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18 août 2025

Le Museum of Broken Relationships, rendez-vous des cœurs brisés

Tout l’été, Numéro revient sur les musées les plus insolites inaugurés à travers le monde et les époques. Troisième étape : le Museum of Broken Relationships – une sorte de centre d’archives public des amours brisées.

  • Par Éric Troncy.

  • Un lapin en peluche à l’origine du musée

    Lorsque la productrice de films Olinka Vištica (née en 1969), et le sculpteur Dražen Grubišic mirent un terme définitif à leur relation amoureuse de quatre années, en 2003, la question de la propriété de leur lapin en peluche s’imposa. De n’importe quel lapin en peluche, il était devenu en quatre années “leur” lapin en peluche, et sa destination, désormais, n’était pas claire.

    Les ex-amants croates résolurent le problème trois ans plus tard : ils créèrent un musée. L’opération, il est vrai, se banalise, et ouvrir un musée semble aujourd’hui la réponse à tout un tas de questions, aussi est-il au fond assez réjouissant que le même mot, qui désigne un même bâtiment, abrite, dans certains cas, des chefs-d’œuvre de Léonard de Vinci, et dans d’autres, des boîtes de camembert.

    [C’est] une sorte de centre d’archives public des amours brisées” – Olinka Vištica.

    Celui dont il est ici question est, c’est sa singularité, consacré aux “broken relationships” — un thème à la fois universel et populaire –, et donc aux objets que les relations amoureuses terminées n’ont pas su reloger. “Chacun d’entre eux s’impose comme le témoin muet d’époques meilleures et plus heureuses, témoin silencieux, mais chargé de sens. Même l’objet le plus banal a une histoire à raconter”, commente Vištica, pour qui il s’agit de “créer un espace métaphorique où l’on enverrait des objets après une séparation, une sorte de centre d’archives public des amours brisées. De quoi mettre fin à une union pour passer à autre chose, tout en protégeant sa mémoire. Comme pour garantir que cet amour a existé”. Parce qu’“il n’y a pas de futur sans passé”.

    Moyennant quoi, voisinent aujourd’hui dans un musée sur la terre une cafetière, un parachute, une hache, un test de grossesse positif, des menottes, des dreadlocks… totalisant aujourd’hui plus de 3500 objets. La constitution de la collection initiale fut aisée : les ex-amants commencèrent par demander à des amis proches de leur confier un objet témoignant âprement de leur relation amoureuse terminée. La collection s’enrichit, désormais, en vertu d’un choix méticuleux exercé parmi les objets envoyés de la plupart des pays du monde – un choix qui repose à la fois sur l’objet et l’histoire qui l’accompagne –, car il s’agit aussi pour le visiteur d’accéder aux profondeurs de la narration.

    Parachute, hache, menottes… La collection du Museum of Brocken Relationships

    Ainsi, le parachute conduit à l’histoire de sa donatrice, une Finlandaise dont le compagnon périt lors d’un saut. La hache, quant à elle, fut léguée au musée par une jeune femme trompée, qui réduisit, avec cet objet même, les meubles de son compagnon adultère en pièce. S’il est aujourd’hui logé dans un ancien palais du 17e siècle à Zagreb, le Museum of Broken Relationships commença son épopée de manière itinérante.

    Sa première apparition, en 2006, à la glyptothèque de Zagreb, fut suivie par une succession d’étapes en Allemagne, Bosnie, Turquie, Grande-Bretagne, Slovénie, aux États-Unis… L’idée de sédentariser le musée n’ayant pas franchement convaincu le ministère de la Culture croate, Vištica et Grubišic firent donc l’acquisition d’un espace de 300 m2 à Zagreb, inauguré le 5 octobre 2010.

    Un an après son ouverture, le musée gagna le Kenneth Hudson Award dans la compétition du European Museum of the Year. Un prix couronnant “un musée, une personne, un projet ou un collectif à l’origine du projet le plus surprenant, audacieux, éventuellement même polémique, questionnant la perception habituelle du rôle des musées dans la société.

    Museum of Broken Relationships, Ćirilometodska ul. 2, 10000, Zagreb, Croatie.