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Daniel Roseberry
Originaire du Texas, Daniel Roseberry ne semblait pas destiné à révolutionner la couture parisienne. Né en 1985 à Plano, une ville tranquille près de Dallas, il grandit dans un univers bien éloigné de la mode. Pourtant, dès l’enfance, il dessine sans relâche. Fasciné par les costumes religieux et les illustrations de mode, il développe très tôt un imaginaire visuel singulier

Les débuts de Daniel Roseberry

Alors que beaucoup d’enfants rêvent de cinéma ou de musique, Daniel Roseberry, lui, imagine des robes et des silhouettes. Très tôt, il ressent une fascination presque religieuse pour les vêtements. En effet, ses premières influences se nourrissent tout autant des chants puissants des églises baptistes du Texas que des images féeriques des défilés de haute couture. Ainsi, dès l’adolescence, il nourrit une vision où le sacré et le spectaculaire ne font qu’un.
En 2001, il quitte le Texas pour rejoindre New York, résolu à transformer cette passion en métier. Dès son arrivée, il intègre la prestigieuse Fashion Institute of Technology, où il développe une maîtrise technique et une culture mode aiguisée. Par conséquent, cette formation devient le socle de son langage esthétique. Toutefois, c’est bien sur le terrain, au contact des maisons, que son identité artistique va véritablement s’affirmer.
Le tremplin Thom Browne
En 2008, Daniel Roseberry entre dans l’univers rigoureux de Thom Browne. Il y reste plus de dix ans. Non seulement il y apprend la discipline extrême, mais il y découvre également les rouages subtils de la création contemporaine. À ses débuts, il se consacre principalement à la ligne masculine. Cependant, grâce à son regard affûté et à sa sensibilité, il prend très vite en charge la ligne féminine.
Ainsi, il s’impose comme une figure-clé de la maison. Il développe un style à la fois radical et raffiné, mêlant le tailoring strict à une excentricité savamment dosée. Chez Thom Browne, il apprend à raconter une histoire à travers chaque vêtement. De plus, il comprend que le détail peut devenir narration, que la coupe peut être concept. En parallèle, il s’initie à l’art du show, au pouvoir du rituel, à la dramaturgie textile.
Ce passage, loin d’être anecdotique, s’avère fondateur. Grâce à cette immersion, il affine ses intuitions premières, les confronte à l’exigence et construit un vocabulaire visuel singulier, à la fois théâtral et précis, émotionnel et architecturé.
Une nomination spectaculaire chez Schiaparelli
En 2019, un appel inattendu bouleverse sa trajectoire. La maison Schiaparelli, alors propriété du groupe Tod’s, cherche un nouveau directeur artistique. Bien qu’inconnu du grand public et non francophone, Daniel Roseberry est choisi pour succéder à Bertrand Guyon. Ce choix, audacieux, fait immédiatement réagir le milieu.
Pourtant, sa vision séduit. Il ne promet pas une simple continuité. Au contraire, il veut faire de Schiaparelli un espace de rêve, d’excès et de liberté. Dès sa première collection, il surprend. Il dessine en direct depuis un banc du jardin des Tuileries, sous les regards curieux des journalistes. Cette mise en scène marque les esprits et annonce une couture vivante, personnelle, sans compromis.
Réinterpréter l’héritage surréaliste

Plutôt que de copier Elsa Schiaparelli, Daniel Roseberry choisit de l’interpréter. En effet, il s’approprie l’esprit surréaliste de la fondatrice, ses alliances avec les artistes, sa verve irrévérencieuse. Toutefois, il y injecte sa propre énergie texane, son goût pour le sacré, et une flamboyance baroque qui lui est propre.
Ainsi, chaque collection devient un manifeste. Il joue avec les trompe-l’œil, les bustiers dorés, les bijoux totémiques. Par ailleurs, il détourne les corsets, sculpte les silhouettes, reconfigure les volumes. De ce fait, la maison, jadis perçue comme en sommeil, retrouve une aura novatrice. Non seulement elle se distingue par sa virtuosité technique, mais elle fascine également par sa symbolique.
Des pièces iconiques et virales

Rapidement, certaines de ses créations deviennent virales. Aux Golden Globes 2021, Lady Gaga, Beyoncé, puis Zendaya arborent des pièces signées Schiaparelli. En 2023, Doja Cat provoque une onde de choc à Paris, couverte de 30 000 cristaux rouges.
Ces images, relayées sur tous les réseaux sociaux, replacent la maison au centre des conversations. Ainsi, elle rejoint les géants comme Balenciaga ou Maison Margiela. Chaque apparition devient un phénomène. Chaque robe soulève débats, émotions, controverses. Daniel Roseberry, loin d’esquiver cette tension, l’embrasse pleinement. De surcroît, il revendique un pouvoir d’icône. Il affirme vouloir créer des objets d’art, pas des produits standardisés.
Une vision contemporaine de la couture
Même si ses pièces impressionnent par leur ampleur, Daniel Roseberry reste profondément fidèle aux valeurs fondatrices de la haute couture. Il valorise les broderies faites main, les tissus rares, la patience du geste. Toutefois, il refuse l’ennui du convenu. À l’inverse, il préfère l’éblouissement d’un contraste, l’éveil d’un imaginaire, à la répétition paresseuse.
De surcroît, il conçoit ses défilés comme des récits. Il convoque des mythes, des figures religieuses, des références antiques. Certains modèles rappellent des statues grecques. D’autres semblent surgir d’un reliquaire gothique. Ainsi, il brouille les frontières entre couture, performance et sculpture.
Une maison redevenue désirable
Sous sa direction, Schiaparelli connaît une renaissance spectaculaire. Les commandes affluent. Les stars accourent. Les chiffres s’envolent. Pourtant, l’essentiel est ailleurs. En effet, l’image de la maison change profondément. Elle devient un emblème de liberté, d’intelligence et de beauté radicale.
Dès lors, Schiaparelli attire une génération avide d’enchantement, curieuse de magie. Grâce à Daniel Roseberry, la maison redevient ce qu’elle fut sous Elsa : un atelier d’émotions et de formes nouvelles.
Un créateur singulier
Contrairement à beaucoup de ses contemporains, il ne cherche ni le buzz permanent, ni la dilution dans des collaborations commerciales. À l’inverse, il se concentre sur son rôle premier : créer. Il prend le temps de penser chaque coupe. Il explore le sens d’un pli. Il sculpte les émotions dans la matière.
En même temps, il reste en prise avec son époque. Il comprend la force des réseaux sociaux, l’impact d’une image, le pouvoir du récit. Cependant, il ne se laisse jamais absorber. Par conséquent, il préserve un territoire intime de création pure, où la foi dans le vêtement reste intacte.
Une inspiration pour demain
Aujourd’hui, Daniel Roseberry incarne une nouvelle génération de créateurs. Moins obsédée par les chiffres. Plus attentive à la vérité du geste. Il démontre qu’un parcours atypique, sans détour par les grandes maisons françaises, peut mener au sommet.
Son parcours encourage d’autres jeunes stylistes à affirmer leur voix. Il prouve que la sincérité peut être spectaculaire. Que l’artisanat peut dialoguer avec l’absolu. Que la mode peut encore toucher au mystique.
En somme, il ne relance pas seulement une maison. Il redonne à la couture un souffle artistique, visuel et presque mystique. En 2025, il ne fait plus simplement de la mode : il en èlève la forme jusqu’au vertige.