Créateur de mode

Pierpaolo Piccioli

le 29 août 1967 à Rome, Pierpaolo Piccioli na cessé de tisser des ponts entre rigueur et émotion. Après des études de littérature, il se forme à lIstituto Europeo di Design, ce qui le mène rapidement chez Fendi. Là, il débute sur les accessoires, tout en développant un langage visuel personnel. 

Publié le 20 juin 2025. Modifié le 28 juillet 2025.

Les débuts de Pierpaolo Piccioli

En 1999, Pierpaolo Piccioli est engagé par la maison Valentino et y dirige le secteur des accessoires, aux côtés de Maria Grazia Chiuri, avec qui il formera un tandem créatif d’une rare complémentarité. Très vite, il se distingue par une vision singulière, capable de conjuguer l’héritage couture de Valentino Garavani à une esthétique plus contemporaine. Il insuffle aux accessoires un nouveau souffle, entre rigueur artisanale et poésie visuelle. Les sacs, chaussures et détails deviennent alors des objets de désir, des fragments narratifs au service d’un récit plus vaste.

Sous son impulsion, la maison s’éloigne progressivement du classicisme figé pour épouser une forme de romantisme audacieux, souvent teinté de mélancolie ou de spiritualité. La dentelle devient manifeste, le rouge iconique s’assombrit ou s’électrise, et les silhouettes prennent une ampleur dramatique. Pierpaolo Piccioli travaille les contrastes avec précision : volume et épure, tradition et subversion, faste et fragilité. Dès 2008, il codirige la maison avec Maria Grazia Chiuri, amorçant un tournant créatif décisif. Ensemble, ils posent les jalons d’un renouveau sensible et politique, attentif aux émotions autant qu’à l’image.

Lorsqu’il reprend seul les rênes de Valentino en 2016, après le départ de Chiuri chez Dior, Piccioli confirme sa capacité à conjuguer modernité radicale et fidélité aux racines de la maison. Plus qu’un directeur artistique, il devient conteur de silhouettes. Sa mode ne cherche pas la séduction immédiate : elle interroge, bouleverse, élève. À travers chaque collection, il impose une élégance intellectuelle, douce et résistante, profondément ancrée dans le présent.

Une esthétique sensible et politique


Chez Valentino, il transforme l’image de la haute couture. Plutôt que de s’en tenir à une beauté figée, il revendique une pluralité de corps, d’origines et de récits. Ses silhouettes déploient une élégance douce, inclusive, qui embrasse le réel sans jamais renoncer au rêve. Chaque défilé devient un manifeste de tolérance, une ode à la différence. Il collabore avec des figures engagées comme ZendayaFlorence Pugh ou Adwoa Aboah, et introduit un souffle pop et politique dans l’univers parfois trop feutré du luxe. En repensant les codes chromatiques avec le Pink PP, il impose une signature visuelle audacieuse et subtile à la fois — entre sensualité moderne et puissance expressive.

Un départ symbolique, une nomination très attendue

En mars 2024, après vingt-cinq ans au sein de Valentino, il quitte la maison. Ce départ, tout sauf anodin, marque la fin d’un cycle fécond. En coulisses, son silence intrigue. Puis, en mai 2025, Balenciaga annonce officiellement sa nomination comme directeur artistique. Dès lors, le monde de la mode retient son souffle. Face à l’esthétique provocatrice de Demna, son prédécesseur, Piccioli promet un retour au geste, au textile, à l’humain. Plus qu’un changement de direction, il incarne une rupture d’intention. Là où la mode s’était faite slogan, il souhaite rétablir la poésie du vêtement.

Une vision à contre-courant du luxe contemporain


Contrairement à une certaine spectacularisation du vêtement, Pierpaolo Piccioli valorise la lenteur, la justesse et le récit. Il conçoit la mode comme un langage, un espace de nuances plus que de slogans. Dès son arrivée chez Balenciaga, il affirme sa volonté de redonner du sens à l’iconographie de la maison, tout en poursuivant un dialogue critique avec l’époque. Il ne s’agit pas de pasticher l’héritage de Cristóbal Balenciaga, mais d’en raviver la rigueur et la modernité radicale à travers une pensée contemporaine. Piccioli annonce vouloir croiser archives, artisanat et réflexion politique— une ligne fidèle à sa démarche, patiente et poétique.

Un parcours récompensé, une humilité constante

Lauréat du CFDA International Award en 2020, du prix Designer of the Year en 2018 et en 2022, il reçoit les honneurs de l’industrie sans jamais sacrifier sa réserve. Il continue de vivre à Nettuno, ville côtière et solaire, loin du tumulte des capitales de la mode. Ce choix n’est pas anodin : il revendique un ancrage méditatif, presque spirituel, au contact de la nature et des siens. Entouré de Simona, son épouse depuis toujours, et de leurs trois enfants, il incarne une autre idée du créateur : moins stratège que poète, moins publicitaire que penseur.

2025 : l’année d’un tournant

Avec sa nomination chez Balenciaga, il entre dans une phase nouvelle, plus introspective encore. Il ne cherche pas à faire du bruit, mais à transmettre une émotion durable. Il propose une mode qui pense, qui relie et qui apaise. Tandis que le monde accélère, il ralentit. Tandis que certains crient, il sculpte le silence. Ses silhouettes deviennent des refuges. Chaque couture, une déclaration implicite. Chaque collection, une méditation sur le geste, le volume, la présence. Il réconcilie la matière et l’âme, la technique et l’émotion. Ainsi, Pierpaolo Piccioli s’impose comme le créateur d’une mode du futur : sincère, vibrante, essentielle. Une mode où la beauté réside dans l’intention, non dans l’effet. Une mode qui chuchote, mais qui laisse une empreinte profonde.