Rencontre avec Vassili Schneider, la star du Comte de Monte-Cristo qui fait ses débuts au théâtre
À Paris, au théâtre du Petit Saint-Martin, l’acteur franco-canadien Vassili Schneider impressionne dans la pièce La prochaine fois que tu mordras la poussière, un seul-en-scène vivifiant adapté du roman à succès de Panayotis Pascot. Au cours d’une interview accordée à Numéro, le jeune acteur révélé dans le blockbuster hexagonal Le Comte de Monte-Cristo (2024) se confie, sans filtre, sur son enfance montréalaise et ses envies de réalisation.
propos recueillis par Nathan Merchadier.
Vassili Schneider fait ses premiers pas au théâtre dans la peau de Panayotis Pascot
Depuis près de quinze ans, la fratrie Schneider n’a de cesse de marquer le cinéma français à coups d’apparitions renversantes dans des films (Diamant Noir, La Venus d’argent) et des séries acclamées (Salade grecque, D’argent et de sang). Après avoir rencontré Niels, l’aîné de la famille qui s’est hissé parmi les acteurs les plus prisés de la place parisienne, et avant de révéler notre entretien avec Aliocha, le chanteur de la bande, Numéro se penche sur le cas de Vassili Schneider.
Après avoir fait ses armes en doublant des films au Québec, l’adolescent au visage gracile s’exporte dans l’hexagone lors de son dix-huitième anniversaire et ne tarde pas à se faire remarquer dans des rôles de jeunes premiers qui ne manquent pas de panache. Du film Les Amandiers (2022) de Valeria Bruni-Tedeschi à la série Mixte (2021) en passant par Le Comte de Monte-Cristo, le blockbuster français de l’été 2024, le visage de Vassili Schneider ne semble pas près de quitter le grand et le petit écran.
Dans un registre éloigné des films qui ont contribué à le faire connaître, le jeune homme s’illustre depuis quelques semaines au théâtre dans un seul-en-scène poignant, inspiré du roman à succès La prochaine fois que tu mordras la poussière (2023) de la star du stand-up et acteur Panayotis Pascot et mis en scène par son frère Paul Pascot.
Au long d’une pièce ambitieuse évoquant sans détour la thématique du deuil et des relations conflictuelles entre un fils et son père, l’acteur prouve qu’il a bien plus à apporter qu’une simple gueule d’ange. La preuve ? Le spectacle est annoncé complet jusqu’au mois de février 2025 et s’attire les applaudissements d’un public toujours plus large à chaque représentation, dans le très intime théâtre du Petit Saint-Martin. Rencontre avec l’une des nouvelles sensations du cinéma français.
L’interview de Vassili Schneider, star flamboyante du Comte de Monte-Cristo
Numéro : Vous êtes actuellement à l’affiche de la pièce La prochaine fois que tu mordras la poussière au théâtre du Petit Saint-Martin. Comment s’est déroulée la préparation de ce seul-en-scène ?
Vassili Schneider : Après avoir joué dans Le Comte de Monte-Cristo, j’ai eu très envie de faire du théâtre. Alors j’ai passé le casting pour la pièce de Paul Pascot (metteur-en-scène du spectacle) et je voulais tellement décrocher le rôle que j’ai fini par apprendre un chapitre entier du livre de Panayotis Pascot. Dans ce texte, tout a un sens très poétique et je trouve cela assez beau. Par exemple, quand mon personnage parle du chaud et du froid, ça raconte sa relation difficile avec son père. Lorsqu’il parle du soleil qui se couche, cela évoque le fait que son père est en train de mourir et que c’est, paradoxalement, un moment lors du quel il se sent bien.
Voir un acteur de votre génération au théâtre, c’est n’est pas très commun… Pourquoi avoir fait ce choix ?
