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Qui se cache derrière les bijoux colorés Bangla Begum ?
À travers des accessoires (colliers, bagues et boucles d’oreille) à la fois ludiques et profonds, cela fait désormais six ans que la créatrice Fanny Boucher, fondatrice de la marque Bangla Begum partage avec le monde son univers créatif haut en couleurs. Passionnée et débordante de vie, elle témoigne pour Numéro de son parcours et raconte tout l’amour qu’elle porte à son métier.
Propos recueillis par Louise Menard.

Des créations entre rondeur et gaieté
Originaire de l’est de la France, la créatrice française Fanny Boucher fonde sa marque de bijoux Bangla Begum en 2019. Inspirée par l’Inde où elle a vécu dix ans et appréhendé l’art du bijou auprès des artisans bengalis, elle conçoit ses créations non seulement comme des ornements, mais surtout comme des talismans, porteurs d’une histoire profonde et d’un pouvoir intime.
Si la créatrice prend son travail très au sérieux, elle cultive aussi l’art du décalage et n’hésite pas à teinter certaines de ses pièces d’une touche d’humour. En témoigne sa bague en argent massif en forme de postérieur masculin, clin d’œil à la sculpture antique de Marcellus le Jeune, exposée au musée du Louvre.
Entre perles et métal, qu’elle rehausse parfois de strass, Fanny Boucher accorde une place essentielle à d’innombrables gri-gri et autres charms, aussi volumineux soient-ils. Porter une pièce Bangla Begum, c’est succomber à une vague de joie, à une sensualité assumée… C’est une protection contre le mauvais sort de la morosité. Rencontre.

Interview de la créatrice Fanny Boucher
Numéro : Qui êtes-vous ?
Fanny Boucher : Je suis la fondatrice de Bangla Begum, une marque de bijoux française à l’univers singulier.
Quel est votre premier souvenir lié aux bijoux ?
Quand j’étais petite, ma mère me laissait jouer avec ses bijoux en or, très classiques, que je finissais toujours par casser. Elle les apportait alors chez le bijoutier de la ville pour les faire réparer et celui-ci la sermonnait souvent. Ma mère lui répondait, imperturbable, que sa fille jouait avec ses bijoux et que c’était ainsi. J’étais notamment fascinée par sa bague de fiançailles, un “toi et moi” ancien que mon père tenait de sa grand-mère et qu’il avait fait transformer en solitaire. Un jour de pluie, il l’avait déposée chez un joaillier réputé de Nancy, en moto, et sa combinaison dégoulinante, qui contrastait avec la bague très raffinée qu’il déposait, avait effrayé le joaillier qui avait appelé la police. C’est une drôle d’anecdote. Heureusement, ma mère portait son solitaire tous les jours : je n’ai donc pas eu l’occasion de le casser.
Quel est le premier bijou que vous avez acheté ou reçu ? Le premier que vous avez créé ?
Mes premiers bijoux ont malheureusement disparu. La première bague que je me suis offerte, une tourmaline rose qui s’est brisée en mille morceaux une nuit alors que je la portais, n’existe plus. Quant à la montre Hermès de mes trente ans, une Médor vintage en vermeil, pour laquelle ma mère, ma tante et ma grand-mère s’étaient cotisées, a été volée dans un hôtel. Mon cœur se serre à chaque fois que j’y pense. Hélas, j’y pense souvent. C’est triste mais ça fait partie du destin des bijoux d’être perdus. Il faut l’accepter et s’assurer (rires). L’un des premiers bijoux que j’ai créés était un bracelet en or en sur lequel était gravée une citation d’un poète soufi. Et ma toute première création pour Bangla Begum, la bague Boob en argent massif, est encore aujourd’hui notre best-seller.
Une inspiration puisée dans un ailleurs très lointain
À quel moment de votre vie avez-vous décidé de faire carrière dans ce milieu et surtout pourquoi ?
Pendant longtemps j’ai eu l’impression que cette carrière m’avait davantage choisie que l’inverse. Et puis lorsque j’ai fondé Bangla Begum, j’ai compris que les bijoux étaient devenus mon medium. Comme d’autres racontent des histoires avec des mots ou de la musique, moi j’utilise les bijoux.
Pourriez-vous partager votre parcours en quelques mots ?
J’ai suivi un parcours scolaire très littéraire. Je viens d’une petite ville de l’est de la France, mes grands-parents maternels étaient d’origine italienne et polonaise et la famille de mon père vient des Vosges, à la frontière de l’Alsace. D’ailleurs mon nom de famille se prononce à l’allemande. J’ai toujours beaucoup dessiné et lu, mais plus que tout, je voulais partir loin, vraiment loin. Après un bac littéraire option théâtre, j’ai intégré une classe préparatoire dans un grand lycée parisien. Mais ma matière principale, la philosophie, me rendait malheureuse. J’ai réalisé trop tard que j’aimais les mots plus que les idées.
J’ai tout de même terminé mon cursus puis j’ai voyagé en Inde avec des amies. Elles sont reparties, mais moi, j’ai trouvé un travail et je suis restée. J’y ai vécu près de dix ans. Je travaillais pour des joailliers européens qui avaient besoin de quelqu’un sur place. C’est là-bas que j’ai pleinement découvert l’univers des bijoux, auprès d’artisans bengalis. J’ai commencé à concevoir mes propres pièces sur place, et avant de me lancer dans l’aventure Bangla Begum, qui me trottait déjà dans la tête, j’ai cofondé en France une startup de joaillerie qui m’a beaucoup appris. J’ai aussi compris à ce moment-là que j’avais deux facettes : la création et le business. J’aime les deux, ce qui, paraît-il, est assez rare.

