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Niki de Saint-Phalle
Née en 1930 à Neuilly-sur-Seine, Niki de Saint Phalle grandit entre la France et les États-Unis.

Les débuts de Niki de Saint Phalle
Très tôt, elle refuse les conventions sociales, préférant l’instinct à la norme. Elle s’oriente d’abord vers le mannequinat, posant pour de grands magazines. Pourtant, elle trouve rapidement cette carrière superficielle et sans profondeur. La peinture devient alors une nécessité vitale, un moyen d’habiter son propre corps et de cicatriser ses blessures. Après une crise personnelle et un séjour en hôpital psychiatrique, elle se tourne vers l’art comme acte de survie et comme langage intime. Dès les années 1960, elle rejoint le Nouveau Réalisme aux côtés d’Yves Klein, Jean Tinguely et Arman. À travers cette adhésion, elle affirme sa volonté de transformer la matière en manifeste. Ainsi commence une trajectoire unique, entre violence symbolique et joie colorée, entre spontanéité radicale et recherche intérieure. Progressivement, elle impose une signature singulière : gestes brutaux, couleurs vives, collages démesurés. L’art, pour elle, ne relève plus du décoratif mais d’un cri, parfois strident, parfois lumineux.
Les tirs : une performance radicale
Au début des années 1960, Les Tirs de Niki de Saint Phalle bouleverse le monde de l’art. Ses tirs consistent à viser des poches de peinture fixées sur des assemblages en plâtre. En tirant avec une carabine, elle déclenche l’explosion des couleurs. Ces œuvres sont autant de l’art-performance visuel que des peintures. Elles dénoncent les structures patriarcales et religieuses, tout en libérant une énergie sauvage. Grâce à ces performances, elle s’impose comme figure centrale du Nouveau Réalisme. L’art devient geste, violence sublimée, joie chromatique.
Les Nanas : sculptures monumentales colorées

Dès 1965, les nanas de Niki de Saint Phalle apparaissent. Ces figures féminines, d’abord petites, grandissent jusqu’à devenir des nanas monumentales. Rondes, sensuelles, joyeuses, elles incarnent une féminité libérée. Avec elles, Niki de Saint Phalle célèbre la puissance des femmes. Ces œuvres colorées, souvent en résine ou polyester, s’exposent dans le monde entier. Certaines prennent une dimension architecturale. L’exemple le plus célèbre reste Hon, une femme géante installée au musée de Stockholm en 1966. Le public entrait par son sexe, transformé en entrée monumentale. Ainsi, l’artiste invente une architecture habitable artistique, à la fois ludique et provocatrice.
Le Jardin des Tarots : un rêve monumental
À partir des années 1970, Le jardin des tarots en Toscane devient son projet de vie. Inspirée par le parc de Gaudí à Barcelone, elle imagine un univers symbolique et spirituel. Situé à Capalbio, en Toscane, le Jardin des Tarots est ainsi peuplé de sculptures géantes représentant les arcanes majeurs. Les tarots prennent forme en mosaïques étincelantes, miroirs et céramiques. L’artiste vit même dans l’une de ses créations, la sculpture de l’Impératrice. Ce projet illustre son ambition de créer un monde total. Grâce à lui, elle transforme le jeu divinatoire en sculptures monumentales colorées et en philosophie visuelle. Le jardin devient une utopie, un lieu d’art total et habité.
L’art féministe et engagé
Tout au long de sa carrière, Niki de Saint Phalle et son art féministe s’affirme comme central. Ses œuvres dénoncent donc la place imposée aux femmes dans la société. Les nanas sont à la fois ironiques et triomphantes. Ses tirs révèlent une colère transformée en création. Elle aborde également les questions de sexualité, de maternité et de pouvoir. Par ailleurs, son œuvre dialogue avec les revendications du queer art feminist, explorant l’identité et la liberté de genre. Elle ne craint pas de mêler provocation et spiritualité. Ainsi, son art s’impose comme un manifeste joyeux et combatif.
Une esthétique entre jeu et gravité
Chez Niki de Saint Phalle, le jeu n’exclut jamais la gravité. Ses œuvres semblent légères, colorées, enfantines. Pourtant, elles portent une dimension politique forte. Derrière les couleurs vives se cachent des blessures profondes. Elle évoque la violence patriarcale, le poids des traditions et les traumatismes personnels. L’artiste transforme son vécu en énergie créatrice. Elle offre un univers accessible à tous, sans élitisme et incarne une figure d’art engagé féministe, où le plaisir des formes se combine à une conscience critique.
Niki de Saint Phalle et l’art total
Avec le Jardin des Tarots, les nanas géantes ou les performances de tirs, l’artiste dépasse sans cesse les catégories. Elle invente un langage où peinture, sculpture, architecture et performance s’entrelacent. Elle prouve que l’art peut devenir un monde. Ses créations habitables illustrent la volonté d’intégrer la vie dans l’œuvre. Dès lors, elle rejoint la lignée des utopistes modernes. Elle imagine une société où l’art relie les individus. Son univers démontre qu’une sculpture peut devenir un lieu de vie, une maison, une utopie.
La mémoire et la transmission de son travail
En 2024, la figure d’Niki de Saint Phalle a été ravivée par le cinéma grâce au biopic réalisé par Céline Sallette, avec Charlotte Le Bon dans le rôle de l’artiste. Sorti le 9 octobre 2024, le film explore la part intime et tourmentée de sa vie, depuis ses blessures jusqu’à sa quête d’émancipation à travers l’art. Ce portrait cinématographique éclaire d’un jour nouveau la force créatrice de Niki, en révélant la femme derrière l’icône, fragile et insoumise à la fois.
Héritage et modernité
Aujourd’hui, Niki de Saint Phalle reste une figure majeure de l’avant-garde. Ses œuvres s’exposent dans les musées du monde entier. Le Jardin des Tarots attire ainsi des milliers de visiteurs chaque année. Ses nanas géantes ornent les places publiques, joyeuses et imposantes. Son travail résonne avec les luttes féministes actuelles. Elle a prouvé que l’art pouvait être à la fois populaire et radical. Ainsi, elle occupe une place unique dans l’histoire de l’art contemporain. Elle a fait exploser les limites entre jeu et politique. Son œuvre demeure donc un manifeste de liberté et de couleur.