Pour être tout à fait honnête, je suis plus un spectateur de cinéma qu’un spectateur de théâtre. Mais après avoir joué dans le film Les Amandiers (2022), j’avais déjà approché cette discipline. Valeria Bruni-Tedeschi nous dirigeait comme si on allait jouer une pièce. À ce moment-là, je me suis aussi rendu compte qu’au cinéma, on ne jouait jamais devant un public. Au théâtre, ce qui est formidable, c’est que le public réagit à tout ce que je dis et à tout ce que je fais. J’aime le fait que l’histoire que je vais raconter un soir puisse disparaître dès le lendemain, qu’en quelque sorte, elle n’existe plus.
Dans son livre, Panayotis Pascot aborde des sujets très personnels. Certains d’entre eux résonnent-ils avec des passages de votre vie ?
En réalité, je suis très éloigné de ce personnage. Je n’ai jamais souffert de dépression, je n’ai jamais remis en question ma sexualité et je n’ai pas de relations conflictuelles avec mes parents. Mais je pense qu’en tant qu’enfant, on éprouve tous le besoin de s’émanciper de ses parents un jour ou l’autre. J’ai vécu cela à l’adolescence et il y a plein d’éléments du livre qui résonnent en moi. Par exemple, le personnage a honte de ne pas être touché par la mort de son père. De mon côté, j’ai eu des regrets similaires jusqu’à l’adolescence. Quand j’avais 4 ans, nous avons perdu notre frère aîné Vadim et je n’avais pas le recul nécessaire pour réaliser ce qui s’était passé. Je ne comprenais pas vraiment ce que signifiait la mort d’un proche.
“Pendant mon enfance, j’étais souvent en colère car j’avais toujours l’impression d’être le dernier à avoir été sélectionné dans une équipe de foot.” Vassili Schneider
Quelle enfance avez-vous vécu ?
Je suis le benjamin d’une fratrie de cinq garçons et j’ai une grande différence d’âge avec mes frères. Pendant mon enfance, j’étais souvent en colère car j’avais toujours l’impression d’être le dernier à avoir été sélectionné dans une équipe de foot. Plus tard, à l’adolescence, je me suis coupé de ma famille pour me rapprocher de mes amis. Je pense aussi que le drame que nous avons vécu m’a conduit à m’éloigner de ce cadre qui pouvait parfois être lourd.
À un moment de la pièce, vous vous lâchez sur scène en chantant en playback un titre de Queen. Comment évoqueriez-vous vos goûts musicaux ?
J’ai grandi dans une maison où il y avait toujours de la musique. Tous mes frères jouaient d’un instrument. Aliocha, Vadim et Niels jouaient de la guitare et Volodia, de la batterie. De notre côté, avec ma mère, nous avons beaucoup joué du piano.
Quels sont les artistes qui tournent en boucle dans votre playlist en ce moment ?
Je ne sais pas si c’est parce que j’ai enchaîné les films d’époque, mais dernièrement j’ai écouté beaucoup de musique classique. Pendant longtemps, je n’aimais pas ce style car je l’associais à une musique très bourgeoise. Sinon, j’écoute beaucoup de jazz et de folk. J’aime aussi Baden Powell, un guitariste brésilien qui fait de la bossa nova. Dans ma playlist, il y aussi Caetano Veloso ou encore David Bowie ou Sixto Rodríguez. Le titre Bohemian Rhapsody (1975) de Queen que je chante en playback dans la pièce me touche beaucoup. Je pense aussi que j’ai un rapport particulier avec cette chanson car j’ai l’impression que c’était l’un des morceaux que pouvait écouter mon frère Vadim.
“Quand j’ai su que je rejoignais le casting du Comte de Monte-Cristo, je savais déjà que ça allait devenir un film important.” Vassili Schneider
Vous teniez l’un de vos premiers grands rôles dans le film Les Amandiers. Quel souvenir gardez-vous de ce baptême du feu ?
C’est le premier film dans lequel j’ai joué qui a été sélectionné au Festival de Cannes et c’est aussi l’un des premiers long-métrages qui m’a placé dans la lumière. C’était une expérience incroyable et en y repensant, je n’avais même pas l’impression de faire du cinéma à ce moment-là. J’avais le sentiment de jouer ma vie et c’est encore aujourd’hui l’un de mes plus beaux souvenirs de tournage.
