6 nov 2024

Revivez la masterclass de Demi Moore à la Cinémathèque : “J’ai longtemps été très dure envers moi-même”

Alors qu’elle est l’héroïne du film féministe et gore de Coralie Fargeat, The Substance, qui sort ce mercredi 6 novembre 2024 au cinéma, Demi Moore donnait une masterclass à la Cinémathèque française, à Paris, un jour plus tôt. Numéro a assisté à ce moment émouvant et sans filtre aux côtés d’une actrice majeure.

Demi Moore à la projection de The Substance à la Cinémathèque française, le 5 novembre 2024. Photo par Marc Piasecki/WireImage via Getty Images.
Demi Moore à la projection de The Substance à la Cinémathèque française, à Paris, le 5 novembre 2024. Photo par Marc Piasecki/WireImage via Getty Images.

À quoi reconnaît-on une immense star américaine ? Sans doute à sa demi-heure de retard minimum, à la standing ovation qu’elle suscite ainsi qu’à son charisme, phénoménal. Lors de sa masterclass à la Cinémathèque française (à Paris), qui avait lieu ce mardi 5 décembre 2024, l’actrice et productrice Demi Moore cochait toutes les cases. Mais il fallait ajouter l’intelligence, la classe et l’humour au tableau déjà impressionnant. 

Acclamée par une foule de cinéphiles dans la salle Henri Langlois de la prestigieuse institution, l’excellente comédienne américaine âgée de 61 ans, sex-symbole notoire et icône des années 90 (mais pas que) est revenue sur l’ensemble de sa carrière, sur son rapport à la nudité à l’écran et sur son nouveau film : The Substance de Coralie Fargeat, qui sort au cinéma ce mercredi 6 novembre 2024. Sans oublier d’évoquer la solitude qui entoure les stars quand elles cachent les parties d’elles-mêmes les moins aimables, la liberté qui accompagne les femmes devenues productrices et son amour pour son adorable petit chien, Pilaf.

J’ai longtemps été très dure envers moi-même.” Demi Moore

La star a d’abord parlé de sa renaissance au cinéma, avec le film de body horror The Substance, qui a fait sensation au Festival de Cannes. Gore et féministe, le film de la réalisatrice française Coralie Fargeat (Revenge) met en scène une Demi Moore époustouflante en star du fitness et de la télévision virée de son émission et refusant de vieillir.

Elle explique : “En lisant le script, j’ai aimé le sujet du film (l’âgisme, ndlr), que j’ai trouvé très pertinent. Coralie a une façon unique d’aborder ce sujet important, qui m’a vraiment émue. En tant qu’actrice évoluant depuis longtemps dans l’industrie du cinéma, j’ai été confrontée aux problèmes que pose le fait de vieillir. Ce qui m’a particulièrement touchée, c’est la violence et la dureté dont on peut faire preuve envers soi-même. Ça n’avait pas vraiment été exploré à l’écran. La façon dont Coralie aborde ce thème est risquée, effrayante, et elle vous pousse en dehors de votre zone de confort.” 

Demi Moore avoue avoir ressenti tout au long de sa carrière la pression du corps parfait et l’exigence des autres envers son apparence. Celle qui a été adepte de régimes drastiques a, durant des décennies, porté un regard tout sauf tendre sur son physique : “J’ai longtemps été très dure envers moi-même”, confesse-t-elle à l’assemblée. Elle ne regarde d’ailleurs pas ses films. Mais en revoyant certaines images d’elle à l’écran, compilées ce soir-là par la Cinémathèque française dans une vidéo lui rendant hommage, elle s’exclame : “Je me jugeais sévèrement en me regardant à l’époque, mais en fait, j’étais mignonne.” On acquiesce. D’ailleurs, elle l’est toujours. Même plus que ça. Sculpturale et magnétique.

Demi Moore dans The Substance Coralie Fargeat
Demi Moore dans The Substance (2024) de Coralie Fargeat.

The Substance de Coralie Fargeat : un female gaze cathartique

Pour Demi Moore, cette histoire trash et sanglante d’une femme virée par son patron misogyne qui a recours à une substance dangereuse pour engendrer une version plus jeune et parfaite d’elle-même aurait pu être dirigée par un homme, mais pas écrite par un homme. La façon d’utiliser le son et la symbolique de Coralie Fargeat étonne le public et les critiques, mais pour Demi Moore, les gens sont surpris simplement parce que les femmes n’ont pas eu le temps et l’espace de montrer tout ce dont elles sont capables. D’ailleurs, elle précise, sous les applaudissements des cinéphiles parisiens : “J’aimerais que le monde ne soit plus surpris par le fait qu’une femme fasse quelque chose comme The Substance.”

