvre une nouvelle étape. Il entend conjuguer l’héritage aristocratique de la maison avec une vision plus radicale et baroque. Ses premiers pas montrent déjà la volonté d’installer une poétique théâtrale dans chaque silhouette. Alessandro Michele incarne un créateur total, un conteur d’images et un archéologue des signes, capable de transformer une maison de couture en récit vivant.