Comment s’est déroulé le tournage du film Le Comte de Monte–Cristo ?
J’avais lu Le Comte de Monte-Cristo (1846) d’Alexandre Dumas à l’école et c’est probablement l’un des seuls livres que j’ai vraiment apprécié. Quand j’ai su que j’étais retenu pour jouer dans ce film, j’ai du faire face à une immense pression car je savais déjà que ça allait devenir un film important. Mais dès la première journée passée sur le plateau, toute cette pression s’est évaporée. J’étais entouré de comédiens comme Pierre Niney, Laurent Lafitte ou encore Bastien Bouillon qui étaient très détendus. Ils ont réussi à instaurer une atmosphère légère et nous avons même fini par oublier que nous étions en train de tourner un film qui allait potentiellement faire plus de 9 millions d’entrées.
Dans la large palette de rôles que vous avez incarnés, y a-t’il un personnage que vous rêvez secrètement d’interpréter ?
Ce que j’aime dans le métier d’acteur, c’est le fait de découvrir des univers que je n’ai encore jamais explorés. C’est difficile de ne retenir qu’un personnage ou qu’un rôle en particulier car le potentiel d’un film se révèle aussi au contact de son équipe. Dans la pièce de Paul Pascot, c’est la première fois que j’interprète un personnage aussi sombre. Cela m’a donné envie d’explorer en détail ce genre d’émotions dans mes prochains projets. Une fois, j’ai dit lors d’une interview que j’aimerais bien interpréter Michel Berger à l’écran. Même si je ne suis pas un grand fan de biopics…
“Avant de devenir acteur, j’ai toujours voulu réaliser des films.” Vassili Schneider
Prévoyez-vous de passer de l’autre côté de la caméra en réalisant un film ?
Avant de devenir acteur, j’ai toujours voulu réaliser des films. Il y a quelques années, j’avais signé plusieurs clips de mon frère Aliocha et plus récemment, j’ai réalisé mon premier court-métrage avec Melvil Poupaud et Eva Danino. C’est une histoire adaptée d’un récit de Raphaël Haroche qui avait gagné le prix Goncourt de la nouvelle, une espèce de comédie noire.
Il me semble que ce court-métrage a été produit par Saint Laurent. Comment avez-vous approché cette maison mythique ?
Je suis assez flatté car Saint Laurent a récemment produit des films pour d’immenses réalisateurs comme Paolo Sorrentino, Pedro Almodóvar ou encore Jacques Audiard. Quand je suis arrivé en France à 18 ans, je suis reparti à zéro et j’ai mis plusieurs années avant de décrocher mes premiers rôles. À cette même période, on m’a repéré dans la rue pour me proposer de faire du mannequinat et cela m’a permis de gagner un peu d’argent. C’est aussi grâce à cela que j’ai commencé à nouer une relation très forte avec Saint Laurent. Si à l’époque, je n’avais pas eu ces contrats liés à la mode, j’aurais sûrement dû rentrer à Montréal…
Vous serez prochainement à l’affiche du film La venue de l’avenir de Cédric Klapisch… Pouvez-vous nous parler de vos projets ?
Dans ce film qui parle du courant impressionniste et des artistes du 19e siècle, j’incarne un photographe aux côtés de Paul Kircher et Suzanne Lindon. C’était passionnant de se plonger dans cette époque car il était constamment question d’invention. Paris venait de se transformer suite à l’exposition universelle et j’adore lorsqu’un rôle me permet d’apprendre des choses sur une partie de l’histoire. J’ai aussi deux autres projets très intéressants, mais tout cela reste malheureusement encore hautement confidentiel…
La prochaine fois que tu mordras la poussière (2024) mis en scène par Paul Pascot, avec Vassili Schneider et Yann Pradal, au théâtre du Petit Saint-Martin jusqu’au 8 mars 2025.