Rencontre avec Angelina Woreth, héroïne charismatique de Leurs enfants après eux
Quelques semaines après le succès tonitruant du film L’Amour ouf au cinéma, un autre long-métrage français et romantique très attendu fait son arrivée dans les salles obscures ce mercredi 4 novembre 2024. Dans Leurs enfants après eux, brillante fresque sur les premières émois de l’adolescence adaptée du prix Goncourt de Nicolas Mathieu, l’actrice Angelina Woreth crève l’écran aux côtés d’un casting musclé (Paul Kircher, Ludivine Saigner, Gilles Lellouche). Rencontre.
propos recueillis par Nathan Merchadier.
Angelina Woreth, révélation magnétique de l’année 2024
Après avoir marqué les esprits dans Les Rascals (2023), où son incarnation subtile d’une adolescente d’extrême droite a séduit critiques de cinéma et spectateurs, Angelina Woreth continue de tracer sa route dans le paysage du cinéma français.
En suivant les pas de son père, scénariste et réalisateur, l’actrice parisienne de 24 ans impressionne à l’écran dans Leurs enfants après eux, une adaptation audacieuse du prix Goncourt de Nicolas Mathieu par les frères Boukherma, en salles ce mercredi 4 décembre 2024.
Dans ce récit poignant qui dépeint avec tendresse les premiers émois de l’adolescence, elle incarne avec fougue Stephanie, la fille d’un notable un peu perdue qui fait chavirer le cœur d’Anthony, un fils d’ouvrier brillamment incarné par Paul Kircher.
Au gré de ballades à moto dans une Lorraine sinistrée suite à l’extinction des hauts-fourneaux à la fin des années 90, les réalisateurs à l’origine de la comédie horrifique Teddy (2020) réussissent le pari de capturer ce moment charnière au cours duquel des jeunes gens à fleur de peau naviguent à vue, sans trop de repères. Rencontre avec une étoile montante du cinéma, prête à embrasser à l’écran toutes les émotions, sans aucun compromis.
L’interview d’Angelina Woreth, actrice du film Leurs enfants après eux
Numéro : Le film Leurs enfants après eux est adapté du prix Goncourt de Nicolas Mathieu. Quelle a été votre réaction en découvrant pour la première fois cet ouvrage ?
Angelina Woreth : J’ai découvert le récit de Nicolas Mathieu à sa sortie en 2018 car on me l’avait offert mais j’ai surtout été bouleversée par le livre quand je l’ai relu pour travailler sur le film. Très rapidement, j’ai vu des images et le potentiel du long-métrage. Et j’ai aimé que les personnages ne soient pas traités de manière moralisatrice.
Comment décririez-vous le personnage de Stéphanie que vous interprétez ?
C’est une jeune femme qui vit un moment de bascule entre l’adolescence et l’âge adulte. C’est aussi le personnage le mieux né de l’histoire et qui ressent paradoxalement un immense complexe de classe. Elle possède une grande ambition qui va la pousser à s’extraire de sa condition pour ne pas reproduire la vie de ses parents et échapper au déterminisme social. C’est aussi un personnage qui doute, comme n’importe quelle jeune fille de cet âge-là. Elle est très sensible et va découvrir le désir, l’amour mais aussi vivre une immense désillusion en arrivant à Paris et en se rendant compte que finalement, parfois, le destin nous colle à la peau. Elle découvre enfin que pour échapper à ce destin, il faut vraiment en vouloir…
Dans le film, vous faites équipe avec Paul Kircher. Comment s’est passée votre rencontre ?
J’avais regardé Le Lycéen avant de passer le casting donc j’admirais déjà Paul et il y a tout de suite eu une belle alchimie entre nous. Nous étions assez complices et je trouve que dans le film, le rapport de force qui se crée entre Stéphanie et le personnage d’Anthony est très intéressant. Paul est un acteur assez imprévisible qui a quelque chose de l’enfant et en même temps du vieil homme. Il est vraiment entre les deux et on ne sait jamais trop ce qu’il va faire.
“Ça me dérange lorsqu’il y a de la violence dans les films, même si c’est important de la représenter.” Angelina Woreth
Dans le film des frères Boukherma, une place importante est occupée par la violence. Le cinéma doit-il selon-vous être extrême pour procurer des émotions ?
Ça me dérange lorsqu’il y a de la violence dans les films, même si c’est important de la représenter. Mon personnage ressent pour sa part une forme de violence à travers la désillusion quand elle éprouve en arrivant à Paris. Mais c’est quelque chose d’assez intérieur. Dans le film, Stéphanie existe beaucoup à travers les yeux et le regard fantasmé d’Anthony et une grande partie de son caractère reste assez mystérieux. Afin de réussir à l’incarner au mieux, je me suis nourrie de toute cette violence qu’elle vit et qui est très bien décrite dans le roman.