Le regard de l’actrice sur la nudité à l’écran

Souvent nue dans The Substance, Demi Moore a beaucoup discuté des scènes dans lesquelles elle apparaît sans vêtements, en amont, avec la réalisatrice Coralie Fargeat. “Ce sont souvent des séquences où mon personnage, Elisabeth Sparkle, est seule, face au miroir. Ce n’est pas une situation anormale et ça permettait de montrer la fragilité de l’héroïne. Ces moments crus servent l’histoire.

Il est essentiel, pour l’actrice, de se consacrer à la vérité du moment même si certains spectateurs vont peut-être considérer qu’il s’agit “d’une femme qui n’a plus 20 ou 30 ans, qui a des imperfections liées à son âge et qui va s’abandonner à sa nudité. Il peut y avoir de la beauté dans ce que le public voit, mais dans le reflet qu’Elisabeth Sparkle a d’elle-même il y a de l’horreur, du monstrueux.

Demi Moore à Los Angeles, le 22 février 1984. Photo par Ron Galella, Ltd./Ron Galella Collection via Getty Images.
Demi Moore à Los Angeles, le 22 février 1984. Photo par Ron Galella, Ltd./Ron Galella Collection via Getty Images.

“Une femme est célébrée quand elle annonce sa grossesse puis au moment de la naissance, mais entre les deux, il ne faut pas signifier qu’on a fait l’amour.” Demi Moore

En parlant d’intimité, Demi Moore n’avait pas prévu de choquer son pays en posant nue et enceinte en couverture du Vanity Fair américain en 1991. C’était une photo qui, au départ, a été prise pour elle et sa famille. La star s’insurge : “Une femme est célébrée quand elle annonce sa grossesse puis au moment de la naissance, mais entre les deux, il ne faut pas signifier trop clairement qu’on a fait l’amour (rires). Au moment de prendre cette photo, je me sentais bien dans mon corps et sexy, alors que les vêtements de grossesse ont longtemps été très couvrants.

L’actrice a profité de cette masterclass pour pointer du doigt le puritanisme de son pays. “Comme vous le voyez avec les élections, nous avons beaucoup de fanatiques religieux et de criminels dans notre pays. La sexualité est souvent tabou. On a peur du corps, ce que je n’ai jamais compris, d’où mes rôles. Les limites que l’on impose au corps ne servent personne. C’est idiot que l’on puisse célébrer le corps dans les autres arts, mais pas au cinéma.” Elle insiste par contre sur le fait que les femmes ne doivent plus être objectifiées à l’écran dans les scènes de nudité et a hâte de voir comme le streaming permettra de voir à l’écran différentes formes de sexualité. 

Demi Moore sur le tournage de Ghost, de Jerry Zucker. Photo par Paramount Pictures/Sunset Boulevard/Corbis via Getty Images.
Demi Moore sur le tournage de Ghost (1990) de Jerry Zucker. Photo par Paramount Pictures/Sunset Boulevard/Corbis via Getty Images.

Le film culte Ghost n’a pas été facile à tourner

Difficile d’évoquer la carrière de Demi Moore sans parler du film culte Ghost (1990) avec Patrick Swayze (qu’elle qualifie de très belle âme tout en célébrant sa plastique), qui a fait d’elle une star. La comédienne a vu des similitudes entre ce long-métrage et The Substance. Elle ne savait pas, en lisant les scénarios, si ce serait d’immenses succès ou des désastres. “Ils entremêlent des thématiques très fortes et des genres si différents. Quand j’ai lu le script de Ghost, je me suis dit : “On a une comédie, un thriller et une histoire d’amour. C’était un projet à part, comme The Substance, qui nous emmène dans tellement de directions qu’on ne sait pas où ça va nous mener.”

Le personnage principal, une sculptrice dont le compagnon est assassiné, n’était pas facile à jouer. Mais Demi Moore s’y avère impressionnante : “On voit un personnage très jeune faire face à un deuil et à un chagrin immense, ce qui rend le film très touchant. Mais le long-métrage comporte une lueur d’espoir, d’optimisme, par rapport à la connexion profonde et aux possibilités qui peuvent se créer dans des moments très difficiles. Pour jouer ce personnage, il faut trouver en soi, dans sa propre réalité, quelque chose qui se rattache à ça.”

