Créateur de mode

Haider Ackermann

Un souffle singulier parcourt la mode contemporaine. Haider Ackermann est un styliste français qui incarne ce mouvement. Héritage nomade, tailoring sensuel, haute couture et collaborations iconiques — Tom Ford, Canada Goose, Jean‑Paul Gaultier — tissent un récit esthétique fluide et vibrant.

Les débuts de Haider Ackermann

Haider Ackermann naît à Santa Fe de Bogotá en 1971. À neuf mois, il est adopté par une famille alsacienne. Le père est cartographe. L’enfant grandit en Éthiopie, en Algérie, en France, puis aux Pays‑Bas. Cette enfance itinérante forge un regard pluriel, curieux de l’autre. Très tôt, il observe les tenues féminines et s’émerveille. À treize ans, il découvre Yves Saint Laurent, une révélation fondatrice. Dès lors, son désir de créer devient obsession, une urgence intérieure presque viscérale.

En 1994, il rejoint l’Académie royale des beaux‑arts d’Anvers et effectue un stage chez John Galliano, puis devient assistant de Wim Neels. Par la suite, il collabore avec Bernhard Willhelm et Patrick Van Ommeslaeghe, avant de travailler pour Mayerline, où il affine son regard sur les coupes et les matières.

Affirmation d’une esthétique : rigueur, fluidité et poésie

En 2001, avec le soutien de Raf Simons, il lance sa propre marque. Il présente sa première collection à Paris. La critique est conquise. En 2002, Ruffo lui confie ses collections cuir. Cette reconnaissance précoce le propulse. En 2005, il s’installe à Paris et développe son studio avec le groupe BVBA 32.

Sa réputation grandit. En 2004, il reçoit le Swiss Textile Award. Puis, en 2012, Karl Lagerfeld lui remet le Fashion Group International Award. Certains le pressentent pour succéder à Galliano chez DiorLagerfeld lui-même le considère comme son héritier potentiel chez Chanel. En 2010, il conçoit une collection masculine pour le salon Pitti Uomo. Trois ans plus tard, il lance sa ligne homme. Ses pièces mêlent structure et sensualité. Son esthétique reste cohérente, précise et intransigeante. Jamais il ne cède aux sirènes de la mode jetable.

Berluti, Chalamet, et l’élégance engagée

En 2016, il devient directeur artistique de Berluti. Pendant deux ans, il y instille fluidité, poésie et rigueur. Le vestiaire masculin se fait alors plus sensuel, plus libre. Les coupes s’allongent, les matières gagnent en subtilité. C’est aussi à cette époque qu’il se rapproche de Timothée Chalamet. Ensemble, ils créent un hoodie au profit d’Afghanistan Libre, alliant style, conviction et fraternité esthétique.

Haute couture, collaborations audacieuses et nouveaux territoires

En janvier 2023, Haider Ackermann imagine la collection haute couture de Jean‑Paul Gaultier. Il y déploie une couture sculptée, expressive, intensément personnelle. Chaque pièce devient un manifeste visuel, précis et poétique à la fois. La presse salue une maîtrise absolue des volumes et un souffle nouveau. Parallèlement, il collabore avec Fila et Augustinus Bader, explorant de nouveaux supports de création, mêlant innovation technique et raffinement esthétique.

En 2024, il devient directeur créatif de Canada Goose. Il y transforme la parka fonctionnelle en objet de désir sculptural, alliant utilité et élégance graphique. La performance technique se pare alors d’une noblesse nouvelle, presque spirituelle. Chaque pièce incarne une tension entre protection et esthétique.

Ensuite, en septembre, il est nommé directeur créatif global de Tom Ford. Il prend en charge le prêt-à-porter, les accessoires, les lunettes et les lignes beauté. Sa première collection, présentée en mars 2025, était attendue comme un tournant stylistique. Cette présentation incarne le juste équilibre entre sensualité moderne, rigueur architecturale et héritage hollywoodien sublimé.

Une vision du vêtement comme langage du sensible

Haider Ackermann naît dans le tumulte mais crée dans le silence. Chaque pli, chaque coupe reflète une mémoire intime. Ainsi, le vêtement devient territoire d’émotions, terrain d’expérimentations, manifeste plastique. L’asymétrie n’est pas posture, mais équilibre mouvant. Très jeune, il perçoit que la beauté réside dans les contrastes. Ensuite, il façonne une couture tactile, épurée, sans compromis. Son esthétique est sans saison, sans effet. Elle parle à ceux qui écoutent entre les lignes.

Chez Berluti, il dessine une élégance feutrée, précise, presque féminine. Avec Chalamet, il fait du style un langage solidaire. Chez Gaultier, il révèle sa maîtrise absolue de la forme. Pour Canada Goose, il élève la fonction au rang de statement. Enfin, chez Tom Ford, il incarne une renaissance attendue, teintée d’ombre et de lumière. Mais plus encore, Haider Ackermann pense la mode comme une matière vivante. Elle s’adapte, elle résiste, elle s’abandonne parfois. Il ne crée pas pour l’instant mais pour l’intemporel.

Son langage est celui du silence qui vibre, des lignes qui flottent sans fléchir. Il ne cherche ni à provoquer, ni à plaire : il cherche à exprimer. Chaque vêtement est une confidence discrète, une pensée textile sur le corps et l’époque. Là où tant de créateurs construisent des narrations spectaculaires, lui bâtit des fictions intérieures.

Il n’a pas besoin d’éclats : il impose sa vision par la cohérence. Par la constance aussi, rare, dans un monde qui change vite. Son univers est une géométrie sensible, traversée par l’humain. Et c’est peut-être cela, justement, qui touche — cette façon de coudre l’émotion à la rigueur, le mystère à la matière. Il ne suit pas la mode : il y imprime une trace lente, persistante, essentielle.