Une parfaite maîtrise de l’univers du bijou
Comment est née l’envie de lancer votre marque ? Et pourquoi ce nom ?
Je connais très très bien l’univers du bijou, car je travaille dedans depuis plus de 15 ans et je ne voyais rien qui me ressemble. Je sentais qu’il manquait une marque qui parle aux artistes, aux écrivains. Et je trouvais que la façon dont on racontait les bijoux, essentiellement sous le prisme soit du lien amoureux soit de l’ornementation pure (de la femme uniquement bien sûr) méritait une petite révolution. J’avais envie de pièces qui racontent autre chose, d’autres liens, d’autres horizons, d’autres visages.
Pour le nom Bangla Begum, après des années à côtoyer l’univers des startups, j’en avais assez de tous ces storytellings de marques qui souvent s’avèrent construits de toutes pièces. J’ai voulu m’en éloigner, pousser la fiction encore plus loin et proposer à mon audience de l’emmener ailleurs, dans des contrées un peu plus ludiques, en imaginant un personnage fictif qui s’appelle Bangla Begum.
Quelles sont vos inspirations premières ?
C’est une question à laquelle il m’est toujours difficile de répondre. Mais l’une des choses qui caractérise ma marque c’est le mélange de l’ancien, de l’élégant et du kitsch, flirtant même parfois avec le mauvais goût. C’est dans ce contraste que je suis heureuse.
Comment décririez-vous le style de vos collections ?
On me dit tellement souvent que les bijoux Bangla Begum se remarquent, que mes clientes se font arrêter dans la rue quand elles les portent, que ce sont des pièces qu’on ne voit nulle par ailleurs, que j’ai fini par l’intégrer à mon discours et je décris maintenant mes créations comme étant remarquables. Et évidemment, j’aime beaucoup le double sens de ce terme.


Bangla Begum ou la muse imaginaire
Que voulez-vous transmettre à travers vos bijoux ?
J’essaie de transmettre un peu de mon monde intérieur.
Quelles sont les trois pièces qui vous tiennent le plus à cœur ?
La bague Boob, le collier Primavera et les boucles d’oreille Stromboli.
Depuis que vous avez lancé votre marque, avez-vous vécu un moment dont vous êtes particulièrement fière ?
À chaque fois que j’embauche quelqu’un en CDI, je suis fière. Et bien sûr, quand des artistes portent mes bijoux, je suis extrêmement fière que mon travail les touche. J’ai aussi été très émue quand le grand-père d’un ami, un matelot italien à la retraite qui vit dans le Sud de la France, lui a dit qu’il adorait ce que je faisais.

En tant qu’entrepreneuse, quel est le plus gros challenge auquel vous êtes confrontée ?
Bangla Begum est en croissance, et même en hypercroissance, donc les défis auxquels je suis confrontée, bien qu’ils semblent écrasants, reste pour moi galvanisants. Tout le monde sait qu’être entrepreneur est éprouvant. Pour ma part, mon plus gros challenge est que nous faisons presque tout différemment. C’est d’ailleurs ce qui explique notre succès. Mais cela signifie aussi que trouver les bons partenaires est bien plus difficile.
Si vous deviez inviter trois personnes à dîner, qui seraient-elles ?
L’écrivaine Marguerite Duras, le peintre italien Jacopo Pontormo et mon ami Giorgio Mastinu, qui a la plus belle galerie du monde.
Avez-vous une muse ?
Oui, Bangla Begum, ma meilleure amie imaginaire. J’ai sans cesse envie de créer pour cette femme.
Les bijoux Bangla Begum sont disponibles sur banglabegum.com.