Beaucoup de spectateurs établissent un parallèle entre Leurs enfants après eux et un autre succès cinématographique de ces dernières semaines : L’Amour ouf. Êtes-vous la prochaine Adèle Exarchopoulos ?
C’est une superbe actrice que j’admire énormément. Mais j’essaie de m’imposer en tant que “moi-même” et c’est déjà un grand défi.
Dernièrement, vous étiez également à l’affiche du film Ma vie ma gueule dans lequel vous interprétez la fille d’Agnès Jaoui. Qui sont les comédiens avec qui vous rêvez de tourner ?
Travailler avec Agnès Jaoui, c’était déjà un immense honneur. Sur le tournage du film, elle était tellement gentille, avenante et simple. Sinon, je n’ai pas forcément d’actrices qui me viennent en tête, parce que cela dépend souvent des projets. En règle générale, tous les acteurs m’intéressent et je reste ouverte à toutes les rencontres que ce métier me permettra de faire.
“Je ne voulais pas réellement devenir actrice.” Angelina Woreth
Leurs enfants après eux se déroule dans une époque assez similaire que celle du film Les Rascals. Que ressentez-vous en vous plongeant dans l’atmosphère si spéciale des années 80 et 90 ?
On baigne dans les années 1990 depuis que l’on est enfants. À travers les films, la musique, le style vestimentaire… C’est quelque chose qui fait partie de notre culture. Sur le tournage du film, j’ai trouvé que les décors étaient particulièrement marquants car on y trouve une myriade de références aux goûts des différents personnages. Ce qu’il y a de fondamentalement à cette époque, c’est l’absence de réseau social. Cela crée forcément des enjeux différents et une certaine forme d’insouciance par rapport au monde extérieur. Pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est très facile d’avoir accès à l’information, même si tu n’es pas en train de lire Le Monde ou de regarder les news car nous sommes dans un flux constant. Je pense qu’à l’époque, il était peut-être plus simple de pouvoir rêver plus grand.
Depuis le début de votre carrière, vous avez incarné plusieurs personnages féminins complexes comme dans le film Les Rascals où vous prêtiez vous traits à une adolescente d’extrême droite. Comment choisissez-vous vos rôles ?
Pour être honnête, je ne suis qu’au début de ma carrière, donc je n’ai pas toujours un choix immense. Il y a évidemment des projets que je refuse mais pour les films dans lesquels j’ai joué, j’ai toujours eu la chance d’avoir des rôles qui me touchaient profondément. Dans Les Rascals, je me suis confrontée à un personnage qui ne me ressemblait pas du tout et c’était intéressant de trouver l’humanité dans ce rôle. D’essayer de comprendre pourquoi elle se retrouve dans cette situation… Cette ouverture sur le monde permise par le cinéma est passionnante.
“Le fait de bien s’habiller a toujours fait partie de ma vie.” Angelina Woreth
Quelle enfance avez-vous vécue ?
J’ai eu une enfance très joyeuse car j’ai grandi avec deux sœurs et des parents artistes, notamment un père qui fait du cinéma. Je suis souvent allée sur les plateaux et j’ai toujours admiré ce monde-là. Mais en réalité, je ne voulais pas réellement devenir actrice. Pendant longtemps, je ne savais pas ce que j’allais faire car j’étais franchement nulle à l’école si bien que je me suis déscolarisée à l’âge de seize ans. À l’origine, mes parents étaient très réfractaires à cette idée mais comme mon père a pu faire des films toute son existence et vivre de cela sans faire d’études, je pense qu’il a compris qu’il y avait un moyen de faire autrement. Puis j’ai aussi été assez privilégiée pour me permettre d’arrêter les études, parce que j’avais des parents qui me soutenaient. Alors, je me suis inscrite en école de théâtre et aujourd’hui je suis très contente d’avoir eu ce parcours. Je pense même pouvoir affirmer que ça a bien marché.
Et vous allez bientôt jouer face à Mélanie Laurent dans le premier film réalisé par Joséphine Japy…
Dans le film de Joséphine Japy, Qui brille au combat, je joue aussi aux côtés de Pierre-Yves Cardinal et de Félix Kysyl qui sont deux excellents acteurs. C’est un long-métrage qui retrace l’histoire de la réalisatrice et qui s’empare de manière très personnelle de la thématique du handicap.
On vous a déjà aperçue à un défilé Jacquemus. Comment évoqueriez-vous votre rapport à la mode ?
Je ne sais pas si la mode fait partie de mes préoccupations principales. Par contre, le fait de bien s’habiller a toujours fait partie de ma vie. Cela doit probablement venir de ma mère qui est dingue de vintage et de vêtements d’archive. Elle a été costumière, designer et elle aussi a fait de la maroquinerie pendant trente ans…
Leurs enfants après eux (2024) de Ludovic et Zoran Boukherma, avec Angelina Woreth, Paul Kircher, Ludivine Sagnier et Gilles Lellouche, au cinéma le 4 décembre 2024.