9 juil 2025

Rencontres d’Arles : de Nan Goldin à Yves Saint Laurent, les expos à ne pas manquer

Cette semaine, l’incontournable festival de photographie Les Rencontres d’Arles donne le coup d’envoi de sa nouvelle édition “Images indociles”, tenue jusqu’au 5 octobre. De Nan Goldin à Yves Saint Laurent, en passant par les scènes brésiliennes et la création émergente, tour d’horizon des expositions à ne pas manquer dans la ville provençale.

  • Par Matthieu Jacquet.

  • Nan Goldin : une légende de la photographie sacrée aux Rencontres d’Arles

    Légende de la photographie, l’Américaine Nan Goldin dévoile cet été aux Rencontres d’Arles une installation mêlant images de chefs-d’œuvre de l’art classique et portraits de ses proches. Célèbre pour ses photographies intimes qui déconstruisent les stéréotypes et renouvellent la représentation des femmes, des marges et du désir, l’Américaine fait dialoguer avec brio vingt ans de clichés des musées du monde entier et de membres de son entourage élevés au rang de figures mythologiques.

    Récemment applaudie pour son film poignant Toute la beauté et le sang versé, l’immense artiste reçoit ce mardi 8 juillet le prix Women In Motion, initiative du groupe Kering pour mettre en lumière le talent des femmes dans la création artistique.

    “Nan Goldin. Syndrome de Stendhal”, église Saint-Blaise.

    Au Brésil, une nouvelle génération d’artistes affronte son passé

    Déroulée tout au long de cette année, la saison Brésil-France foisonne d’événements (expositions, concerts, rencontres) pour célébrer le vaste pays sud-américain et sa culture aux quatre coins de l’Hexagone. Les Rencontres d’Arles s’aligne sur cette riche actualité en mettant notamment en avant la jeune scène brésilienne dans le monde des arts visuels, comme le festival avait pu le faire précédemment avec des focus sur les photographes nordiques ou japonaises.

    Plus particulièrement, l’exposition “Futurs ancestraux” montre comment une nouvelle génération d’artistes n’hésite pas à affronter son passé en se réappropriant l’histoire et les traditions de son pays à la lumière de préoccupations contemporaines – réflexions sur le colonialisme, le racisme, le féminisme. À l’instar de Celia Tupinambá, et sa quête inlassable pour la restitution des capes sacrées aux peuples indigènes, et Paulo Nazareth et ses autoportraits engagés réalisés au gré de ses longues marches dans le pays, nourris par ses nombreuses rencontres.

    “Futurs ancestraux. Scène contemporaine brésilienne”, église des Trinitaires.

    Yves Saint Laurent : un maître de l’image

    Si Yves Saint Laurent (1936-2008) est entré dans la légende, c’est bien sûr grâce à ses talents de couturier exceptionnels, mais aussi grâce à son image, abondamment relayée dans le monde entier. S’imposant comme l’un des créateurs stars de la seconde moitié du 20e siècle, le Français a fait appel à de nombreux photographes, d’Irving Penn à Patrick Demarchelier en passant par Jeanloup Sieff, pour tirer son portrait à travers des clichés devenus emblématiques.

    Un riche corpus visuel réuni à la Mécanique générale dans une exposition qui retrace également l’histoire de sa maison créée en 1961 à travers ses images phares, entre campagnes publicitaires signées Peter Knapp et Jean-Paul Goude, photographies de défilés et autres archives personnelles. 

    “Yves Saint Laurent et la photographie”, La Mécanique générale.

    Brandon Gercara : quand l’art rencontre l’activisme sur l’île de la Réunion

    Un spectacle de drag-queen au sommet du Piton de la Fournaise ? En 2022, Brandon Gercara organise ce happening surprenant, amenant – littéralement – le monde queer de la nuit dans le paysage désert et rocailleux du volcan le plus célèbre de l’île de la Réunion, en plein jour. Sur cette scène ouverte à tous, l’artiste vêtu d’un costume et d’une perruque flamboyants déclame un poème aux airs de manifeste “à nous-mêmes, créoles queer”, clamant leur légitimité à exister en tant que tels dans une société encore traversée par le racisme et l’homophobie.