Mon école ? Fake it until you make it.” Demi Moore

L’actrice de Charlie’s Angels : Les Anges se déchaînent ! (2003) en a profité pour rappeler qu’à ses débuts à Hollywood, elle n’avait pas pris de cours de théâtre. Son école ? “Fake it until you make it (“Fais semblant jusqu’à ce que ça marche).

Apprendre a toujours été son mantra. Elle a notamment suivi un entraînement acharné pour incarner une Navy SEAL dans À armes égales (1997) et a beaucoup travaillé (notamment sur son corps) pour devenir une mère qui, pour récupérer la garde de sa fille, s’improvise danseuse dans un club dans Striptease (1996), le film qui fera d’elle l’actrice la mieux payée d’Hollywood à l’époque. “L’une des plus belles choses lorsqu’on est actrice, c’est de se plonger dans la peau et la vie de quelqu’un d’autre. L’évolution personnelle est mon premier métier. Et la partie la plus joyeuse de mon boulot a été, par exemple, de m’exercer pour être Navy SEAL. Même si je ne pourrais pas mener leur vie au quotidien, ça ouvre des perspectives.”

La star de Proposition indécente (1993) et Harcèlement (1994) a aussi beaucoup appris en regardant les autres pour savoir comment atteindre une émotion. Car à ses débuts, elle se sentait parfois perdue. “En regardant Tom Cruise et Jack Nicholson, j’étudiais comment ils faisaient. Je me souviens d’une scène, sur le tournage du film Des hommes d’honneur (1992) où Jack Nicholson était hors-champ. Le réalisateur, Rob Reiner, filmait le tribunal alors que l’acteur se tenait à la barre. Même sans caméra pointée sur lui, il donnait tout, si bien qu’à la fin de la journée, il n’avait presque plus de voix. Cette générosité, à un tel niveau de notoriété, m’a marquée : il était présent pour tous les acteurs, afin que chacun donne le meilleur de lui-même. Son plus beau cadeau, ce n’était pas son interprétation, mais sa générosité.

Demi Moore et Bruce Willis au Planet Hollywood de Costa Mesa, en Californie, le 23 octobre 1992. Photo par Ron Davis/Getty Images.
Demi Moore et Bruce Willis au Planet Hollywood de Costa Mesa, en Californie, le 23 octobre 1992. Photo par Ron Davis/Getty Images.

Demi Moore, Brat girl avant l’heure

Avant que le mot Brat ne devienne l’expression de l’année grâce à Charli xcx, Demi Moore a fait partie, dans les années 80 du Brat Pack, un groupe d’acteurs américains stars de films destinés à un jeune public. Parmi eux, figurent Emilio Estevez, Rob Lowe, Molly Ringwald ou encore Ally Sheedy.

Demetria Gene Guynes (de son vrai nom) explique : “C’était un bon mot inventé par un journaliste (en référence au Rat Pack de Frank Sinatra dans les sixties, ndlr), lorsqu’il était de sortie avec trois acteurs appartenant à ce groupe. Nous n’aimions pas être qualifiés de Brats (sales gosses) car nous avions une vingtaine d’années et nous voulions être pris au sérieux. Et non vus comme des garnements. Je me suis aperçue, en voyant le documentaire Brats d’Andrew McCarthy, qu’au lieu de nous rapprocher, cette appellation nous a éloignés. Car chacun de nous a voulu se défaire de cette image qui pouvait être vexante. Mais on devrait tous se retrouver bientôt pour un projet concernant le Brat Pack.

Avec le recul, le terme Brat sied pourtant parfaitement à Demi Mo(o)re, une actrice qui ne fait pas les choses à moitié, n’ayant jamais eu peur de s’afficher avec un homme plus jeune (celle qui a partagé la vie de Bruce Willis a vécu une histoire d’amour avec Ashton Kutcher), de se mettre à nu et de se raser la tête pour un thriller militaire. Bref, une femme libre, qui, avec The Substance, continue, à 61 ans, de défrayer la chronique et de bousculer les préjugés.

The Substance (2024) de Coralie Fargeat, avec Demi Moore et Margaret Qualley, actuellement au cinéma.