    À la Maison des peintres, l’exposition personnelle de l’artiste repéré au Salon de Montrouge il y a trois ans, et exposé au Nouveau Printemps il y a quelques semaines, permet de parcourir une production indissociable de son engagement sur le terrain. À travers vidéos, photographies, performances mais aussi activisme, Brandon Gercara utilise son propre corps et la magie du travestissement pour démonter les stéréotypes coloniaux et de genre, tout en célébrant des identités plurielles.

    “Brandon Gercara. Du magma dans l’océan”, maison des Peintres.

    Louis Stettner : les mutations de la société des deux côtés de l’Atlantique

    Habitué à accueillir les rétrospectives de photographes historiques, l’Espace Van Gogh honore cet été le travail de Louis Stettner (1922-2016). De la fin de la Seconde Guerre Mondiale à la fin de sa vie, l’Américain n’aura cessé de capturer les mutations de la société et des paysages des États-Unis et de la France à l’heure des Trente Glorieuses et de la mondialisation, arpentant les rues de Brooklyn comme celles d’Aubervilliers.

    Photographe de la vie urbaine mais aussi des “invisibles” – sans-abris – des deux côtés de l’Atlantique, ce protégé d’Alfred Stieglitz et proche de Brassaï a produit sur huit décennies. Une œuvre dense que cette monographie parcourt à travers une centaine de photographies et de nombreux tirages d’époque, dont sa série emblématique Penn Station sur la gare new-yorkaise du même nom.

    “Le monde de Louis Stettner (1922-2016)”, espace Van Gogh.

    La photographie moderniste brésilienne

    Ils étaient ingénieurs, biologistes ou banquiers la semaine… et sur leur temps libre, photographes en amateur. À partir de 1939, les membres du Foto Cine Clube Bandeirante (FCCB) de Sao Paulo commencent à poser sur leur métropole, et plus globalement sur le Brésil, un regard affûté qui témoigne de leurs transformations majeures au début du 20e siècle.

    Des vues de la ville, de ses architectures et de ses nouveaux véhicules, par José Yalenti et Chico Albuquerque, aux photographies botaniques de Gertrudes Altschul, où la faune locale devient prétexte à de véritables expérimentations formelles, leurs clichés façonnent une photographie moderniste brésilienne. Aux Rencontres d’Arles, l’exposition “Construction déconstruction reconstruction” explore cette production visuelle, en montrant combien celle-ci s’imprègne des grands mouvements artistiques de l’époque, à l’instar du néo-concrétisme et du Cinema Novo. 

    “Construction déconstruction reconstruction. Photographie moderniste brésilienne (1939-1964)”, La Mécanique générale.

    Le meilleur de la photographie émergente avec le Prix Découverte Fondation Louis Roederer

    Tremplin pour la photographie émergente, le Prix Découverte de la Fondation Louis Roederer s’est imposée en rendez-vous incontournable des Rencontres d’Arles depuis qu’il y a intégré la programmation officielle en 2021. Chaque année, la fondation invite à découvrir pendant le festival les projets d’artistes du monde entier au sein d’une exposition orchestrée par un commissaire invité.

    Pour cette nouvelle édition, c’est au tour de César González-Aguirre de présenter les travaux des sept finalistes, autour d’un fil rouge : la remise en question des discours dominants et la célébration du doute. On y découvre aussi bien les collages de Heba Khalifa, interrogeant la place des femmes dans la société ultra religieuse du Caire, les voyages sous ayahuasca de Musuk Nolte dans les communautés indigènes d’Amazonie, que l’immersion chez les jeunes militaires de la Légion étrangère avec Julie Joubert. Comme de coutume, au moins deux lauréats seront distingués parmi cette sélection : un par le jury, et un par le public.

    Prix Découverte 2025 Fondation Louis Roederer : “L’Assemblée de ceux qui doutent”, espace Monoprix.

    Les Rencontres de la photographie 2025 : “Images indociles”, festival du 7 juillet au 5 octobre 2025, Arles.